Soumis par Michel Lambert le
Quand les colons français se sont installés au Québec, au XVIIe siècle, la table familiale était petite et surtout utilisée comme espace de travail culinaire et lieu pour déposer le chaudron dans lequel chacun mangeait. Seuls les gens fortunés comme les religieux, les administrateurs, les artisans de renom disposaient d’assiettes d’étain et d’une table plus grande. Les autres disposaient d’une écuelle ou d’une large cuiller avec laquelle ils allaient piger leur nourriture dans le chaudron mis au milieu des gens de la maison. Lorsqu’on avait beaucoup de monde, comme dans le temps des fêtes annuelles, les mariages, les compérages ou les décès, on mettait des tréteaux sur lesquels on disposait des larges planches qu’on recouvrait de nappes tissées à la maison. Cet usage se faisait encore, d’ailleurs, dans les années 1960. La table familiale est apparue au XVIIIe siècle, dans toutes les maisons. Le bois étant abondant, chacun faisait sa table, en se mariant. Et comme on prévoyait avoir beaucoup d’enfants, les tables mesuraient en général plus de 2 mètres par un mètre de large. Au XIXe siècle, on ajouta des rallonges accrochées sous la table pour l’agrandir, au besoin. Les tables étaient aussi plus basses que maintenant parce que la majorité des gens étaient plus petits qu’aujourd’hui. Dans ma petite enfance, les tables de mes grands parents étaient entourées de chaises et de bancs. Les enfants s’assoyaient sur les bancs, collés les uns aux autres, et le père trônait au bout de la table. C’est lui qui bénissait le pain en faisant une croix dessus avant de le distribuer aux gens attablés. Le reste des tranches étaient mis dans une assiette, près de lui. La mère mettait les plus jeunes près d’elle pour les nourrir plus facilement. Elle mangeait souvent la dernière, avec les filles ainées de la maison qui participaient à la cuisine et au service, après avoir servi tout le monde. Les grands parents, encore présents dans quelques maisons, étaient assis sur des chaises devant les petits enfants, comme les adultes de la maison.
La table de la photo de fond veut illustrer le caractère rassembleur de certains de nos plats traditionnels. La table est devenue, au fil du temps, le lieu de rapprochement par excellence de nos cultures, de nos ethnies fondatrices et le lieu où l’on se nourrit ensemble d’aliments et de plats de nos patrimoines respectifs. Les recettes de tourtière mêlant viandes domestiques et sauvages du Québec, pommes de terre d’origine péruvienne mais propagées chez nous par les Britanniques, épices indonésiennes et indiennes pour les amateurs d’exotisme, illustrent bien l’idée de rassemblement. Même chose pour les gâteaux aux fruits en conserve, proposés cette semaine. On les appelle des gâteaux bundt parce qu’ils viennent d’Allemagne où le terme bund veut dire "rassemblement". Mais ils sont faits avec des fruits québécois qu’on a mis en conserve pour l’hiver. Notre cuisine est rassembleuse et même fusionnelle.
Je vous souhaite de beaux rassemblements familiaux, à l'occasion de ce jour de Pâques. Les événements de Bruxelles et la réaction des Belges et de leurs alliés nous rappellent qu'il y a toujours un jour de Pâques après le jour de la mort! Nos sociétés et chaque individu qui les forme ont besoin de cette espérance pour continuer à vivre.
Michel Lambert
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