Soumis par Michel Lambert le
Le maïs-céréale est ce que le blé est pour l’Europe et le riz est pour l’Asie. Il est le fondement de la culture culinaire américaine. Il y a 8 000 ans, les habitants du Mexique grugeaient les petits épis de maïs de l’époque, comme des archéologues en ont trouvé, dans la vallée de Tchuacan, au sud de Mexico. Il y a 5 000 ans, leurs descendants en cultivaient partout au Mexique et dans le sud des États-Unis. Ce sont les Mayas qui le firent grossir à la forme contemporaine en l’associant à une autre plante sauvage locale, le téosinte. Le maïs constitua la base de leur alimentation tout le temps de leur civilisation, de leurs débuts, au Yucatan, 2 500 ans avant J.C., jusqu’au Xe siècle de notre ère. Au début de notre ère, on le cultivait déjà en combinaison avec les courges et les haricots. Sa culture dans un climat tropical s’est peu à peu acclimatée au climat nordique en montant vers le Nord du continent par le fleuve Mississipi jusque dans l’État actuel de l’Ohio. C’est là que les Iroquoïens établis autour de la région des Grands Lacs l’auraient apprivoisé avant de le cultiver dans la plaine du Saint-Laurent, vers l’an 1 000. Mais des fouilles archéologiques faites sur le site de la Petite ferme de Cap-Tourmente, dans les années 1990, démontrent qu’on importait déjà du maïs des Grands Lacs, au début du VIIIe siècle. Par conséquent, on aurait importé du maïs au Québec pendant 200 ans avant d’en planter dans nos jardins montréalais, au XIe siècle. Les autochtones de langue algonquienne de la Nouvelle-Angleterre en cultivaient aussi depuis au moins le XIVe siècle. Au moment où les Français se sont établis au Québec, les nations de langue algonquienne du Québec comme les Algonquins, les Innus ou les Attikameks en importaient de leurs nations alliées comme les Abénaquis ou les Hurons. Le plat commun et quotidien de tous ces gens était la sagamité, mot d’origine algonquine (sagamitew).
Les coureurs des bois, les religieuses, les missionnaires français adoptèrent tous la sagamité comme base de leurs repas. La trouvant un peu fade, ils lui ajoutèrent des herbes, du lait, du sucre et même des épices. Les colons français, de leur côté, se semaient tous un peu de maïs pour remplacer le blé si, jamais, il arrivait malheur à cette culture, pendant l’été. Ce qui arriva malheureusement assez souvent dans les années 1730. Une partie du maïs-céréale était conservée pour faire de la farine ou de la semoule de maïs et le reste était réservé à la fabrication du blé d’Inde lessivé. Ce dernier était la base de l’alimentation des coureurs des bois. Ils en mettaient dans leur soupe aux pois quotidienne et dans leur bouillotte de gibier. Au XIXe siècle, les Français préparaient la sagamité amérindienne avec du lait plutôt qu’avec de l’eau. Et ils la sucraient avec du sucre d’érable, autre aliment notamment québécois. Ma grand-mère paternelle, Élodie Lavoie d’Albanel, soupait avec cette sagamité, en hiver, qu’elle appelait de la « soupane ». Le mot soupane d’origine hollandaise désignait toute forme de bouillie de céréale qu’on mangeait en guise de repas. Les Écossais l’appelaient un porridge. Aujourd’hui, le terme « gruau » correspond le mieux à ce type de plat. Vous trouverz cette semaine plusieurs recettes régionales mettant en vedette cette denrée patrimoniale, aliment fondateur de la culture iroquoïenne du Québec.