Parlons de la folle avoine!

La « folle avoine » est l’ancien nom du riz sauvage, aussi appelé « zizanie des marais » (zizania palustris) par les scientifiques. Cette céréale poussait, autrefois, abondamment dans les anses marécageuses des grands lacs autour de Montréal. Il faut aller, aujourd’hui, autour des grands lacs au nord de l’Ontario, du Manitoba et du Minnesota, aux États-Unis, pour en trouver de grandes quantités. C’est d’ailleurs de ces endroits qu’il provient, aujourd’hui. Ce sont des communautés d’origine algonquine et ojibwée qui le commercialisent. Autrefois, le riz sauvage était ramassé en canot par deux personnes : l’une guidait le canot dans le marais inondé pendant que l’autre faisait pencher les plants au-dessus du canot avec sa main gauche pendant qu’il ou elle frappait, avec sa pagaie droite, sur les plants pour faire tomber les grains de riz sauvage murs dans le canot. Les communautés autochtones qui le commercialisent aujourd’hui ont remplacé cette technique par des hydroglisseurs qui secouent les plants à 20 km à l’heure et qui le font tomber dans des paniers disposés au-devant de l’hydroglisseur.

Le riz sauvage était la nourriture de base des nations qui vivaient autour de ces grandes étendues marécageuses. Les coureurs des bois et les missionnaires français qui logeaient chez les Algonquins, les Outaouais et les Népissings s’en régalaient, sans hésitation, lorsqu’ils logeaient chez eux, au XVIIe siècle. C’est ainsi que le riz sauvage s’est ajouté peu à peu au menu des Français établis dans la grande région de Montréal, autour des lacs Saint-Louis, Saint-François, Deux-Montagnes et Saint-Pierre. Le riz sauvage était souvent mélangé au riz blanc d’origine asiatique qu’on importait de Chine et qui arrivait à Marseille avant d’être transporté dans les ports de Bordeaux, de la Rochelle et de Rouen d’où il partait pour la Nouvelle-France. Comme ce riz était relativement cher, les colons français le mélangeaient souvent au riz autochtone pour l’économiser. Malheureusement, l’augmentation de la population sur les rives du fleuve et des lacs montréalais a fini par faire disparaitre la folle avoine de la grande région montréalaise. Elle reste cependant encore présente autour des lacs du Nord-Ouest québécois où on la trouve, de façon sporadique. Mais elle n’est plus commercialisée. Un autre riz sauvage est cultivé sur la terre ferme, aux États-Unis, depuis les années 1950. Mais ce riz est surtout utilisé en mélange avec le riz blanc, dans les produits commerciaux vendus en épicerie. Il n’a pas la bonne réputation gustative du riz sauvage cueilli par les autochtones du Canada. C’est ce dernier que je vous recommande parce qu’il est plus authentiquement un produit patrimonial.

J’aime mettre le riz sauvage à mon menu pour deux raisons. Il appartient, d’une part, à la cuisine des fondateurs de La Prairie où j’habite, maintenant. On le ramassait abondamment dans les marécages entre Longueuil et La Prairie avant l’occupation du territoire de Brossard. La seconde raison est qu’il était la nourriture principale de l’une des ancêtres népissingues de ma femme et de mes enfants, Euphrosine Nicollet, la fille naturelle que Jean Nicollet avait eue avec une amérindienne népissingue, en 1628, et qu’il ramena à Québec, après la mort de sa mère. Jean Nicollet vécut 9 ans chez les Népissingues, du lac Nipissing, au nord de l’Ontario. C’est le père Paul Le Jeune qui a eu accès au journal de bord de Jean Nicollet et qui a pu nous parler des mœurs de ces ancêtres de ma famille. Malheureusement, on a perdu la trace de ces écrits de Nicollet. Jean Nicollet s’est réfugié chez les Hurons pendant l’occupation anglaise de 1629 à 1632. Il revint au Québec, lors du retour des Français et s’installa à Trois-Rivières, l’été 1634. En 1637, il épousa Marguerite, la fille de Guillaume Couillard et de Guillemette Hébert, fille de Louis Hébert, le premier agriculteur français de Québec. Jean Nicollet est mort, noyé, en 1642, après qu’un coup de vent eut renversé son canot, en face de Sillery. Il avait 47 ans. Sa fille Euphrosine épousait Jean Leblanc, en 1643. Elle serait l’ancêtre d’une nombreuse descendance québécoise, dont ma famille fait partie.

Je vous propose plusieurs recettes de riz sauvage, cette semaine, ramassées principalement dans le nord-ouest du Québec où vivent les Algonquins et les Cris. Cuisiner le riz sauvage, c’est manifester son appartenance à ce pays marqué par la culture d’origine algonquienne.

Bonne semaine à tous.

Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec.