Soumis par Michel Lambert le
Avant la fondation officielle de la Nouvelle-France, à Québec, en 1608, il y eut plusieurs tentatives d’établissement français, dont celui de Jacques Cartier et Roberval, en 1541, à Cap-Rouge en amont de Québec, et celui de Pierre de Chauvin, à Tadoussac, en 1599.
Mais il ne faut pas oublier que, dès la fin du XVe siècle, des pêcheurs français de la Bretagne et de la Normandie débarquaient sur la Côte-Nord et les côtes gaspésiennes pour préparer leur poisson et qu’ils échangeaient déjà des aliments avec les Micmacs et les Innus de culture algonquienne. De plus, les Basques originaires de l’Espagne avaient encore plus de contacts avec les autochtones locaux au point qu’ils développèrent une espèce de langue commune à moitié innue, à moitié basque, qui leur permettait de s’entendre sur leurs échanges et le travail que les Basques offraient aux autochtones pour faire fondre le gras des baleines qu’ils chassaient dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent. Les Basques sont les premiers à avoir partagé leur pain de blé avec les autochtones québécois. Ils leur montrèrent à cuire du pain dans des poêlons de fonte ou directement dans le sable brûlant autour du feu de camp, comme ils le faisaient chez eux, à l’époque. Les Basques eurent aussi des contacts avec les agriculteurs iroquoïens puisque les archives basques racontent qu’ils rapportèrent des haricots rouges et des courges, en pays basque, au XVIe siècle.
Ceci dit, la France a connu plusieurs rois de 1608 à la conquête anglaise, en 1760. Et ces derniers étaient issus de mariages inter-ethniques voulant favoriser la paix entre les peuples. De plus, la France du XVII e siècle était déjà composée de plusieurs ethnies originaires d’ailleurs, comme nous l’avons raconté dans les blogues précédents. Pour revenir aux rois, rappelez-vous que Catherine de Médicis, la mère des rois François II, Charles IX, Henri III et de la reine Marie, l’épouse de Henri IV, était italienne. Comme Louis XIII est le fils de Marie de Médicis et de Henri IV, sa mère était donc italienne. Lui-même a épousé Anne d’Autriche qui était espagnole de père et autrichienne de mère. Par conséquent, le grand Louis XIV, représentant la France de l’âge d’or, était peu de sang français. Les familles royales étaient donc multilingues et multi-mœurs, oserais-je dire. Chaque famille royale étrangère apportait alors ses cuisiniers qui se mêlaient aux cuisiniers locaux pour composer les menus royaux. Les courtisans et l’aristocratie française étaient donc initiés à d’autres denrées et d’autres plats qu’ils répétaient, chez eux, par effet de mode. Par conséquent, nos ancêtres français venus s’établir au Québec apportèrent toutes ces influences chez nous. L’Italie de Catherine de Médicis nous initia aux légumes à la mode, en Italie, et aux légumes importés d’ailleurs, grâce au commerce international de Florence. Les Espagnols nous initièrent aux denrées ramenés du Mexique et de l’Amérique du Sud.
Les influences étrangères sont un phénomène naturel, en cuisine. L’idée n’est pas de s’y opposer, mais de les marier avec le pays où l’on vit. C’est depuis toujours mon propos. S’ouvrir et se souvenir ! Voilà un guide pour la cuisine de demain. S'ouvrir aux cuisines du monde et des chefs, mais se souvenir qu'on habite un pays nordique qui regorge d'aliments établis depuis des millénaires dans ce terrtitoire, et que des gens ont déjà créé une cuisine originale avec ces aliments et ceux qu'ils ont amenés d'ailleurs. Donc, toujours se souvenir qu'on est au Québec et que dans ce Québec, est née une cuisine originale, fidèle au pays et aux cultures culinaires des fondateurs venus d'Asie du Nord, il y a plus que 12 000 ans et d'Europe du Nord-Ouest, il y a 500 ans.
Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec