Parlons du petit gibier et du panais, cette semaine!

J’ai déjà raconté que mon père allait chasser le lièvre et la perdrix, dès l’âge de 10 ans, dans les environs de la ferme familiale d’Albanel. C’est son père qui l’avait initié à cette petite chasse et qui lui avait donné la mission de nourrir sa famille pendant qu’il allait bucher dans un camp forestier lointain, avec les autres pères de famille du village. Et mon père qui n’aimait pas beaucoup l’école y trouva beaucoup de plaisir, pendant toute son adolescence. Il m’initia donc aussi, très jeune, à la chasse au lièvre et à la perdrix qu’il continua à faire dans les environs de Jonquière et de Kénogami après notre déménagement au Saguenay.

Lorsque notre famille put se le permettre, mon père acheta un chalet sur le bord de la rivière Mistassini où, toutes les fins de semaine de l’automne, il put continuer à pratiquer cette petite chasse et la trappe des fourrures. Nous avons donc été initiés très jeunes à manger du petit gibier. Ma mère avait plusieurs recettes pour cuisiner le fruit de cette chasse au collet : la fameuse tourtière régionale, le lièvre aux pruneaux et la perdrix au chou que j’aimais particulièrement. Lorsque j’ouvris notre auberge avec ma femme, à La Baie, le lièvre et la perdrix devinrent deux vedettes de notre menu environnemental. Le pabo et le pabaï devinrent les plats autochtones les plus populaires de notre menu. Dès la fondation de notre auberge, nous nous affichions comme une auberge qui se spécialiserait dans la cuisine des fondateurs de la région du Saguenay : les Innus, les Français et les Écossais. Et j’avais reçu un appel d’une dame d’origine innue qui m’avait expliqué la composition des deux plats en question. Une autre Innue de Betsiamites qui était l’une de mes étudiantes au Cégep de Chicoutimi me donna aussi plusieurs recettes de petit gibier que sa grand-mère faisait, sur la Côte-Nord. Je vous donne, donc, cette semaine, des recettes de petit gibier. Je vous invite, aussi, à revisiter les textes historiques des aliments de cette semaine, le lièvre, la perdrix et le panais.

L’autre vedette de cette semaine est le panais. Je dis « vedette » avec des explications parce que ce légume québécois est encore complètement inconnu et ignoré de plusieurs familles, y compris de la famille de ma mère. La famille de mon père qui venait de Lanaudière le connaissait pourtant bien, même si elle le consomma certaines années seulement. Le plus lointain souvenir que j’ai de ce légume est un repas que nous avions pris chez un oncle de mon père qui habitait Jonquière, mon oncle Camille, un frère de ma grand-mère paternelle. Ils nous avaient servi un braisé de viandes diverses avec des carottes, du panais et du chou dont j’ai un bon souvenir. Sa femme nous avait parlé avec enthousiasme de ce légume que ses parents cultivaient à Sainte-Mélanie, dans Lanaudière. Le panais est un légume-racine cultivé depuis le XVIIe siècle, au Québec, comme le confirmait Pierre Boucher, en 1664. Mais c’est le genre d’aliment qu’on adore ou qu’on déteste, un peu comme les huitres ou la cannelle. Les colons anglais qui s’installèrent au Québec, au XVIII e siècle, se plantaient beaucoup de panais. Mais le climat québécois en forca certains à remplacer sa culture par celle du rutabaga. À cause du climat, sa culture bisannuelle est plus difficile à gérer que la culture des carottes ou des navets. J’ai pu constater cette difficulté lorsque j’ai planté mes premiers panais, à La Présentation, en 1973. Si on veut obtenir un panais d’une bonne grosseur, il faut le faire passer l’hiver sous la neige pour qu’il continue sa croissance, l’année suivante. Il atteint alors une grosseur qui vaut la peine. Ou bien, il faut le partir très tôt, en serre, et le récolter tard, en automne. De plus, son gout sucré peut adoucir les plats de gibier au gout plus fort que les viandes domestiques. Il parfume bien les bouillons de gros gibier ou de bœuf. Mais il faut juste en mettre moins que les autres légumes. L’une des raisons de son impopularité chez certaines personnes, c’est son gout de sucre qui se développe encore plus lors d’une longue cuisson. Si on le sert en légume d’accompagnement, il ne faut pas trop le cuire. La cuisson à la vapeur, en rondelles, avec un peu de croquant, est la cuisson idéale pour ce légume. Je vous invite aussi à le râper pour en faire quelques salades, comme je vous le suggère, cette semaine, dans ma liste de recettes en vedette.

Je vous souhaite une bonne semaine, en attendant de vous parler d’une autre racine populaire, la semaine prochaine : la carotte.

Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec