Soumis par Michel Lambert le
Je vous ai déjà dit, auparavant, que notre patrimoine culinaire se composait de 2 volets.
Premier volet : un patrimoine naturel constitué de nos 3 garde-manger territoriaux :
1) l’eau salée des océans qui entourent le Québec
2) l’intérieur des terres avec sa toundra, sa taïga, sa forêt boréale et ses érablières qui abritent tous une faune et une flore diversifiée
3) une agriculture traditionnelle et moderne qui produit des céréales, des fruits, des légumes et qui élève divers animaux
Deuxième volet : un patrimoine culturel légué par les habitants du territoire québécois :
1) Le patrimoine des autochtones légué depuis l’occupation de notre territoire, il y a un peu plus de 12 000 ans incluant :
1) les hommes préhistoriques de culture Plano et de culture Clovis (12 000 à 8 000 AA)
2) les Archaïques de culture maritime, boucliériste, laurentienne et arctique. (8 000 à 3 500 AA)
3) Les peuples de langue algonquienne (3 500 à aujourd’hui)
4) Les peuples de langue iroquoïenne (3 000 à aujourd’hui)
5) Les peuples de langue inuit (1 200 à aujourd’hui)
1) Les peuples du Moyen- Orient, en particulier de l’Anatolie, les premiers agriculteurs européens, de langue hittite, origine indo-européenne (5 000 AA)
2) Les peuples de langue indo-européenne venus des steppes d’Europe de l’Est et de l’Asie du Nord, dont les Celtes, les Grecs, les Romains et les Germains (4 000 AA)
3) Les Français (1 500 AA), les Anglais (1 500 AA), les Écossais (1 700 ans), les Irlandais (1 500 AA) de langue latine et germanique.
4) Les Basques, les Belges, les Italiens, les Allemands, les Polonais présents sur notre territoire avant 1867, la date de fondation du Québec.
3) Le patrimoine culinaire mondial amené :
1) par les Européens, au Xe siècle, puis au XVIe et XVII siècle,
2) par les Américains, au XIXe et XXe siècle
3) par les immigrants du monde, au XXe et XXIe siècle.
Ce court tableau historique de notre réalité géographique et sociale nous oblige à nous poser plein de questions sur l’avenir de notre cuisine.
Nos garde-manger vivent plusieurs problèmes à cause des changements climatiques et de notre mauvaise gestion de notre patrimoine naturel. Il nous faut apprendre à changer nos habitudes alimentaires pour assurer notre survie collective et léguer au moins la majeure partie de notre patrimoine à nos enfants. Par exemple, la majorité d’entre nous ne mange encore pratiquement que de la morue et du saumon. La surpêche a créé leur extinction. On a donc pensé à élever ces espèces en aquaculture. Mais cet outil n’a pu se réaliser pour la morue. Il a donc fallu remplacer la morue par d’autres poissons. Malheureusement, les grands de l’industrie alimentaire nous proposent des poissons d’élevage comme le tllapia qui n’ont absolument rien à voir avec notre identité culinaire. Nous avons des dizaines d’autres poissons comestibles sur notre territoire auxquels nous ne pensons pas. Et nous avons beaucoup d’eau pour les élever tout en gardant leur caractère originel et sauvage. Il nous faut donc modifier nos habitudes alimentaires, tout en restant collés à ce que nous donne notre territoire collectif.
Ce territoire avec ses garde-manger est ce qui nous distingue des autres pays. Même si nos garde-manger changent avec les changements importants de la planète, nous devons rester près de nos garde-manger pour garder notre identité. C'est le moyen privilégié de se distinguer et d'esprimer notre différence avec toutes les cultures culinaires du monde.
La culture culinaire de nos fondateurs autochtones et européens doit demeurer le fondement de notre identité malgré l’internationalisation de la cuisine accélérée par internet et les nouveaux arrivants. On doit ajouter à ces fondements, les enrichir, non les remplacer et les éliminer !
On sait maintenant que l’élevage du bœuf et des vaches dans la nature pose un problème pour la couche de l’ozone. Cela ne veut pas dire que l’on doit arrêter de manger du bœuf, comme nos ancêtres européens le faisaient, pour cette raison. On doit, d’abord, trouver des moyens pour élever du bœuf en vase clos qui élimine le méthane problématique et diminuer de façon importante notre consommation du bœuf. Nos ancêtres français ne mangeaient pas du bœuf tout le temps, comme certains le font aujourd’hui. Ils le réservaient au dimanche, en compagnie d’autres viandes pour diminuer sa quantité. Si on revenait à cette coutume, on éliminerait, de plus, les problèmes de santé qu’on attribue à la consommation excessive de viande rouge, démontrée par la science de la santé contemporaine. Quant aux vaches, on consomme beaucoup de produits laitiers chez nous et cela est fidèle à nos origines germaniques transmises par les Francs, les Vikings et les Normands, pères des Français. Mais comme l’élevage des vaches pose le même problème que celui du bœuf, on peut diminuer notre consommation du lait de vache en le remplaçant, de temps en temps, par du lait d’avoine qui pousse super bien sur notre territoire et qui appartient à notre patrimoine culinaire beaucoup plus que le lait de soya ou le lait d’amande.
En résumé, il nous faut changer nos habitudes alimentaires sans trahir notre identité territoriale et culturelle! Il nous faut retrouver les richesses de notre territoire en le gérant plus intelligemment. Consommer des aliments de proximité, s'ouvrir à tout ce qui pousse au pied de nos balcons, rapprocher les aliments de sa cuisine en les cultivant, les élevant, les conservant comme nos ancêtres faisaient. Et enseigner cette autonomie à nos enfants; ils en auront besoin!
Bonne semaine à tous!
Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec