Soumis par Michel Lambert le
Le lièvre occupe une place importante dans notre histoire culinaire. Il en existe trois espèces chez nous: le lièvre d'Amérique qui change de couleur en automne et au printemps pour s'adapter à son environnement, le lièvre arctique qui demeure toujours blanc et le lièvre européen importé au siècle dernier en Ontario et qu'on retrouve aujourd'hui, dans le sud du Québec. Ce dernier demeure gris en hiver et sort de son terrier, surtout la nuit. Mais c'est surtout le lièvre d'Amérique et le lièvre arctique que nos ancêtres autochtones, inuit et d'origine européenne ont consommés. Le lièvre européen n'est pas vraiment consommé sinon par les fermiers du Sud du Québec qui veulent protéger leurs jardins, car ce dernier aime bien les salades! N'oublions pas enfin le lapin à queue blanche, présent aussi dans le sud-ouest du Québec, plus petit que les lièvres, mais qui ne change pas de couleur comme le lièvre d'Amérique, en hiver. Il est de plus en plus présent en Montérégie et tout aussi délicieux que le lièvre d'Amérique.
Les autochtones québécois d'origine algonquienne considéraient, autrefois, ce lièvre comme le maitre de la vie. C'était le Grand Lièvre qui avait créé le monde et les avait créés. Il faut dire que leurs ancêtres ont effectivement pu survivre sur notre territoire nordique, grâce à lui. En hiver, ils chassaient surtout le gros gibier comme l'orignal, le caribou des bois et le wapiti. L'été, ils se nourrissaient surtout de poisson d'eau douce ou d'eau douce et salée comme l'anguille ou le saumon. Mais dans les autres saisons, ils se nourrissaient surtout de petit gibier comme le lièvre. Ils le prenaient avec un lacet monté en collet avec un noeud coulant qu'ils posaient dans ses sentiers visibles, dès les premières neiges. Le printemps, lors du dégel des rivières, le lièvre demeurait le gibier le plus facile à prendre. Mais comme son espèce vit des cycles d'abondance variable, il arrivait qu'on ne trouve pas de lièvre certaines années, à cause du fait que ses prédateurs comme le renard et le loup l'exterminaient de leur territoire. Lorsque ces derniers n'avaient plus rien à manger, ils quittaient cet espace où le lièvre survivant pouvait à nouveau se reproduire. Il pouvait passer rapidement d'un lièvre par hectare à 200 lièvres pour le même espace, sur une période de 10 ans.
Lorsque les Français se sont installés au Québec, au XVIIe siècle, le lièvre entra rapidement dans leur menu d'intersaison. comme chez les autochtones. On les abattait, au début avec une canardière, une espèce de fusil à multiples plombs qui pouvait abattre plusieurs oiseaux en même temps. Mais lors de la Conquête, l'Administration anglaise confisca tous les fusils des Français de sorte qu'on continua de chasser le lièvre, mais à la manière autochtone, avec des collets plutôt qu'avec un fusil. C'est de cette façon que mon père chassait le lièvre, chez moi. au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Je vous invite à cuisiner ce gibier, cet automne. C'est le seul gibier sauvage qu'on peut trouver dans nos épiceries. Il est abattu selon les normes par des chasseurs professionnels qui le font inspecter, chaque année par les reponsables de la santé du Québec (MAPAQ). C'est notre aliment-vedette de la semaine. Sa chair est brune alors que celle du lapin est blanche. Et il goûte parfois les confères si on le chasse en hiver; ce qui n'est pas aimé de tout le monde. Il faut alors le préparer en civet au vin rouge ou en cipâte ou tourtière avec nos épices traditionnelles: cannelle, muscade et clou de girofle.
Bonne semaine à tous nos fidèles abonnés,
Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec