Les plats les plus typiques du Québec No 6

Parlons aujourd’hui des recettes québécoises de produits aquatiques sur le barbecue ou sur le feu. La découverte du feu par l’homme remonte à plus d’un million d’années. Les anthropologues pensent que l’homme aurait apprivoisé le feu lors des nombreux feux de forêt causés par la foudre et les volcans. Ils auraient gouté alors au gibier rôti par ces feux et l’auraient trouvé beaucoup plus facile à digérer.

Par la suite, ils auraient appris à faire du feu en faisant bouger un bâton sur de la pierre jusqu’à ce que des étincelles mettent le feu à des brindilles et du bois. Les premiers hommes qui ont pénétré le Québec connaissaient donc la cuisson sur la braise ou au-dessus des flammes depuis des milliers d’années. Ils n’auraient pu résister au froid intense des dernières glaciations sans feu. Par conséquent, la cuisson des viandes sur la braise, sur des pierres chaudes ou dans un four ou un trou réchauffé par un feu ou des braises a sans doute plusieurs centaines de milliers d’années!

La cuisson sur la braise à l’aide d’une grille de bois vert hautement suspendue au-dessus du feu serait une invention des Caraibes. Ce sont les Espagnols qui auraient découvert ce mode de cuisson populaire dans les Antilles. Les Caraïbes l’appelaient barbacoa qui serait devenu barbecue, dans la sud des États-Unis. Assez rapidement, on a construit des grilles de fer ou de fonte pour accélérer la cuisson des aliments en rapprochant l’aliment à cuire de la flamme. Le même outil était utilisé par les autochtones de l’Amérique du Nord, jusqu’au Nunavik, pour faire sécher et fumer la viande et le poisson.

Nos ancêtres français et britanniques connaissaient la grille qu’ils utilisaient pour griller les poissons entiers, les darnes ou les tranches de viande. Les autochtones utilisaient plutôt des brochettes de bois vert qu’ils enfilaient dans les poissons, à l’horizontale. Par la suite, lorsqu’on créa la grille en crapaudine, ils se mirent à utiliser ce genre de grille pour griller les plus petits poissons ou les darnes.

Aujourd’hui, on grille sur des barbecues au charbon de bois, au gaz ou à l’électricité.

Chacun a ses préférences et les techniques se perfectionnent sans cesse. La cuisson sur le barbecue permet de cuire des brochettes de poisson et/ou de fruits de mer de même que des darnes, des pavés ou des steaks de poissons. Les crustacés dans leur carapace sont plus rares mais de plus en plus présents dans les régions où l’on peut obtenir homard ou crabe vivant. De plus, on fait de plus en plus de papillotes de poisson ou de fruits de mer sur le barbecue. Les filets de poisson sont bien traités de cette façon qui les empêche de se défaire au moment de les retirer du gril.

Soyons plus précis en commençant avec les brochettes. On les marine généralement dans une vinaigrette au jus de citron, huile d’olive et herbes aromatiques. Par contre, au moins la moitié des recettes enrobe les cubes de poisson de bacon sans mariner le poisson. On sert ces brochettes sur des riz parfumés. Les poissons les plus utilisés pour faire des brochettes québécoises, sont la morue, le mako, le flétan atlantique, le doré, le brochet, la grosse truite et l’esturgeon jaune. On intercale entre les cubes, des tomates-cerises, des poivrons, des champignons et exceptionnellement des fruits comme des quartiers de citron, d’orange, des cubes d’ananas ou de gros raisins rouges. Certains poissons comme l’esturgeon jaune peuvent supporter des marinades plus puissantes avec des saveurs locales comme le carcajou, la livèche, l’oxalis ou le carvi sauvage. Sur la Côte-du-Sud, on fait des brochettes d’anguille ou de barbottes en compagnie de bacon bien fumé. Les brochettes de fruits de mer se font principalement avec des pétoncles qu’on associe à des fruits ou à des herbes comme la marjolaine. Certains font des brochettes de crevettes importées, d’autres des brochettes de moules, d’huitres ou de buccins enveloppés de fines tranches de bacon. Enfin, au Nunavik, sur la Côte-Nord, sur la Côte-de-Gaspé et aux Iles-de-la-Madeleine, on fait de plus en plus des brochettes de loup-marin ou de phoques divers.

Quant aux darnes grillées, on les fait avec du saumon, du flétan de l’Atlantique ou du touladi, dans les régions forestières. Elles sont badigeonnées d’huile aromatisée et accompagnées de légumes grillés comme des poivrons, des champignons, des tomates, et, en Matapédia, des têtes de violon ou de la sauce aux asperges. En Abitibi, on sert les darnes de touladi, entre autres, avec de l’oxyrie de montagne ou du pesto de persil au beurre et pacanes.

Les papillotes sur le barbecue sont les descendantes des cuissons dans de l’écorce mouillée pratiquée par les autochtones de langue algonquienne. On mettait ces enveloppes directement dans le sable brulant mêlé aux cendres et braises d’un feu de camp. Ce sont en général, les petits poissons, les filets, ou les poissons que l’on veut parfumer par du vin, du jus de citron, une sauce ou un mélange de légumes à cuisson rapide que l’on cuisine ainsi. Le poisson à chair rose ou orange est incontestablement le poisson québécois le plus cuit de cette façon; l’omble fontaine ou truite mouchetée, le saumon, la ouananiche, le touladi, l’omble chevalier ou truite rouge ou omble de l’Arctique font partie de cette catégorie. On les arrose de jus d’agrume ou de vin blanc ou de vodka ou de vinaigre de vin blanc; on les entoure de rondelles d’oignon, de champignons, de languettes de bacon, d’ail haché, de lamelles de poivron, de tranches de poireau ou d’oignons rôti en compagnie de crème douce. Suivent certains poissons de mer comme le maquereau que l’on enveloppe de moutarde, d’estragon ou de thym ou comme la plie qu’on arrose de cidre et d’oignons verts. Les poissons d’eau douce ne sont pas traités différemment: le doré est enveloppé de tomates en dés, de champignons et d’oignon; l’achigan est couvert de tranches de tomates, de fenouil et de jus de citron.Les poissons anadromes comme l’alose ou le bar rayé sont entourés d’oseille et de dés de beurre ou de poivrons de couleur ou de tomates et poivrons verts.

Les poissons grillés directement sur le barbecue, sont surtout  grillés entiers, avec tête et peau, et parfois enrobés de marinade. On les enveloppe traditionnellement de tranches de lard salé ou de bacon. Ces dernières, en fondant, amènent le feu à lécher et noircir le poisson mais cela ajoute de la saveur au poisson. Sur la Côte-Nord et en Gaspésie, on fait griller des petits poissons sur une grille de four posée au-dessus des braises, en piquenique. Les capelans, les éperlans, les sardines ou petits harengs et les petites truites de ruisseau ont beaucoup de succès.

Dans les gros poissons posés directement sur le barbecue, on trouve beaucoup de saumons entiers, de morues entières, de bars rayés, de touladis, de brochets et de grosses truites arc-en-ciel. Sur la Côte-du-Sud, on met des anguilles à griller après les avoir fait bouillir au préalable; on les sert avec une sauce faite avec le bouillon de cuisson de l’anguille. Dans le Nord-Est-du-Québec, les Naskapis aiment beaucoup les poissons du Nord grillés entiers, au-dessus des braises; ils les appellent des Ash-shik-pawn-noich. Depuis les années 2 000, on fait de plus en plus griller directement sur la grille, des pavés de thon rouge ou d’espadon qui fréquentent nos eaux à la fin de l’été. Tous ces poissons d’été se servent sur des salades diverses aux vinaigrettes fruitées et des pommes de terre cuites sur le barbecue, enveloppées de papier aluminium.

Les crustacés sur le barbecue sont le homard, les pattes de crabe et les écrevisses. Les Mohawks font cuire leurs écrevisses au barbecue avec la carapace, puis ils les  pèlent et les plongent dans le beurre pour les manger avec du pain de maïs bouilli. Les Madelinots font aussi griller les homards et les crabes sur le barbecue avant de les manger avec un beurre à l’ail et des frites ou de la sauce aux fruits de mer conçue pour des crevettes à cocktail.

Voilà ce qui résume cette partie de notre patrimoine, à la fois très ancienne et très moderne.

À la semaine prochaine.

Michel Lambert