L'orge en vedette, cette semaine!

Je commence, cette semaine, une série d’aliments glucidiques de première génération qui sont venus historiquement compléter le riz sauvage de la civilisation algonquienne, le maïs de la civilisation iroquoïenne, le blé de la culture française et la pomme de terre de la culture britannique, les 4 aliments fondateurs de notre cuisine dont nous avons parlé, les semaines précédentes.

Les Français ont apporté 4 céréales de seconde importance dont nous commençons à parler, cette semaine : l’orge, l’avoine, le seigle et le sarrasin. Par expérience, les Français savaient que la culture du blé ne donnait pas toujours les résultats escomptés ; et c’était encore plus vrai au Québec à cause des grands écarts de température. Les sauterelles, la sécheresse, les pluies diluviennes, les voiliers d’étourneaux, etc. pouvaient détruire en quelques heures la récolte prévue pour l’année. De plus, le blé poussait dans des terres labourées profondément et généreuses en engrais naturels. Les jeunes couples qui devaient se bucher une terre ne pouvaient installer la culture du blé, dès le début de leur installation sur une nouvelle terre, particulièrement dans les régions en amont de la plaine du Saint-Laurent. C’est pourquoi les céréales complémentaires jouaient un aussi grand rôle dans leur vie ; c’étaient des en-cas formidables !

En faisant ma recherche, j’ai trouvé de nombreux témoignages de colons des régions périphériques qui ont eu recours à l’orge pour se sauver la vie. L’orge pousse d’abord dans tous les types de terrain, sous tous les climats. Il est mur dans 110 jours et un grain semé en donne 20. C’était donc un aliment de dépannage incontournable malgré son manque de gluten. Écoutons un témoignage de Monsieur François Girard de Roberval, en 1870 :

 « Il y avait des familles qui restaient seules avec la mère, le père étant parti pour le chantier au lac Rognon, et qui n’avaient à manger que de la farine d’orge. La mère faisait cuire des patates et les écrasait, puis mettait de cette farine dedans et faisait cuire ça dans des boites à pain. Les enfants mangeaient ça sans sucre ni lait. »

En Nouvelle-France, on faisait une espèce de galette plate avec de la farine d’orge qui nourrissait bien les gens, le matin. On la cuisait sur une plaque de fer, posée sur les chenets. Mais c’était la soupe à l’orge aux herbes qui était la plus populaire. Dès la sortie des premières herbes sauvages comestibles, le printemps, cette soupe était au menu. C’était même la soupe d’office pour fêter la Saint-Jean-Baptiste, le 24 juin. Dans le village de mes grands-parents, on l’appelait la soupe blanche ou la soupe varte (verte), selon la quantité d’herbes qu’on y mettait.

Après l’installation des soldats ou des colons écossais dans nos campagnes, l’orge a pris du galon car elle était une de leurs céréales préférées. La Barley Soup est devenue la soupe au barlé dans plusieurs familles francophones qui l’avaient probablement oubliée, quelques générations auparavant.

Avec la montée grandissante de l’allergie au gluten du blé, les céréales sans gluten, comme l’orge, reviennent sur la sellette. On renouvelle sa cuisine en utilisant davantage sa farine pour faire du pain, des galettes, des biscuits, et ses grains pour remplacer les pâtes alimentaires, comme le riz ou le quinoa.

Je vous invite, cette semaine, à faire le tour des recettes d’orge issues de notre patrimoine pour renouveler votre menu hebdomadaire.

Bonne semaine à tous !

Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec.