Soumis par Michel Lambert le
La citrouille est le fruit cultivé le plus ancien du Québec. Elle est originaire des Andes où les ancêtres des Incas la cultivaient déjà, il y a 8 500 ans. Parce qu’elle se conservait très longtemps et facilement, les marins du Pérou l’ont ainsi répandue en Amérique centrale où les jardiniers mayas ont sélectionné les citrouilles les plus en chair.
Il faut dire, qu’à l’origine, la citrouille était cultivée pour ses graines oléagineuses. C’est son huile qu’on estimait le plus et non sa chair. Ce sont les Aztèques qui l’ont fait évoluer jusqu’au fruit que l’on connait aujourd’hui. Les Espagnols l’ont découverte en Amérique Centrale puis l’ont ramenée en Europe où elle a pris une expansion mondiale. La culture de la citrouille est en constante croissance, dans le monde. En Amérique, elle est le symbole de l’Halloween, une interprétation américaine du Premier de l’An celtique qui se situait autour du 1er novembre. Dans les iles Britanniques, le premier de l’An était le jour où l’esprit des morts revenait hanter les vivants pendant la nuit. La peur du noir correspondait aux jours les plus courts de l’année du solstice de l’hiver. Les Celtes inventèrent une mythologie exprimant une correspondance entre la nuit, le noir et les émotions négatives de la peur et de la tristesse occasionnée par la mort de la nature et des êtres humains. Parce qu’on avait peur des esprits des morts, on essayait de leur faire peur en allumant des torches pour éclairer la nuit et en posant, devant chaque maison, un gros navet sculpté en figure monstrueuse dans lequel on mettait une bougie pour lui donner un aspect repoussant. On pensait ainsi éloigner les mauvais esprits des environs de la maison. Les colons britanniques ont apporté cette tradition aux États-Unis et au Canada anglais et ont fini par remplacer les navets par des citrouilles parce qu’il était beaucoup plus facile de vider une citrouille qu’un navet et qu’on pouvait faire encore plus peur parce que les citrouilles sont beaucoup plus grosses que les navets.
Mais du côté des Français et des Autochtones, la citrouille était simplement un fruit lumineux comme le soleil et les couleurs de l’automne. Au moment où les Français se sont établis à Québec, on connaissait déjà la citrouille amenée en Europe par les équipages espagnols, en 1528 (Alvar Nunez Cabeza de Vaca). La citrouille iroquoise était la citrouille préférée de Marie de l’Incarnation, fondatrice des ursulines de Québec. Elle nous a d’ailleurs donné les premières vraies recettes de citrouille de notre patrimoine culinaire en écrivant à son fils resté en France. « On les apprête, écrit-elle, de diverses manières : en potage avec du lait et en friture ; on les fait encore cuire au four comme des pommes, ou sous la braise comme des poires ; de la sorte il est vrai qu’elles ont le goût des pommes de rainette cuites. »
Cette citation convaincante m’amène à vous parler du fruit de référence par excellence du Québec, la pomme.
C’est Champlain qui a planté le premier pommier européen au Canada, en 1604, à Port-Royal, en Acadie. Louis Hébert a planté le premier pommier québécois sur sa ferme, en 1617. Puis les Jésuites en plantèrent dans toutes leurs missions, en Ontario, comme au Lac-Saint-Jean, en 1676. Sous le Régime français, la pomme était consommée, comme la citrouille, au dessert, saupoudrée de sel, d’épices ou de sucre d’érable. À l’occasion des Fêtes, on la cuisinait en beignets, en tarte, en chaussons, en omelette parfumée à l’eau de rose, en gatelets ou en talmousses, On en faisait de la compote et de la marmelade. On cuisinait le porc et l’oie avec des pommes, le Premier de l’An. Les pommes se donnaient en cadeau pour remercier les gens d’un service ; les enfants en donnaient à leur enseignante, le jour de son anniversaire ; les grands-parents en donnaient à leurs petits-enfants, le Premier de l’An ; c’était le cadeau préféré des gagnants de parties de carte. D’ailleurs, les journées de corvée où l’on ramassait des pommes se terminaient souvent par des parties de cartes ! Du coté des Britanniques, la tarte aux pommes était très populaire. On l’associait à la cannelle plutôt qu’au citron, comme on le faisait du côté français. Puis on la préparait en pouding, en croustade, en gâteau, avec des grands-pères. Les francophones n’ont pas résisté très longtemps à l’apport important des desserts aux pommes britanniques.
Je vous donne, cette semaine, beaucoup de recettes de salades avec des pommes. Ce type de plat est de plus en plus populaire et conforme à notre héritage autochtone et européen parce qu'on associe la pomme autant au salé qu'au sucré.
Bonne semaine à tous!
Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec