Soumis par Michel Lambert le
Nous allons parler, aujourd’hui, des collations, des entrées et des lunchs qu’on fait au Québec, avec les produits aquatiques.
Les collations
Les collations de poisson fumé appartiennent à notre longue tradition autochtone, adoptée par les Français après leur arrivée au pays, et poursuivie jusqu’à tout récemment par leurs descendants. Jacques Cartier raconte qu’on l’a accueilli avec de l’anguille fumée et du maquereau fumé, lors de ses voyages au Canada en 1534 et 1535. Le père Jean de Quen raconte la même chose avec les Kakouchaks qui l’ont accueilli sur les rives du lac Saint-Jean, le 17 juillet 1647. Plusieurs ainés m’ont raconté qu’ils collationnaient avec du poisson fumé lorsqu’ils étaient jeunes, en particulier avec de la bière. Le poisson fumé et salé s’alliait bien avec la bière maison qu’on prenait, entre autres, lors des corvées d’aide à des voisins pour bâtir une grange ou faire les foins. Les poissons les plus fréquents de notre répertoire, utilisés en collation, sont le hareng, l’anguille, la sardine, le saumon, le capelan, la truite rouge (omble chevalier), la truite mouchetée, le maquereau, l’esturgeon, le corégone, le brochet, le touladi, la carpe, le maillé, la barbotte, la barbue et la perchaude. Le hareng, l’anguille, le saumon et l’esturgeon demeurent les poissons fumés préférés; on les sert sur des canapés, des biscottes ou de la bannique.
Les collations de poisson séché appartiennent à toutes les traditions autochtones du Québec; on séchait le poisson sur des claies hautes posées au-dessus d’un feu qui asséchait les poissons pendant plusieurs jours. À la différence du poisson fumé, on ne mettait pas de matière pouvant générer beaucoup de fumée sur le feu. Seule la chaleur du feu, en combinaison avec le vent chaud de l’été et le soleil, asséchait le poisson. En Gaspésie, aux Iles-de-la-Madeleine et en Minganie, on collationnait aussi avec des petits poissons salés et séchés sur les vigneaults; c’était souvent le déjeuner des enfants qui s’en allaient à l’école, le matin.
Les collations de poisson gelé appartiennent à la tradition inuit. Quant on pêchait un gros poisson de l’océan Arctique, on l’entreposait dehors, au froid, à l’abri des chiens, et l’on allait s’en couper une tranche quand on avait faim. L’un de mes témoins m’a raconté que les hommes étaient gênés de collationner avec du poisson, comme si cette collation appartenait surtout aux femmes. L’omble de l’Arctique était le poisson gelé préféré.
Les collations de fruits de mer fumés sont plus récentes et nous viennent des autochtones du Pacifique ; je parle des huitres, des moules, des pétoncles et des crevettes. On les sert aussi sur canapés.
Les collations de poisson mariné appartiennent à la tradition germanique de notre répertoire. Les Francs, les Vikings, puis les Normands en étaient friands. Tout le monde connait, bien sûr, le hareng mariné dans le vinaigre avec des aromates ou des épices. Mais il faut aussi parler du maquereau, du flétan du Groenland (turbot), de l’aiguillat (chien de mer), du saumon, des éperlans, du maquereau et de la truite. Parfois on remplace le vinaigre blanc par du vinaigre de vin blanc, du vinaigre de cidre, du jus de citron, du cidre ou du vin blanc.
La collation de coquillages marinés appartient surtout aux régions maritimes du Québec. On y consomme des moules, des bigorneaux et des buccins (bourgots) marinés au sel et au vinaigre. Certains remplacent le vinaigre par du jus de tomates ou des tomates qu’il faut alors stériliser. Mais ces collations sont particulièrement populaires sur la Côte-Nord.
Les entrées
Les anciennes collations de poisson et de fruits de mer se sont transformées en entrées ou en amuse-bouche de cocktail ou de 5 à 7. Faisons le tour maintenant de nos entrées consacrées aux produits aquatiques. On a commencé à parler d’entrées, chez nous, au milieu du XIXe siècle. Ce sont d’abord les gens riches et éduqués, en contact avec la France, qui les ont popularisées, dans les années 1830. Les gens de l’Institut canadien, par exemple, étaient entichés de tout ce qui venait de la France, dont la nouvelle cuisine française raffinée et complexe. Je partagerai les entrées en entrées chaudes et entrées froides. Commençons avec les entrées chaudes.
Les entrées chaudes
Les crêpes au poisson en entrée se font de différentes façons : la tradition autochtone veut qu’on mette le poisson cuit ou les œufs de poisson frais dans la pâte à crêpe même. Les Atikamekw l’appellent un watassé qu’ils préparent surtout avec du brochet, du doré ou du corégone. Les Cris et les Inuit en sont aussi friands. Chez les Québécois d’origine européenne, on garnit plutôt la crêpe de poisson en sauce blanche ou sauce crème. Les poissons choisis sont des poissons de proximité; dans la Plaine du Saint-Laurent, on fait les crêpes au poisson avec de l’achigan, de l’alose, du brochet et du doré. Les gens des Iles de la Madeleine font aussi une crêpe au saumon en conserve mis dans la pâte à crêpe qu’ils servent avec uns sauce blanche aux fines herbes.
Les crêpes aux fruits de mer se font avec des crevettes à Sept-Iles et à Matane, au homard aux iles-de-la-Madeleine et en Gaspésie, au crabe sur la Côte-Nord et dans le Bas-Saint-Laurent. Autrefois, on prenait des œufs d’oiseaux de mer ou de canards de mer pour faire ces crêpes. Les crêpes aux crustacés sont des entrées de prestige, chez nous.
Les petits feuilletés au poisson ou fruits de mer sont des entrées récentes amenées par des chefs français installés au Québec. On en fait au saumon et fromage blanc, aux saucisses de fruits de mer, aux moules et crème de curry, au touladi et blanc de poireau en Abitibi, aux huitres en crème, à la truite beauceronne, au saumon de la rivière Ouelle avec épinards.
Le poisson chaud sur laitue en entrée est un rappel historique d’une vielle tradition remontant à nos coureurs des bois. Ces derniers s’arrêtaient parfois pour diner, au pied d’un rapide qu’ils devaient franchir en portageant leurs bagages et leur canot. Ils pêchaient facilement du poisson au pied des rapides, puis se ramassaient des feuilles sauvages avec lesquelles ils se faisaient une bonne salade qu’ils mangeaient avec le poisson parfaitement frais. Ce plat revient en force aujourd’hui et est parfaitement santé. Les Laurentides font un carré d’aiglefin pané qu’ils servent sur de la laitue frisée avec de la mayonnaise; le Saguenay fait aussi des petites truites mouchetées meunière sur une salade à la crème et oignons verts.
Les soufflés de poisson ou de fruits de mer nous viennent de la cuisine française classique; on les fait surtout avec de la truite mouchetée ou de la truite de mer partout au Québec, de la morue salée et de la laitance de hareng en Basse-Côte-Nord, de l’esturgeon fumé en Abitibi, du saumon ou du touladi en Matapédia et du brochet à Montréal.
Les soufflés de fruits de mer se font avec du crabe des Iles-de-la-Madeleine ou du Bas-Saint-Laurent, avec des huitres dans la Baie-des-Chaleurs et des pétoncles à Berthier-sur-Mer. Mais on fait aussi des soufflés-repas en ajoutant du pain déchiqueté ou de la purée de pommes de terre aux œufs et à la béchamel de la recette classique. Cela se fait avec du capelan sur la Côte-Nord, et du saumon et de la morue, en Gaspésie.
Les tartelettes de fruits de mer sont populaires en Minganie où on les fait avec du crabe; aux Iles-de-la-Madeleine, on les prépare avec des crevettes, des palourdes ou du crabe; en Baie-des-Chaleurs avec des huitres et de la crème citronnée; dans le Bas-Saint-Laurent, avec du crabe et des carottes râpées.
Les vol-au-vent à la sauce au poisson sont des entrées populaires chez nous. En entrée, on les fait avec des petits vol-au-vent. Les sauces blanches ou les sauces crème aux herbes et au poisson sont les plus populaires. Les poissons à chair rose orangé sont les plus choisis (truite mouchetée, truite rouge ou omble de l’Arctique, truite arc-en-ciel, touladi, ouananiche ou saumon). Mais on en fait aussi avec du flétan du Groenland en Haute-Côte-Nord, avec de l’alose dans le Bas-Saint-Laurent, avec des éperlans de lac ou de la barbotte dans les Laurentides, de la laquaiche en Outaouais ou du thon en conserve dans la région de Montréal.
Les vol-au-vent à la sauce aux fruits de mer comprennent ceux qu’on fait avec des crevettes, des moules, des palourdes et des huitres, là où ces produits sont disponibles.
Les entrées froides
Il faut d’abord rappeler que la plupart des collations de poisson sont aujourd’hui aussi servies en entrée. Je pense au poisson et fruits de mer fumés ou au poisson et fruits de mer marinés cités plus haut.
On présente aujourd’hui le poisson ou les fruits de mer marinés en salade avec de l’oignon cru et de l’huile d’olive, ou bien sur des feuilles de laitue arrosées d’huile parfumée avec leurs aromates de marinade (oignons, carottes, cornichons).
Le poisson et les fruits de mer fumés en entrée se présentent bien avec des rondelles d’oignon rouge, des câpres, des fleurs comestibles et une huile pressée à froid bien gouteuse. On les met aussi sur des feuilles de laitue avec des crudités ou des fruits d’été; le sucre des fruits s’entend bien avec le gout salé et fumé du poisson.
Il faut aussi parler du poisson et des fruits de mer au sel que l’on mangeait froids, en petit repas, avec des pommes de terre chaudes. Ce type de plat est aujourd’hui pratiquement disparu de nos tables mais il serait souhaitable de le remettre au menu en diminuant le sel et en utilisant le réfrigérateur après avoir salé le poisson ou les fruits de mer. Dans cette catégorie, on entre le hareng et la sardine salés aux oignons, aux tomates, au jus de tomate, à la salade de pommes en vinaigrette, au vin blanc, à la bière brune ou noire, à l’huile d’olive et échalotes, à la crème douce ou sure, de même que la morue salée au curry ou aux tomates et ail. Au Saguenay, on salait autrefois du saumon qu’on prenait en abondance dans le fjord et qu’on mangeait râclé, sur du pain de ménage. Sur la Côte-Nord, on salait aussi des pentures de coques et des buccins que l’on consommait crus avec de la bière.
On fait aussi beaucoup de salades de poissons et de fruits de mer en entrée qui se présentent en coupe, comme un cocktail de crevettes, ou sur un lit de laitue et de légumes crus complémentaires. Les salades de poisson ou de fruits de mer sont aussi consommées en plat principal mais on les associe alors à des aliments glucidiques comme des pommes de terre cuites, des macaronis ou du riz qui leur donnent du volume. En entrée, on élimine ces aliments glucidiques pour mettre en valeur le poisson ou le fruit de mer choisi. Faisons le tour de nos salades d’entrée les plus populaires. Commençons avec les salades de crustacés à la vinaigrette citronnée ou à la mayonnaise, comme la salade de crabe, de homard, de crevettes nordiques ou de goberge à saveur de crabe ou de homard. On les met en valeur parfois avec des œufs durs, une épice comme le curry, un vinaigre comme le vinaigre de framboises, un légume comme l’asperge verte ou blanche, le salsifis, le concombre, la macédoine, le poivron rouge, le maïs sucré en grains, ou un fruit comme l’orange ou le pamplemousse rose. Les salades de poisson à chair saumonée sont aussi très populaires : on mélange la truite ou le saumon avec, au choix, une variété de laitue, des pois verts, des lamelles d’avocat, des tranches de concombre, un mélange de rondelles de cèleri et d’olives vertes, des têtes de violon qui mettent ces poissons en valeur. Les salades de poisson blanc comme les flétans, le corégone, le brochet, le doré, le bar rayé sont associées à des raisins verts, des œufs durs, des vinaigrettes moutardées, des légumes verts comme les haricots, les épinards ou les brocolis.
Signalons les salades de fruits de mer comme celles de bourgots, de couteaux de mer, de mactres de Stimpson, de queues d’écrevisses, d’encornets avec vinaigrette.
N’oublions pas, enfin, les salades de hareng fumé qui s’associe bien aux verdures sauvages comme le pissenlit et le plantain, aux haricots blancs, aux pommes de terre, aux lentilles et aux betteraves.
Les tartares de poisson sont à la mode mais leur origine est très ancienne et remontent au nord de l’Asie. Les Inuit du Québec se nourrissaient beaucoup de poisson et de mammifère cru autrefois. Le muktuk (chair de bélouga ou de baleine) est d’ailleurs encore très prisé par les ainés du Nunavik. On se rappellera justement que les Inuits sont originaires d’Asie du Nord et qu’ils sont venus au Québec par l’Alaska en suivant les iles de l’Arctique, vers l’est. Faire un tartare de poisson dans le contexte contemporain demande beaucoup d’attention. Le poisson doit être le plus frais possible et préparé au froid. Chez nous, en restauration, on le fait surtout avec des poissons à chair rouge comme le saumon, la truite arc-en-ciel et le thon rouge. Mais les pêcheurs amateurs le préparent aussi avec du touladi, de la ouananiche, du corégone et du doré du Nord-du-Québec. On associe la chair à des épices, de l’oignon, de la moutarde, du raifort et du jus de citron. Les Inuit mettent peu de choses sur leur poisson cru : des mélanges d’épices, des petits fruits ou herbes acidulés comme l’ozyrie de montagne et c’est tout.
Les terrines ou les mousses de poisson ou de fruits de mer se préparent avec des blancs d’œuf mélangés à la chair broyée du poisson. On les parfume avec un alcool, des herbes, avec le même poisson fumé, avec des petits fruits comme les autochtones parfument traditionnellement leur poisson. La différence entre les terrines et les mousses de poissons est la texture; la terrine de poisson peut contenir des gros morceaux de poisson, des légumes cuits en morceaux alors que la mousse peut se tartiner sur des biscottes ou des biscuits. Les deux plats lient le poisson et leurs aromates avec des œufs ou de la gélatine. C’est le cas particulièrement pour les terrines qui veulent conserver le poisson et leurs aromates en morceaux identifiables. Voici quelques modèles québécois de terrine de poisson : en Outaouais, on fait une terrine de brochet ou de maskinongé qu’on sert avec une sauce tartare; en Haute-Côte-Nord, on en fait une avec de l’anguille, des champignons et du persil. Nos mousses de poisson ou de fruits de mer se font avec du saumon, des écrevisses, des crevettes, du homard, du crabe, de l’ombre de l’Arctique, de la truite, de la ouananiche ou de l’esturgeon fumé. On en trouve de plus en plus dans nos marchés d’alimentation qui sont préparées avec compétence par des gens de chez nous. Mais on peut les faire facilement et à meilleur cout avec des restes de repas de poisson ou de fruits de mer. On congèle ces restes et on les sort au moment de faire nos terrines ou nos mousses.
Les lunchs
Les lunchs sont les repas rapides pris chez soi ou à l’extérieur pour combler sa faim. Ils ne sont pas compliqués et sont souvent constitués d’une base glucidique comme le pain, les pommes de terre ou une pâte quelconque. Le terme est d’origine anglaise et est traduit par casse-croute, en français. Mais le terme anglais est passé dans notre langue au milieu du XIXe siècle, lorsque les Québécois sont allé travailler aux États-Unis comme bucheron, ouvrier ou ouvrière dans les manufactures de tissage. Faisons le tour des lunchs avec du pain, des pommes de terre et des pâtes.
Les lunchs avec du pain
Les États-Unis nous ont initiés à plusieurs types de pains garnis qu’ils ont eux-mêmes emprunté à plusieurs cuisines européennes comme celles de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Angleterre et de la France. Se sont ajoutés, par la suite des pains d’origine moyen-orientale, indienne et mexicaine. Voici comment on cuisine nos poissons et nos fruits de mer avec ces différents pains. Il y a, bien sûr, les guedilles que l’on fait avec un pain à hot dog et que l’on garnit avec une salade de crustacés comme les crevettes, le crabe et le homard. En Basse-Côte-Nord, on parle parfois de fanfan au homard plutôt que de guedille au homard. Dans le monde des sous-marins, on fait dans le Centre-du-Québec, un sandwich à l’esturgeon fumé du lac Saint-Pierre avec de la laitue frisée, des tranches de tomate et des tranches de Mamirolle de Plessisville. Il y a ensuite les petits pains farcis que l’on garnit de saumon à la mayonnaise aux cornichons sucrés ou au poivron vert; de truite mouchetée avec oignon vert et cèleri; de doré avec oignon vert et radis; de maskinongé fumé avec crème de champignons, cèleri et aneth; de salade de homard avec tomates et concombres; ou de maquereau avec herbes et radis. On fait, en troisième lieu, des hamburgers au saumon avec salade ou bacon; à la truite avec laitue, tomate et mayonnaise; et à l’achigan haché avec des croustilles à l’aneth, sur le Rive-Sud de Montréal. Quatrièmement, notre répertoire comprend quelques recettes de croquettes au pain que l‘on fait avec du pain déchiqueté, trempé dans du lait, des œufs battus et du poisson ou un fruit de mer cuit; ainsi on rencontre des croquettes de saumon, de morue fraiche ou salée, de thon, de goberge, de brochet avec épices à poisson, de corégone, de homard, de crabe, de palourdes ou de moules. Il y a enfin, tous les types de sandwichs créatifs au poisson ou aux fruits de mer. Commençons avec les sandwichs chauds comme le club-sandwich à la goberge, les sandwichs grillés au flétan de l’Atlantique ou aux sardines et fromage, le sandwich en pain doré au saumon, le sandwich de thon à la sauce tomate au four, tous de la Basse-Côte-Nord. Continuons avec le club-sandwich aux crevettes de la Minganie; le sandwich gaspésien aux langues ou joues de morue rôties, avec mayonnaise, cornichons et olives vertes; le sandwich grillé au four du Centre-du-Québec, nappé de tranches de fromages enveloppant une tranche de tomate, nappé, au sortir du four, d'une béchamel au saumon en conserve, persillée. Citons enfin le Club sandwich au doré poêlé du Haut-Saint-Laurent, avec laitue, tomate, bacon, oeufs durs et rondelles d’oignon cru. Continuons avec les sandwichs froids qui sont nombreux et variés; dans l’Est du Québec, on les fait soit avec du homard, du crabe et des crevettes ou bien avec du saumon frais ou fumé. Dans les villes ou le sud du Québec, on les fait avec du poisson en conserve comme le thon, le saumon ou les sardines en compagnie d’oignon, de pommes, de céleri et d’œufs durs. Signalons les sandwichs originaux suivants : sandwich aux œufs de lompe de Ste-Thérèse de Gaspé; le sandwich de touladi poché aux airelles bleues (kigutanginnaq) du Nunavik, et le sandwich de filets de barbotte cuits, liés au yogourt mélangé à de la mayonnaise, du céleri et du poivron vert haché de Lanaudière. Enfin, terminons cette liste avec les sandwichs ouverts, bien connus en Scandinavie sous le nom de smørbrød : les sandwichs ouverts aux sardines, aux crevettes ou au saumon fumé qui sont les plus connus, chez nous, particulièrement sur la Côte-Nord et sur la Côte-de-Gaspé.
Les lunchs avec des pommes de terre
Ce sont les citoyens d’origine britannique de la Nouvelle-Angleterre et du Québec qui nous ont initiés aux hachis et aux fricassées. Ces termes, comme le mot fricot plus connu par les Québécois d’origine acadienne, étaient familiers aux premiers colons français mais ils ne désignaient pas tout à fait la même chose. Au temps de la Nouvelle France, ces plats ne comprenaient jamais de pommes de terre puisque nous n’en mangions pas. La fricassée se disait pour tout plat de viande ou de légumes qu’on faisait revenir dans un corps gras et auquel on ajoutait, en fin de cuisson un peu d’eau pour faire une sauce. Le hachis était simplement un plat de viande cuite en morceaux hachés au couteau, d’où le terme de hachis. Le mot français connu depuis le début du Moyen Âge est d’ailleurs passé en Angleterre par l’intermédiaire des Normands avant de devenir le fameux haggis écossais ou le hash de la Nouvelle-Angleterre. Les Britanniques, en particulier les Irlandais et les Écossais plus pauvres que les Anglais, se sont mis à faire beaucoup de plats avec des pommes de terre, vers 1730. L’armée anglaise était nourrie aux pommes de terre quand elle a conquis le Québec, en 1760. Mais ce n’est que vers 1830, que la pomme de terre s’est définitivement installée dans toutes les familles de langue française du Québec. Les Acadiens avaient cependant introduit la pomme de terre dans leur cuisine avant les Québécois francophones. Dans les périodes de pénurie ou dans les familles pauvres où la viande était rare, on ne fricassait que des pommes de terre avec de l’oignon. Ce plat des printemps difficiles était souvent servi le midi aux enfants qui revenaient de l’école. Dans Charlevoix, on l’appelait aussi une sauce aux patates ou chiard de goélette ou quioune ou bigoune; on faisait pocher, en été, des petits poissons sur le plat, en fin de cuisson. Les Québécois d’origine écossaise se faisaient des stovies ou des tweed kettles. Ce dernier plat se faisait avec des restes de saumon qu’on pêchait facilement dans les rivières de la Baie-des-Chaleurs ou de la baie de Gaspé.
En plus de ces mijotés de pommes de terre en lamelles ou en dés, on faisait des patates au four qu’on coupait en morceaux ou en tranches et faisait cuire sur une plaque ou collés aux parois du four. Ces pommes de terre se mangeaient aussi en petit repas avec du beurre et une salade verte au poisson de saison.
Les patates sous le chaudron, cuites directement sur les ronds du poêle à bois, couvertes de chaudrons noirs tournés à l’envers, faisaient aussi tout un repas pour certains. On les mangeait avec du beurre ou certains jours, avec du poisson meunière.
Les patates en carriole ou patates de maitresses d’école ou pommes sautées comme disent les Français, faisaient aussi tout un repas avec une salade ou un poisson fraichement pêché, comme du doré ou du brochet. Mais ces plats appartiennent plus au passé qu’au présent.
Seules demeurent en lunch ou petit repas, les frites, les frites-sauce et les poutines. Les frites ont été apportées au Québec et à New York, par les premiers immigrants belges, au milieu du XIXe siècle. Ce fut l’engouement général de sorte que tout le monde s’est mis à acheter des frites dans des kiosques amovibles amenés par les immigrants, près des lieux où l’on pratiquait des sports comme le baseball. On a quelques témoignages de gens de la fin du XIXe siècle qui se faisaient des frites maison, en repas, en compagnie de sauce brune au lard salé. On se faisait donc des frites-sauce à Chicoutimi, en 1885! Quant à la poutine, elle est née dans le Centre du Québec, au milieu des années 1950. La recette est d’abord issue du fameux frite-sauce dont je viens de vous parler, auquel un client de la région a demandé d’ajouter une poignée de fromage en grains. Le fromage en grain est l’une des collations préférées des Québécois francophones depuis l’ouverture des fromageries dans les villages, autour de 1865. On en trouvait donc dans tous les friteries et les cabanes à patates frites des années 1950. On ne s’entend pas sur le lieu exact où est né ce nouveau plat identitaire du Québec; certains parlent de Drummondville, d’autres de Warwick. Quoi qu’il en soit, c’est au Centre-du-Québec que le plat est né, un pays où la pomme de terre et le fromage sont très présents encore aujourd’hui. Quant au nom poutine, il est d’origine acadienne. Ce mot serait traduit par « grand-père », chez les Franco-Québécois d’origine. En voyant flotter des grands-pères blancs ou des poutines sur un ragout ou une sauce à la cassonade, on imagine facilement la relation avec la poutine actuelle. C’est une employée d’origine acadienne qui aurait suggéré le nom poutine à son patron qui cherchait un nom pour baptiser cette nouvelle collation de plus en plus en demande, dans son restaurant. Mais la poutine s’est énormément diversifiée depuis son origine. On fait, aujourd’hui, dans le Bas-Saint-Laurent, des poutines aux crevettes avec une sauce au vin blanc. J’en ai vu une aussi avec des palourdes frites dans la même région. Et je suis sur qu’il y en a d’autres aux Iles-de-la-Madeleine avec du homard ou de la saucisse de loup-marin.
Les salades de pommes de terre pour le lunch, communément appelées les salades de patates, se préparent beaucoup avec du poisson salé, mariné ou fumé comme le hareng, l’anguille ou le saumon; du poisson poché comme la morue ou le flétan du Groenland, le saumon ou la truite mouchetée, le brochet ou la barbue; des fruits de mer comme les crevettes, le homard, les huitres, les coques ou les moules.
Les lunchs avec diverses pâtes.
Le mot « pâtes » est un terme fourretout pour décrire la variété de nos divers lunchs avec des produits aquatiques. Le mot parle de crêpes diverses, de chaussons, de pizzas et de salades de pâtes alimentaires. Parmi les crêpes garnies de poisson, il faut parler des blasphèmes que les bucherons se faisaient sur la Côte-Nord en ajoutant du saumon ou de la truite pêchée par eux pour les repas précédents. Ce type de plat se fait au Iles de la Madeleine aussi. On inclut du saumon en conserve dans la pâte à crêpe, puis on la roule et l’arrose de béchamel à la sarriette. Les Atikamekw et les Cris font aussi des crêpes au brochet ou au corégone qui ressemblent plus à des pancakes et qu’ils mangent avec du beurre. Ces crêpes s’appellent des watassés chez les Autochtones et les Métis de la Mauricie. En région forestière, on fait des crêpes de farine de blé ou de farine de sarrasin farcies de poisson local en sauce béchamel; le poisson fumé, en particulier, était autrefois utilisé pour ce type de plat du midi : maskinongé, aiglefin, saumon et morue fumés à chaud. Les restes de brochet et de truite étaient aussi beaucoup présents dans les crêpes garnies pour le lunch.
Les chaussons sont des cercles de pâte pliés en deux, par-dessus une garniture quelconque, en forme de demi-lune. C’est une collation ou une entrée très connue au Québec, spécialement dans le temps des Fêtes. Mais on en fait aussi avec du poisson ou des fruits de mer dans les régions maritimes. Les gens en font de grandes quantités, les congèlent et les apportent comme lunch, dans leur milieu de travail. En Basse-Côte-Nord où les fruits de mer sont plus accessibles qu’ailleurs, on fait des chaussons au crabe mélangé à des soupes en conserve; aux Iles-de-la-Madeleine, on en fait au maquereau ou au flétan de l’Atlantique; en Baie-des-Chaleurs, on en a longtemps fait avec des huitres locales; sur la Côte-de-Gaspé; on fait des chaussons à la plie (sole) avec de la crème de champignons; au Lac-Saint-Jean, on en fait au doré et au fromage blanc, avec des échalotes vertes, des feuilles de cèleri et des œufs durs en dés. Les Ukrainiens de Rouyn-Noranda se faisaient, dans les années 1940, des pirogies au brochet qu’ils amenaient en piquenique au bord du lac Osisko; dans les Hautes-Laurentides, on fait des chaussons au corégone en sauce blanche persillée. Dans la région de la Jacques-Cartier, on en fait au saumon avec de la mayonnaise et dans Lotbinière, on les fait avec de la morue salée et du ketchup rouge. En résumé, les chaussons au poisson sont variés et bien présents partout au Québec.
Les pizzas au poisson et aux fruits de mer sont les meilleurs vendeurs de tous les restaurants de la Haute-Côte-Nord et de la Minganie. Les pizzas aux fruits de mer de Havre-Saint-Pierre sont particulièrement réputées. On y met des crevettes, des pétoncles, du crabe ou du homard sur une sauce blanche ou sur une sauce rouge qui varie selon les familles. On fait aussi, à Sep-Iles, la pizza aux crevettes ou aux sardines. La pizza tient lieu, aujourd’hui, de repas principal alors qu’encore récemment, elle était une collation de fin de soirée ou un lunch complet. Les Iles-de-la-Madeleine ont plusieurs variétés de pizza aux fruits de mer : moules et pesto, les 3 crustacés (crevettes, crabe et homard), les 4 mollusques (coques moules, palourdes, couteaux sur sauce tomate). En Abitibi et dans le Nord-Ouest du Québec comme à Radisson, on la fait avec de la truite ou du touladi, comme au Témiscouata, d’ailleurs. Dans le Centre du Québec, on en fait une avec de la carpe fumée, du fromage de chèvre, des olives noires et des poivrons rouges.
Qui dit pâtes, dit aussi pâtes alimentaires. Or, beaucoup de gens se font des salades de pâtes comme lunch. On en fait avec des fruits de mer comme le crabe, le homard, les crevettes ou avec des poissons fumés comme le saumon ou l’anguille.
Les salades-repas de diverses céréales comprennent les salades de riz, de quinoa, d’orge et de couscous. Ma collection comprend surtout des salades de riz que nous faisons depuis le XVII e siècle. Les salades de riz sont nées un peu comme les salades de légumineuses; on faisait des soupes-consistantes de riz et de viande pour le midi et lorsqu’il faisait chaud, on mangeait les restes de ces soupes, le soir, en les arrosant d’huile et de vinaigre. L’habitude de faire cela serait née sur les bateaux qui traversaient l'Atlantique. Quand le vent se levait, le soir, il arrivait que les cuisiniers ne puissent faire de feu pour le repas. On mangeait alors les restes du midi à la vinaigrette, souvent des pois jaunes ou du riz. Ces salades n’avaient pas grand’ chose à voir avec celles d’aujourd’hui; elles ressemblaient plus à des purées qu’à des regroupements d’aliments distincts et encore croquants, comme aujourd’hui. Ce n’est qu’au XXe siècle qu’on a créé les salades de riz que l’on connait, avec du riz bouilli à point et refroidi lorsque le grain est tendre mais encore solide. On faisait sans doute la même chose avec les soupes d’orge mais je n’en ai pas de preuve historique. Quant aux nouvelles salades de coucous ou de quinoa, on les fait comme les salades de riz avec des légumes et une protéine quelconque. Les poissons et les fruits de mer que l’on retrouve dans ces types de lunch sont les mêmes que dans les plats étudiés précédemment. J’ai noté beaucoup de salades de céréales avec des crevettes, du homard, du crabe, des pétoncles, des palourdes, du thon et du saumon, en compagnie de tomates, de poivrons, de céleri, d’oignons verts, de têtes de violon en particulier avec du saumon de la Matapédia, du concombre avec de l’anguille fumée, d’olives vertes, des amandes, des câpres, etc.
Conclusion
Ceci complète le tour de nos collations, de nos entrées et de nos lunchs avec des produits aquatiques. Cela vient démontrer qu’il est possible de cuisiner varié avec nos produits locaux. Malheureusement, pour des raisons qu’il m’est difficile de comprendre et d’accepter, nos produits les plus en vedette et en demande, comme le saumon, la morue, les crevettes, les palourdes nous viennent beaucoup de l’extérieur du Québec. Les autres profitent de notre engouement pour ces aliments maritimes devenus plus rares chez nous à cause de la forte demande. Qu’attendons-nous pour corriger la situation?
Michel Lambert
Historien de la cuisine familiale du Québec.