Le seigle, le grand oublié de notre culture!

Eh ! Oui, le seigle fait bien partie de notre identité culinaire ! Ce sont nos ancêtres celtes qui l’ont amené avec eux de leur contrée d’origine, l’Asie centrale, il y a 3 500 ans. Les Germains et les Slaves qui les ont suivis l’ont massivement adopté car le seigle pousse bien dans les contrées nordiques de l’Europe centrale où ces gens se sont installés dans leur grande migration vers l’Ouest. On connait la suite : le pain de seigle est devenu le pain identitaire des gens de l’Europe du Nord : Scandinaves, Allemands et Français du Nord comme les Picards et les Normands. Comme le pain de seigle pur a un gout plus fort que le blé, on l’associait souvent aux viandes fumées, aux épices fortes comme le cumin ou le carvi, au chou frisé, à la livèche et à la betterave dans des soupes typiquement germaniques. Dans le sud de la France, on le cultivait aussi ; mais on l’associait plus aux fromages vieillis de brebis ou de chèvre comme le Roquefort. Le mot seigle vient d’ailleurs du mot provençal « segle » qui lui-même vient du mot latin « secare » qui veut dire couper. Le seigle était coupé non seulement pour son grain mais autant pour sa paille solide avec laquelle on faisait les toits des maisons, dans le nord de l’Europe. Par conséquent, il est normal de trouver du seigle au Québec, dès le début de la colonie, au XVIIe siècle. On en a besoin pour faire les premiers toits des maisons québécoises. Et l’on s’en servait pour faire les litières des animaux de la ferme, comme corde pour attacher les gerbes de blé ou des autres céréales, pour tresser des paniers contenant des choses qu’on voulait entreposer dans les étables ou les greniers des maisons. Et les grains étaient moulus pour faire de la farine avec laquelle on faisait du pain, des biscuits, des galettes, des crêpes et un épaississant de sauces brunes. Parce que la farine était plus foncée que celle du blé, on ne lui donnait pas le prestige du blé ; son pain était souvent nommé « pain noir » comme celui de sarrasin et on l’associait à la pauvreté et au quotidien comme le pain de blé entier ou le pain de gaudriole qui mélangeait plusieurs farines de céréales secondaires à des farines de légumineuses, toutes sans gluten et plus lourds en bouche. Dans la grande majorité des familles des colons, le pain de farine blanche de blé était gardé pour le dimanche, les jours de fête et la visite. Le pain de seigle était donc plus souvent consommé dans les familles de la classe moyenne. Heureusement, aujourd’hui, le pain de seigle revient sur nos tablettes, avec ses qualités nutritives et ses possibilités de combinaisons gustatives. L’intensité de son gout convient bien à nos fromages forts, à nos pâtés de foie, à nos viandes fumées et épicées, à nos condiments qui ont du caractère comme la moutarde. La combinaison du seigle et de notre « smoked meat » n’est-elle pas une combinaison gagnante, chez nous ?

Je vous invite à explorer les recettes avec du seigle que j’ai trouvées dans mon enquête dans toutes les régions du Québec.

Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec