Soumis par Michel Lambert le
Les Vikings sont d’origine germanique et parlent une langue indo-européenne comme les Grecs, les Latins, les Celtes, les Francs, les Burgondes, les Wisigoths, les Ostrogoths, les Angles et les Saxons, tous des ancêtres des Franco-Québécois et Anglo-Québécois. On ne connait pas vraiment le nom qu’ils se donnaient collectivement ; mais les Romains et les Celtes les appelaient les Germains. Le mot germain signifie, en latin, frère légitime ou « parent par le sang ». Ils venaient, comme les autres tribus indo-européennes, du Nord-Est de la Russie actuelle, attenante au nord de l’Asie Centrale. Selon les textes grecs et romains, ils seraient arrivés au nord de l’Europe, il y a 3 000 ans.
Il y a 2 500 ans, les premiers Germains pratiquaient déjà l’agriculture dans les Pays-Bas actuels. Les autres tribus s’établissaient autour de la Mer du Nord avant d’envahir progressivement les plaines du Sud (Le Danemark et l’Allemagne), jusqu’aux Alpes en repoussant les Celtes et les Slaves déjà présents sur place. Certains sortirent de la mer du Nord pour occuper progressivement les côtes de la Norvège, puis l’Islande et le Groenland. Ils entrèrent en conflit avec leurs voisins pour toutes sortes de raisons, entre autres avec les Celtes, pour avoir accès aux mines de sel dont ils venaient de découvrir les bénéfices de conservation pour leurs aliments préférés, les poissons, le porc et le bœuf.
Les tribus vikings sont donc les descendantes de ces tribus germaniques installées dans le Nord de l’Europe. On a commencé à les distinguer, entre elles, 500 ans avant J.C.. On parlerait désormais des Danois, des Suédois et des Norvégiens comme de Vikings. Ces gens maitrisaient donc l’agriculture et la navigation. Ils créèrent le fameux dakkar, bateau à voile léger, qui leur permettrait d’entrer profondément dans les terres qu’ils allaient particulièrement conquérir de 793 à 1066 de notre ère. Ils maitrisaient parfaitement le fer avec lequel ils se faisaient des armes, de la vaisselle et des outils efficaces. Et leurs incursions barbares partout en Europe, en Asie et même en Amérique, leur permirent de s’ouvrir à plein d’autres cultures plus avancées qu’ils ramenèrent chez eux. Le mot Viking est d’origine norroise et signifie commerçant, explorateur et pillard au sens négatif du terme car les Vikings débarquaient toujours à l’aube, alors que les gens étaient encore couchés, et en profitaient pour investir les maisons des riches, les cloitres et les églises où ils volaient les objets en or, les bijoux et même les aliments et les boissons qu’ils trouvaient. Ils rembarquaient aussitôt sur leur navire avant qu’on eut le temps de réagir. La côte ouest française d’où viennent nos ancêtres subirent leurs attaques sournoises pendant près de 200 ans. C’est finalement en l’an 911 que le roi de France, Charles le Simple, signa le Traité de Saint-Clair-sur-Epte qui concédait les territoires de l’embouchure de la Seine, au chef des Vikings, Hrolfr, que les Francs appelèrent Rollon. À partir de ce moment, le pays s’appela la Normandie, le pays des Nor-men, les hommes du Nord. Assez rapidement, d’autres Scandinaves se joignirent aux premiers Vikings pour coloniser le pays. Les premiers venaient du Danemark et de la Norvège les autres qui s'ajoutèrent venaient de Suède. Assez rapidement ils devinrent chrétiens et épousèrent les filles du pays, d’origine celte, romaine ou franque. Les cultures culinaires se mélangèrent pendant 500 ans avant de traverser au Québec, avec nos ancêtres français et britanniques. En effet, les Anglais, les Irlandais, les Gallois et les Écossais eurent aussi la visite des Vikings avant de leur permettre de s’installer chez eux, comme en France. Mais surtout, le petit fils de Rollon, Guillaume le Conquérant, désormais francisé, fit la conquête de l’Angleterre en 1066. On allait désormais parler français à la cour de Londres jusqu’à la prise du pouvoir par des rois d’origine anglo-saxonne, des cousins germains des Normands.
Lorsque les Français se sont installés au Canada, la cuisine normande prit beaucoup de place, comme elle en avait aussi à la cour de Versailles. – On se rappellera que le grand intendant des cuisines royales, s’appelait Béchamel, et que la plupart de ses fournisseurs étaient normands. Les denrées étaient amenés de Rouen à Paris par la Seine. De plus, les Vikings s’étaient aussi installés dans les autres régions côtières de l’Ouest français où ils avaient influencé la cuisine locale. Pour toutes ces raisons, on peut dire que la cuisine québécoise a de fortes racines scandinaves ou normandes, dans le sens ethnique du terme.
Je vais maintenant vous donner quelques exemples de l’apport normand dans notre cuisine :
L’élément principal est leur gout pour la viande de bœuf et les produits laitiers. Les Suédois et les Danois étaient d’habiles éleveurs de bétail ; ils lui construisaient des abris pour les longs hivers scandinaves, ils construisaient des clôtures autour des champs où ils l’envoyaient paître pour ne pas le perdre. Ils aidaient les vaches à accoucher de leurs veaux. Ils ramassaient précieusement leur lait abondant. On utilisait les mâles pour les gros travaux de la ferme. On récupérait, à la fin de leur vie, leur viande, leur peau ou leur cuir, leurs cornes et leurs os pour faire certains outils. Le rythme naturel de ce bétail était l’élevage des femelles pour leur lait et l’élevage de quelques mâles pour leur travail. Les mâles excédentaires étaient abattus juste avant l’hiver, en même temps que les porcs et les volailles. Ceux qui avaient de grandes étables, pouvaient abattre leurs jeunes taureaux l’été suivant, pour leur donner plus de poids et de rentabilité en viande. On abattait aussi quelques veaux de lait, au début de l’été, alors que les petits tétaient encore leur mère. Cet abattage se faisait parfois dans le temps de Pâques, lorsque la fête de Pâques était tardive, cette année-là. Ils cultivaient même des céréales pour les engraisser en plus de leur permettre de paître dans des champs de foin spécifiquement semés pour eux, en été. Et ils avaient appris, avec le temps, à bien utiliser la viande de bœuf : on rôtissait et grillait les jeunes bêtes, et l’on braisait et faisait bouillir longuement les bêtes qu’on mettait au travail pour labourer les champs ou pour faire des produits laitiers pendant plusieurs années.
Le beurre était leur corps gras quotidien qu’ils tartinaient sur des pains plats de blé ou de seigle, leurs deux céréales préférées. Ces tartines étaient des espèces d’assiettes sur lesquelles on ajoutait des viandes cuites, des légumes crus, des fruits de mer cuits et les poissons marinés ou fumés. Ces pains plats recevaient aussi des ragouts de viande, de poisson et de fruits de mer chauds. Cette tradition normande de garnir des pains plats ou des tranches de pain s’est transmise partout où les Scandinaves se sont installés quelque temps, en France, dans les Iles Britanniques, en Sicile, en Turquie, etc., avant de passer en Amérique. Voici les plats descendants de cette coutume : la pizza, le hot chicken, la beurrée québécoise, les sandwichs ouverts (smørbrød), les sauces sur du pain grillé, les sandwichs, etc. Les Normands riches, au Moyen Âge classique et au Bas Moyen Âge, donnaient leur pain-assiette aux pauvres venus chercher à manger aux portes de leurs châteaux pour pouvoir manger plus de mets dispendieux et rares préparés par des cuisiniers habiles et créateurs. Parmi les garnitures préférées de ces pains, il faut parler du jambon salé et fumé, du fromage blanc ou crémeux, des sauces blanches aux herbes fraîches, des fruits de mer, des poissons marinés ou fumés, et des viandes hachées en galettes, farces ou saucisses.
Pour revenir au beurre, celui-ci entra en compétition avec le gras de porc salé puisque l’influence celtique était aussi puissante que l’influence normande, dans le Nord-Ouest français. Le beurre devint, dans chaque famille, le gras de luxe qu’on gardait pour le dimanche et la visite alors que le gras de porc salé s’utilisait au quotidien. Ce culte du beurre fut exportée au Québec. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, chaque famille québécoise faisait son beurre dans une baratte en bois destinée à cet usage. On faisait le beurre à la fin de l’été, avant que les vaches arrêtent leur production laitière. Et on l’entreposait dans de l’eau salée pour ne pas le perdre jusqu’aux premiers gels. Mais lors de la crise du blé et de l’installation des beurreries de village, on a arrêté de faire du beurre; on l’acheta désormais à la beurrerie du village. Ce beurre était d’ailleurs fait avec le lait qu’on allait porter, ou que nos voisins allaient porter, tous les matins, à la beurrerie. Étant donné qu’il était plus cher qu’avant, on le ménageait en le réservant au dimanche ou à la visite. On faisait cependant des exceptions quand on faisait du pain frais qu’on aimait toujours tartiner de beurre, comme nos ancêtres scandinaves le faisaient.
Parlons un peu du lait de vache, si important dans l’héritage viking. Disons d’abord que le lait était si haut dans l’estime des Vikings que c’est ce qu’ils offrirent aux Inuits, en premier, lorsqu’ils mirent le pied au Québec et à Terre-Neuve, vers l’an 1 000. Les Inuits Dorsétiens l’adorèrent, mais le refusèrent, à la seconde rencontre, parce que le lait les avait tous rendus malades. -- On sait, aujourd’hui, que les peuples d’origine asiatique ont plus de misère à digérer le lait nature.— Ce sont donc nos ancêtres normands qui nous ont le plus initiés à la consommation quotidienne du lait. Avec le lait, on fait des soupes, des sauces et des desserts. Les soupes au lait se font, chez nous, principalement avec des féculents comme le tapioca ou le sagou ou des céréales comme le riz ou l’orge. On en fait beaucoup avec des coquillages, des crustacés et des poissons colorés, comme la truite ou le saumon. Enfin, on fait beaucoup de soupes au lait avec des légumes autochtones comme le maïs, les haricots rouges, la courge, la citrouille et le topinambour, comme des soupes d’été aux légumes verts en feuilles. Les béchamels font vraiment partie de notre héritage normand tout comme les blanc-manger et les crèmes faites avec du lait épaissi et parfumé. Nos ancêtres gaulois élevaient deux types de vache dans le Nord-Ouest de la France, l’une avait un profil convexe et l’autre, un profil concave. On a retrouvé la trace archéologique de la race concave, l’ancêtre de la vache normande actuelle. Cette vache a, par la suite, été croisée avec les vaches amenées par les Francs et les Vikings, en France, et par les Angles et les Saxons, en Angleterre. C’est donc cette vache que nos ancêtres normands et jersiais ont amenée au Québec, du XVIIe au XIXe siècle. La vache bretonne, plus proche de l’ancienne vache celtique, a aussi été amenée chez nous. Ce qu’on appelle la vache canadienne est issue d’un croisement de ces vaches apportées au XVII e siècle.
Les Scandinaves nous transmirent aussi le gout des peuples germains pour le lait aigre et la crème sure. Le petit lait tiré de la fabrication du beurre était servi en boisson rafraîchissante, pendant le temps des récoltes. Et la crème fraîche qu’on ne pouvait garder longtemps à cause de la chaleur était aussi ajoutée aux viandes, en petite quantité. Enfin la tradition du lait caillé baptisé « les cailles » au Québec, est aussi une tradition d’origine normande. On les mangeait en dessert avec du miel, en Normandie, et avec du sucre d’érable, au Québec.
Le fromage blanc serait une création des anciens peuples germains qui se retrouvaient avec de gros surplus de lait, en été. Les Vikings, par exemple, faisaient des fromages à pâte molle dont les descendants sont les fromages Brie et Camembert. Leurs cousins allemands faisaient un fromage blanc dont le Quark et le fromage Philadelphia sont les descendants. Le célèbre gâteau au fromage a été créé à New York par un immigrant allemand. Les Québécois, descendants des Normands, faisaient aussi des fromages blancs en été. On les faisait égoutter dans des petits moules en osier, et on les mangeait encore frais avec du sucre d’érable, en dessert. Les fromages séchés plus longtemps étaient plutôt consommés rôtis dans la poêle à la manière d’un Grill Cheeze contemporain. Quelques fromagers québécois recommencent à faire du fromage comme aux premiers temps de la Colonie. Le Liberté, le Damablanc, le Riviera sont de beaux exemples de ce fromage blanc ancien.
Le bœuf lui-même était aussi cuisiné par les Normands. Les Anglais, les Écossais et les Normands améliorèrent grandement la viande de bœuf. Nos ancêtres normands, en particulier, adoraient les tranches de bœuf avec os qu’ils faisaient griller sur des grilles de métal, au-dessus du feu de leur âtre. On assaisonnait ces tranches de sel, de poivre et parfois d’épices avant de les faire griller. On ajoutait du vinaigre et du miel à ces mélanges d’épices que l’on badigeonnait sur les steaks. Et on les accompagnait de salades vertes, en été et de salades de chou ou de crudités en automne, après l’abattage de jeunes bœufs de boucherie. En résumé, le gout du steak a toujours été un gout de culture germanique qu’on rencontre encore dans les pays de langue anglaise, allemande et scandinave. La Normandie fait partie de ces pays de culture germanique et nous avons hérité de cet amour du steak grillé.
Le porc était aussi élevé par les Vikings. On le conservait, au début, par la fumée. Mais après la découverte du sel, on associait le sel à la fumée pour améliorer la conservation du porc. Le mot viking pour désigner porc fumé est le mot norrois bakko, qui a donné le mot bacon en français et en anglais. Les jambons faisaient donc partie traditionnellement de leur Premier de l’An. En christianisant cette fête à l’occasion de Pâques, l’Église accepta de remplacer l’agneau traditionnel par le jambon. Dès le début du christianisme, l'Église avait adopté des coutumes alimentaires différentes de celles de la religion juive, dont la consommation de viande de porc, habitude grecque et romaine. Mais le plus important ici, est de mentionner que les peuples germaniques ajoutaient toujours un peu de miel au sel dans la saumure du jambon. En Amérique, on remplaça le miel par la mélasse ou le sucre d’érable.
Les Vikings élevaient des poules principalement pour les œufs dont ils étaient très friands. Ils les aimaient principalement durs, en tranches sur du pain beurré, avec des huitres au vinaigre, ou en sauce blanche pour accompagner des poissons. Leurs descendants normands faisaient aussi des farces pour leurs oiseaux préférés, les canards et les oies que les Vikings avaient été les premiers à élever sur une ferme, en leur coupant les ailes. Les habitants de la Nouvelle-France transférèrent cette recette aux outardes et aux oies blanches du Canada.
Ce sont aussi les Scandinaves, puis leurs descendants normands, qui initièrent les gens sur place à la consommation des crustacés et des coquillages. Les crevettes de roche, le homard, le crabe, les écrevisses, les escargots, les moules, les pétoncles, les huitres et les myes étaient servis crus avec du vinaigre et des herbes hachées, frits dans du beurre, en soupe au lait, ou simplement bouillis avec des herbes et servis en sauce blanche ou sur du pain beurré.
Les Scandinaves et leurs descendants normands étaient de grands amateurs de poisson qu’ils préparaient sous toutes sortes de forme : crus ou marinés avec de l’aneth, -- en Normandie, l’aneth est appelée herbe de Viking -- salés et fumés, marinés dans le vinaigre, rôtis dans le beurre, pochés dans le lait et présentés en sauce ou en soupe. Leurs poissons préférés étaient surtout le saumon, la truite, le hareng, l’aiglefin, la morue, la sardine. Ils consommaient aussi des mammifères marins, en particulier de la baleine.
Les Vikings adoraient le miel, comme leurs cousins francs et comme les anciens Grecs. Ils en mettaient partout, dans leurs plats de viande ou de fruits de mer, se faisaient des gâteaux de noisettes mélangés à de la meringue et du miel, comme on en a trouvé la trace à York, en Angleterre, où ils s’étaient établis, vers l’an 1 000. La dent sucré des Anglais et des Américains serait leur héritage génétique ! Et ces derniers l’auraient transmis aux Québécois, au milieu du XIXe siècle.
Citons enfin d’autres goûts transmis par les Vikings et les Normands, comme celui du pain de seigle. Le seigle était autant apprécié pour ses grains que pour sa paille solide avec laquelle on faisait les toits des maisons, de la corde pour lier les gerbes de céréales que l’on fauchait, des paniers que l’on tressait, etc. Les archives françaises démontrent qu’on semait autant de seigle que de blé à l’époque de la colonisation du Québec. Les gens vendaient le blé qui avait une plus grande valeur commerciale et consommaient davantage de seigle, dans le quotidien. On mélangeait deux tiers de farine de seigle avec un tiers de farine de blé pour cuisiner et faire le pain. En 1610, Champlain raconte qu’il en avait planté dans l’enceinte de l’Abitation de Québec.
Les Scandinaves aimaient beaucoup les légumes nordiques comme le poireau, les radis, les navets, le chou, les betteraves. Ils semèrent très tôt les pois secs jaunes qui leur permirent de passer à travers de longue période de pénurie alimentaire, comme au Québec. On connait la soupe aux pois suédoise servie chez Ikea, bien familière aux Québécois.
Citons enfin l’huile de colza qu’on appelle l’huile de canola, au Canada. Le terme canola est canadien et récent. La véritable plante à l’origine de cette huile est le colza, une plante qui fait partie de la famille des choux et dont la culture remonte à 5 000 ans avant aujourd’hui. Selon les historiens Geneviève de Ternant et Robert Delort, le colza était cultivé par nos ancêtres celtes pour l’huile de ses graines. Les Vikings danois qui s’installèrent dans la région de York, en Angleterre, s’en servaient comme huile de cuisine au Xe et XIe siècle. Les feuilles de la plante étaient cuisinées comme légume vert par les Espagnols, les Catalans et les Portugais. C’est au XXe siècle, qu’on décida d’en faire une huile commerciale au Canada. La culture du colza a commencé dans l’Ouest canadien. Elle fait partie, aujourd’hui, des grandes cultures québécoises. La promotion de cette huile a été faite par les diététistes et la recherche en santé publique. Son origine celte et normande justifie aussi son usage dans notre cuisine.
Puissent ces quelques informations nourrir votre fierté pour notre riche patrimoine culinaire!
Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec