Fermons la boucle de nos grains patrimoniaux avec le riz!

Cet article sur le riz termine mon premier chapitre de 2017, consacré aux grains de base de notre alimentation. Je vous en ferai une synthèse et un commentaire personnel, la semaine prochaine. Mais commençons par parler du riz, chez nous.

Le riz poussait de façon sauvage dans le sud de la Chine et dans les pays sud-asiatiques. Sa cueillette par l’homme est attestée depuis au moins 15 000 ans. Ce sont les Chinois du Sud et les Thaïlandais qui l’ont adopté et cultivé, les premiers, il y a 10 000 ans, dans les deltas de leurs rivières, en zone tropicale. Puis la culture du riz s’est rapidement répandue au Cambodge, au Vietnam et dans le sud du continent indien. Le riz d’origine finit, au cours des siècles par se diversifier, sous différents climats, dans des terreaux différents et des méthodes de culture diversifiées. Ainsi, aujourd’hui, le riz est différent s’il pousse au Sri Lanka, au Japon ou au Pakistan. S’il pousse en région tempérée comme en Corée ou au Japon, le grain est court et rond (riz Japonica). S’il pousse en zone tropicale, il est long et mince (riz indica). Ce sont les marchands arabes qui l’ont apporté au Moyen Orient, il y a 2 800 ans. Il y a 2 320 ans, Alexandre le Grand l’apportait en Grèce à partir de la Perse qu’il venait de conquérir. Ce sont les Arabes qui le propagèrent en Afrique de l’Est et à Madagascar, au Xe siècle. Puis les Égyptiens et les Marocains en plantèrent chez eux. Lorsque les Maures firent la conquête de l’Espagne au VIIIe siècle de notre ère, la culture du riz s’est transportée en Europe pour la première fois. On l’a donc cultivé en Andalousie avant de le faire dans le sud de l’Italie et en Provence, en Camargue, en particulier, sous le règne d’Henri IV. Mais on l’importait déjà assez abondamment de Chine, par bateau. Il est mentionné comme aliment français, dans Le Mesnagier de Paris, en 1393. Au début du XVIIe siècle, le riz asiatique était assez courant et économique, en France, pour qu’on nourrisse les orphelinats et les hôpitaux avec. Saint Vincent de Paul en distribuait d’ailleurs aux pauvres. On en amena donc au Québec. Les Relations des Jésuites mentionnent qu’on en apportait en mission. Lorsque les autochtones faisaient bouillir du poisson ou du gibier, les missionnaires jetaient une poignée de riz dans la marmite d’écorce. Ainsi, le riz est beaucoup associé au gibier dans notre histoire culinaire. On le consomme surtout en soupe, comme l’orge, l’avoine et les légumineuses. Le riz en accompagnement ou en casserole comme on le voit maintenant est une idée culinaire apportée par les immigrants d’Europe du Sud, dans les années 1950. Mais ces recettes sont entrées chez nous par la porte américaine.

Le fameux riz Uncle Ben qui nourrit le Québec depuis les années 1950 serait d’origine africaine. En 1696, selon la légende, un voilier chargé de riz venant de Madagascar se serait échoué sur la côte de la Caroline du Sud. Le capitaine du navire en aurait donné plusieurs poches aux habitants des lieux parce que ces derniers l’auraient aidé à réparer son navire. C’est ainsi que le riz africain se serait répandu dans le sud des États-Unis. Lors de la révolution américaine, le riz a été la première céréale à être exportée à l’étranger et non pas le blé, comme la plupart des gens pourraient le penser. Mais le riz africain aurait pu aussi être apportée par les esclaves, lors de leur déportation dans les exploitations sucrières du sud des États-Unis. D’autre part, l’immigration massive de Chinois lors de la ruée vers l’or en Californie en 1860, installa la culture du riz chinois dans cette autre partie des États-Unis. Comme plusieurs de ces Chinois ont immigré au Québec, à la toute fin du XIXe siècle, en amenant leur riz préféré avec eux, on a continué à cuisiner avec ce type de riz pour nos vieilles recettes de soupe tout en cuisinant les casseroles avec le riz d’origine africaine. L’immigration indienne nous a initiés au riz basmati, dans les années 1990 et les chefs italiens nous ont fait connaître le riz arborio pour faire leur célèbre rizotto. Tous ces riz sont bien populaires aujourd’hui mais il ne faudrait pas oublier que notre histoire culinaire est aussi riche en recettes québécoises avec du riz que les autres cultures culinaires aujourd’hui. L’idée de mêler du riz Uncle Ben, d’origine africaine, avec du riz sauvage de chez nous, vient bien de chez nous. Les habitants de Montréal, La Prairie et Longueuil faisaient déjà cela, il y a 250 ans !

Comme Pâques approche rapidement, je vous donne quelques recettes de jambon que je complèterai la semaine prochaine avec des recettes de restes de jambon.

Et l’on se souhaite du soleil et de la chaleur pour cette fête si importante de notre histoire culturelle.

Bonne semaine !

Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec.