Soumis par Michel Lambert le
Les îles Britanniques ont été, au fil des dernières glaciations terrestres, alternativement reliées au continent. Plusieurs espèces humaines ont occupé son territoire avant l'Homo Sapiens. L'occupation prouvée par l'archéologie remonterait à 800 000 ans AA. Mais à cause de la dureté des lieux et du climat plus froid qu'en Europe, cette occupation humaine fut discontinue jusque après la dernière glaciation, il y a environ 6 000 ans, moment où des groupes d'agriculteurs anatoliens sont passés de la France au sud de l'Angleterre. Mais ce sont surtout les Celtes qui colonisèrent les iles Britanniques, entre le VIIIe et le Ve siècle avant notre ère.
Il y a 1 500 ans, 24 groiupes celtes occupaient déjà l'île de Grande Bretagne. Certains de ces groupes avaient des contacts avec des groupes celtes français, de l'autre côté de la Manche. Tous ces groupes partageaient un fond linguistique semblable de même qu'une culture culinaire qui reposait sur la culture des céréales et des légumineuses de mëme que sur l'élevage des animaux domestiques. On complétait cette culture par la chasse et les cueillettes de légumes et fruits sauvages locaux. Les tribus celtes du Nord finirent par se distinguer beaucoup des tribus du Sud-Est à cause du climat et de l'aridité des sols montagneux. Les Celtes qui occupaient l'Irlande et les nombreuses iles de l'Écosse actuelle finirent par développer aussi une culture différente de celle du Sud-Est de l'île de Grande-Bretagne, plus riche et plus prospère. C'est d'ailleurs pour cette raison que les Romains firent la conquête du Sud-Est de l'ile, 100 ans après J.C.. Mais, malgré de courtes incursions romaines en Écosse, en Irlande et dans le Pays de Galles et de la Cornouailles, ces régions demeurèrent culturellement profondément celtiques jusqu'à aujourd'hui. On se référera à ce que j'ai dit de la cuisine celtique dans le chapitre sur la cuisine française, les semaines dernières. En résumé, la cuisine britannique a un fond celtique commun à plusieurs pays européens, de la Tchékoslovaquie, à l'est, au Portugal, à l'ouest. Le blé, l'orge et l'avoine occupent une place prépondérente dans l'alimentation, de même que le porc, le boeuf, le poulet et le mouton. On aime aussi le chevreuil et le sanglier sans oublier le petit gibier forestier européen. On est moins poisson que viande. Cependant, à cause de l'absence de plaines glaiseuses favorisant l'élevage du boeuf ou la culture du blé, les résidents des régions montagneuses finirent par développer une cuisine donnant plus de place au poisson ou aux fruits de mer, de même qu'à l'élevage du mouton, du porc et de la volaille. Et ces Celtes du Nord cultivaient plus d'avoine et d'orge que de blé.
L'amour des aliments maritimes fut amplifié, au Ve siècle par l'installation progressive dans les iles, des peuples germaniques originaires de la mer du Nord et de l'Atlantique-Nord. Les Vikings, les Angles, les Saxons débarquèrent brutalement sur les iles en exterminant, dans plusieurs lieux, les populations celtes résidentes. Les historiens ont longtemps raconté que ces peuples avaient éliminé carrément les Celtes du Sud-Est de l'ile de la Grande Bretagne. Or des études récentes sur l'ADN des Anglais du Sud-Est de l'Angleterre démontrent que les Celtes sont restés bien présents dans cette région, autant qu'en Écosse ou en Irlande. Comme cela s'est fait un peu partout dans le monde, les jeunes envahisseurs mâles et fougueux ont créé une nouvelle population avec les femmes celtes du pays qu'ils occupaient. Les conquérants influencèrent la langue romano-celte du Sud-Est de la grande Bretagne pour créer la langue anglaise que nous connaissons aujourd'hui. Cette langue est majoritairement composée de mots grecs et latins communs au français et à l'anglais pour désigner les termes abstraits, les concepts et les structures administratives de la société, et d'environ 40 % de mots anglo-saxons désignant la vie concrète. Les Angles et les Saxons ont fui leurs terres natales situées dans les Pays-Bas à cause des inondations perpétuelles de leurs terres par la mer du Nord. Et les Vikings cherchaient un pays plus hospitalier que leur terre natale.
L'Angleterre fut envahie, en 1066, par Guillaume le Conquérant qui a progressivement imposé sa culture franco-normande, dans tout le pays. C'est à ce moment-là qu'a commencé la rivalité perpétuelle entre l'Angleterre et la France. La culture culinaire anglo-saxonne s'est francisée comme la langue, au cours des siècles suivants, au fil des mariages royaux et des alliances amour-haine avec la France. Comme on le sait, les Québec français a hérité de cette relation empoisonnée avec l'Angleterre, tout en adoptant plus facilement dans ses rangs les Irlandais et les Écossais, aussi conquis par les Anglais. Nous parlerons davantage de ces deux ethnies des iles britanniques, la semaine prochaine.
En attendant, je vous invite à lire les articles que j'ai écrits sur ce site, racontant, pour chaque région québécoise, l'installation d'Anglais qui eurent une influence considérable sur l'évolution de la région en question. Je vous donne en plus, les recettes anglaises que j'ai recueillies dans chacune de ces régions.
http://www.quebecuisine.ca/?q=la-cuisine-anglaise-au-quebec
http://www.quebecuisine.ca/?q=notre-héritage-anglais
À la semaine prochaine, pour la suite des cuisines britanniques.
Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec