Le porc dans la cuisine traditionnelle québécoise

Le porc est certainement l'aliment qui compte le plus de recettes sur ce site web. On l'associe beaucoup aux cuisines nordiques européennes dont la cuisine québécoise descend partiellement. Le porc est aussi identitaire dans les cuisines chinoises, coréennes et sud-asiatiques. On le retouve aussi beaucoup dans les cuisines américaines du Nord, antillaises et sud-américaines fondées par les Espagnols et les Portugais. Pourtant, le porc domestique s'est aussi répandu au Moyen-Orient et en Arabie, avant l'arrivée des grandes religions du monde qui l'interdisaient totalement, ou certains jours de l'année, comme le vendredi ou les "jours saints". Je vous redonne le texte que j'ai écrit sur son histoire sur ce site web :

"Notre porc est originaire d’Asie centrale d’où sont partis tous nos ancêtres lointains pour envahir l’Europe. Les Celtes, les Germains, les Grecs et les Romains élevaient tous du porc. Mais ce sont les Celtes, ancêtres des Gaulois, qui lui vouaient un véritable culte. Ils laissaient paitre les troupeaux de cochons dans les forêts de chêne autour de leurs villages, où se tenaient leurs prêtres, les druides. Le chêne, l’arbre divin par excellence, nourrissait le cochon de ses glands. Lorsque le premier de l’An celte arrivait, au début novembre, on sacrifiait l’animal avec soin pour le consommer totalement dans un grand repas festif relié à la mythologie celtique. Le cochon était considéré, par eux, comme un animal très intelligent qui savait tirer profit de son environnement tout en s’adaptant au moment présent. Pour acquérir son intelligence, on gardait la consommation de sa tête comme le grand plat festif, par excellence. On la faisait doucement rôtir et on la consommait de façon cérémonieuse. Au début du Moyen Âge, on s’est mis à remplacer les os de la tête par une farce de pain et d’herbes séchées. L’arrivée du christianisme en Europe, à la même époque, ne put empêcher les villageois gaulois de continuer de célébrer le porc, au premier de l’An. On retarda sa consommation festive au Premier de l’an chrétien, qui changea de date, au cours des siècles. 

Les Français apportèrent toute cette cuisine festive du porc en Nouvelle-France, au XVII e siècle. Et ils ajoutèrent les créations normandes héritées des Francs et des Vikings, comme le boudin et le porc fumé devenu le bacon et le jambon. On continua, au Québec, de faire les ragouts de pattes de porc, les charcuteries, les rôtis de porc, les saucisses, le boudin, à chaque année, au temps des fêtes annuelles de Noël, du Premier de l’An et de la fête des Rois. J’ai trouvé, dans quelques archives, des témoignages datant des années 1950, qui parlaient de la fameuse tête de porc, encore servie à Québec, sur le Chemin du Roy et sur la Côte-du-Sud, le midi du jour de Noël ou du Premier de l’An. Une dame de Québec racontait que ce repas de Noël au midi était réservé à la famille immédiate, seulement, et qu’on mangeait la tête cérémonieusement, presqu’en silence. Dans la plupart des familles, on commençait le repas par un ragout de pattes de porc, divers pâtés de porc haché, des charcuteries maison comme la tête fromagée, les cretons, les plorines, le boudin, etc. avant de passer à l’oie farcie, autre souvenir de l’époque celtique."

Cette semaine, je vous donne quelques recettes traditionnelles de porc ramassées au cours de mon enquête, de 2000 à 2013, un peu partout au Québec. Je vous invite aussi à lire quelques articles que j'ai écrits sur certains de nos plats de porc, d'hier à aujourd'hui: les filets de porc grillés, les braisés de porc ou de jambon en cubes ou en tranches, les ragouts de porc en cubes au four, les bouillons de porc ou de jambon, les filets de porc et coqs-au-porc poêlés, les saucisses et saucissons divers. Et en tapant le mot "porc" dans l'outil de recherche, vous recueillerez plusieurs dizaines de recettes de porc et d'abats de porc.

Comme on fêtera Noël en petits groupes familiaux, cette année, c'est peut-être le bon moment pour parler de cette tradition québécois millénaire en remplaçant la dinde par un simple pâté à la viande ou une tourtière avec la traditionnelle salade de chou avec carottes ou betteraves râpées, comme au XVIIe siècle.

Et pourquoi ne pas faire quelques beignes avec les enfants, en même temps.

Michel Lanbert, historien de la cuisine familiale du Québec