Soumis par Michel Lambert le
Nous terminons les collations salées traditionnelles du Québec, cette semaine. Je vous invite à vous nourrir de ces traditions pour vos prochaines réceptions des Fêtes.
1. Commençons avec les collations de fruits de mer et de poisson.
Collation de coquillages nature
Tous les anthropologues qui sont allé étudier les mœurs des Inuit racontent que ces derniers adoraient, jusqu’à tout récemment, les moules et les palourdes qu’ils allaient ramasser sous les glaces de la grève, au début du printemps, et même en hiver. Les Québécois d’origine britannique ou française de la fin du XIXe et du début du XXe e siècle collationnaient souvent avec des huitres nature, de novembre à mars. On organisait même des parties d’huitres, en soirée, où l’on faisait en même temps, des jeux de société, de la danse ou des parties de carte ou de bridge. Les huitres étaient simplement arrosées de jus de citron, de vinaigre aux échalotes ou de sauce Worcestershire. D’autres les mettaient dans leur bière avec un peu de sel ou du jus de tomate.
Collation de fruits de mer marinés
La collation de coquillages marinés appartient surtout aux régions maritimes du Québec. On y consomme des moules, des bigorneaux et des buccins (bourgots) marinés au sel et au vinaigre. Certains remplacent le vinaigre par du jus de tomates ou des tomates qu’il faut alors stériliser. Mais ces collations sont particulièrement populaires sur la Côte-Nord.
Collation de fruits de mer fumés
Les collations de fruits de mer fumés sont plus récentes et nous viennent des autochtones du Pacifique ; je parle des huitres, des moules, des pétoncles et des crevettes. On les sert en mélange sur un plateau, piqués de cure-dents, ou sur des canapés ou des craquelins. On peut fumer soi-même les fruits de mer si on est équipé pour le faire et les congeler pour l’hiver, comme je le fais chez moi.
Collation de coquillages salés
Les collations de coquillages salés font partie aussi des anciennes provisions et collations de la Basse-Côte-Nord et de la Moyenne Côte-Nord. On se faisait des provisions de pentures de coques ou de bigorneaux au sel pour cuisiner ou manger cru avec du pain. Certains les mettaient dans le vinaigre blanc, quelques heures avant de les manger avec les tranches d’un gros oignon. Cela se mangeait en soirée.
Collation de poisson fumé
Les collations de poisson fumé appartiennent à notre longue tradition autochtone, adoptée par les Français après leur arrivée au pays, et poursuivie jusqu’à tout récemment par leurs descendants. Jacques Cartier raconte qu’on l’a accueilli avec de l’anguille fumée et du maquereau fumé, lors de ses voyages au Canada en 1534 et 1535. Le père Jean de Quen raconte la même chose avec les Kakouchaks qui l’ont accueilli sur les rives du lac Saint-Jean, le 17 juillet 1647. Plusieurs ainés m’ont dit qu’ils collationnaient avec du poisson fumé lorsqu’ils étaient jeunes, en particulier avec de la bière. Le poisson fumé et salé s’alliait bien avec la bière maison qu’on prenait, entre autres, lors des corvées d’aide à des voisins pour bâtir une grange ou faire les foins. Les poissons les plus fréquents de notre répertoire utilisés en collation sont le hareng, l’anguille, la sardine, le saumon, le capelan, la truite rouge (omble chevalier), la truite mouchetée, le maquereau, l’esturgeon, le corégone, le brochet, le touladi, la carpe, le maillé, la barbotte, la barbue et la perchaude. Le hareng, l’anguille, le saumon et l’esturgeon demeurent les poissons fumés préférés; on les sert en petits morceaux piqués d’un cure-dent, sur des canapés, des biscottes ou de la bannique déchirée en petits morceaux.
Collation de poisson cru froid ou gelé
Les collations de poisson gelé appartiennent à la tradition inuit. Quant on pêchait un gros poisson de l’océan Arctique, on l’entreposait dehors, au froid, à l’abri des chiens, et l’on allait s’en couper une tranche quand on avait faim. L’un de mes témoins m’a raconté que les hommes étaient gênés de collationner avec du poisson, comme si cette collation appartenait surtout aux femmes. L’omble de l’Arctique était le poisson gelé préféré. Aujourd’hui, on mange toujours du poisson gelé en tranches fines ou en dés avec des mélanges d’épices salées du commerce. On pourrait davantage collationner avec du poisson cru depuis que nous mangeons des sushis et du tartare de poisson.
Collation de poisson mariné
Les collations de poisson mariné appartiennent à la tradition germanique de notre répertoire. Les Francs, les Vikings, puis les Normands en étaient friands. Tout le monde connait, bien sûr, le hareng mariné dans le vinaigre avec des aromates ou des épices. Mais il faut aussi parler du maquereau, du flétan du Groenland (turbot), de l’aiguillat (chien de mer), du saumon, des éperlans, du maquereau et de la truite. Parfois on remplace le vinaigre blanc par du vinaigre de vin blanc, du vinaigre de cidre, du jus de citron, du cidre ou du vin blanc. Ce sont les légumes aromatiques qui varient d’une famille ou d’une région à l’autre. Voici quelques exemples de différentes associations : en Haute-Côte-Nord, on fait des éperlans marinés au vinaigre à l’aneth, des foies de morue marinés au vinaigre de vin blanc, du saumon mariné aux épices à marinade et des rollmops (rouleaux de hareng mariné au vinaigre sur cornichons et épices, à la manière allemande car il y a plusieurs ressortissants allemands établis, entre autres, à Baie-Comeau. Aux Iles-de-la-Madeleine, on fait des filets de maquereau marinés au jus de lime et citron, du hareng frais mariné au jus de citron, du hareng fumé mariné en pot, du hareng mariné à la crème sure ou douce. Sur la Pointe-de-Gaspé, on voit des éperlans marinés aux oignons, du hareng salé mariné à la bière et aux oignons. En Baie-des-Chaleurs, les descendants des Écossais fondateurs marinent leur hareng dans le vinaigre de malt avec des épices. Sur la Côte de Gaspé, on les marine avec du vinaigre de cidre et des grains de poivre noir. Dans le Bas-Saint-Laurent, on vinaigre le saumon avec des lamelles de gingembre. Dans Charlevoix, on marine les éperlans avec des rondelles d’oignon dans une vinaigrette à l’huile d’olive et au vinaigre blanc plutôt qu’avec du vinaigre seulement. Et j’ai aussi vu, dans Charlevoix, plusieurs personnes qui cuisent leur poisson avant de le mariner avec des légumes aromatiques et des épices.
Collation de poisson séché
Les collations de poisson séché appartiennent à toutes les traditions autochtones du Québec; on séchait le poisson sur des claies hautes, posées au-dessus d’un feu qui asséchait les poissons pendant plusieurs jours. À la différence du poisson fumé, on ne mettait pas de matière pouvant générer beaucoup de fumée sur le feu. Seule, la chaleur du feu, en combinaison avec le vent chaud de l’été et le soleil, asséchait le poisson. En Gaspésie, aux Iles-de-la-Madeleine et en Minganie, on collationnait aussi avec des petits poissons salés et séchés sur les vigneaults; c’était souvent le déjeuner des enfants qui s’en allaient à l’école, comme me l’ont raconté des ainés d’origine acadienne.
2. Poursuivons avec les collations de viande.
Collation de gibier séché
Les autochtones du Nord comme les Inuit, les Cris et les Naskapis faisaient sécher jusque dans les années 80, des lèches de caribou sur des claies, qu’ils consommaient saucés dans de l’huile de phoque, de la graisse fondue ou du beurre fondu. La mode récente est de faire des chips de gibier qu’on assaisonne avant de les faire sécher ou qu’on sèche nature, pour les tremper, comme des tortillas, dans des sauces relevées du commerce. La façon moderne de faire ces collations est de faire sécher de la viande à fondue chinoise de gibier, sur des claies que l’on suspend sur des casseroles, au four, au degré le plus bas, ou d’utiliser des séchoirs vendus à cet effet dans des commerces de chasse et pêche ou de cuisine. On peut prendre les parties les moins tendres de l’animal, pour ce faire. Les Inuits Itivimiut de la Baie d’Hudson appellent leur caribou séché nipko. Les Atikamekw parlent de kakewok ou kakewan, les Innus de lushuwgaïgan, lushwegan, newehican ou niwahikanat, selon leur village pour n’importe quel gibier séché.
Collation de gibier fumé
Le gibier fumé que les missionnaires appelaient du boucan était jadis fumé assez longtemps pour être conservé pendant des mois, même à des températures chaudes. On commençait par éliminer le plus de sang possible de l’animal avant de le tailler en lèche et de le fumer. On commençait par le « pilasser » ou piétner, pieds nus, pour l’assouplir après l’avoir suspendu après une branche d’arbre pendant quelques jours pour faire vieillir la viande, comme on fait toujours aujourd’hui. Puis on le faisait fumer en ribambelles de viande vidées de leur sang, au-dessus d’un feu où l’on mettait des copeaux de bouleau bourri ou des branches de fougères, ou des branchettes d’épinette noire ou de sapin vert pour générer beaucoup de fumée. Les commentaires des missionnaires racontent que le boucan goutait beaucoup la fumée et qu’il fallait avoir faim pour trouver cela bon. Le chasseurs québécois contemporains commencent toujours par faire mariner la viande sauvage dans une saumure bien aromatisée avant de le faire sécher puis fumer. Chacun a sa recette mais on s’entend tous pour y mettre du gros sel, un sucre quelconque comme de la mélasse, de la cassonade ou du sirop d’érable. Enfin, certains ajoutent de l’alcool comme du whiskey ou du brandy, d’autres, des épices comme des clous de girofle ou des baies de genévrier, d’autres, du thym ou des feuilles de laurier.
Collation de viande domestique fumée
Il est important de dire que, chez nous, les viandes fumées se préparaient toujours dans les intersaisons, comme en novembre et en mars. On fumait à ce moment-là, du porc, en particulier du jambon, des bajoues et des pattes de porc. Les familles britanniques fumaient aussi du bœuf trempé dans une marinade bien épicée et sucrée qu’ils appelaient du corned beef. On fumait exceptionnellement les viandes qui étaient complètement dégelées à cause d’un soudain redoux du climat, en plein hiver, pour ne pas toutes les perdre. Les principales viandes fumées, lors de ces dégels, étaient donc le porc, le bœuf, l’agneau, la dinde, le canard, l’oie et la tourte, avant sa disparition de notre territoire, au milieu du XIXe siècle. Il y avait aussi les gibiers fumés dans la plupart des familles que l’on fumait de la même façon que les viandes domestiques. En particulier de l’outarde, de l’oie blanche et du chevreuil, selon mes témoins. Ces viandes fumées étaient consommés principalement en repas ou en collation de fin de soirée, en fines tranches posées dans une assiette qu’on mangeait enroulées sur elles-mêmes autour de cornichons, avec des œufs durs dans la vinaigre, dans épis de maïs dans la vinaigre ou un petit plat de moutarde préparée. Les garçons collationnaient souvent avec de la viande fumée, au retour de leur soirée de fréquentation des filles. Ils collationnaient chez elles avant de revenir seulement lorsqu’ils étaient fiancés et faisaient désormais partie de la famille, par promesse de mariage.
Collation de gibier mariné
J’ai vu ce type de collation uniquement sur la Côte-Nord. Au temps où la chasse était moins règlementée qu’aujourd’hui, il arrivait qu’on se fasse, en Minganie, des pots de tranches d’orignal, de caribou ou de chevreuil dans le vinaigre. On le faisait en particulier avec les parties dures de l’animal que l’on faisait d’abord bouillir avec de l’oignon et des épices à marinade, puis qu’on empilait dans des pots avec le tiers de bouillon de cuisson de la viande réduit pour concentrer le gout et les 2/3 de vinaigre pur. On consommait cette viande avec la visite du temps des Fêtes. Certains faisaient la recette seulement s’il y avait un gros dégel, en plein hiver, pour ne pas perdre le gibier.
Collation de viande marinée
Nos ainés sont toujours de grands amateurs de langue de porc marinée. On fait bouillir celle-ci avec des aromates, on la coupe en cubes et on la conserve dans des pots Masson avec du vinaigre pur. Certains ajoutent de l’oignon et une feuille de laurier dans le pot. D’autres utilisent des épices à marinade; d’autres une épice favorite comme le piment de Jamaïque ou un bâton de cannelle. J’ai aussi relevé de la langue de bœuf, de la langue de mouton et de la langue d’orignal dans mon enquête, qui suit la même recette que celle du porc. Certains font d’abord mariner les langues dans de la saumure pendant 24 h avant de la cuire et de la mariner. Cela donne de la profondeur au plat. Dans nos familles, la langue de porc était une collation d’hiver, qu’on servait du Premier de l’An au Mardi Gras.
3. Terminons avec les collations végétariennes
Collations végétariennes salées
Mes lecteurs ainés se souviennent certainement de leurs collations salées, au retour de l’école. Le printemps, on collationnait avec un bâton de rhubarbe que l’on sauçait dans le sel, déposé dans une vielle tasse sans anse que nos mères gardaient pour cet usage. L’été, on faisait la même chose avec les jeunes carottes lavées grosso modo avec la ose du jardin, ou bien avec les fèves jaunes, les bâtons de céleri, les cornichons, les tomates, les radis, les choux-raves et les petits navets blancs. L’automne, on mangeait les repousses de choux qui poussaient après le tronc du plant de chou que nos mères avaient coupé auparavant. En octobre, ce sont les pommes que l’on mangeait avec de sel. Lorsque les congélateurs sont arrivés, on s’est mis à collationner, en soirée, avec des épis de maïs congelés que l’on dégelait dans l’eau bouillante et que l’on mangeait chauds avec du beurre et du sel. En hiver, les enfants adoraient se faire du maïs ou des pois secs soufflés que l’on faisait gonfler dans des poêlons noir, posés sur un feu chaud. On entendait, avec plaisir anticipé, les grains de maïs ou les pois éclater sous le couvercle. On les mangeait avec du sel ou du beurre. L’hiver était aussi la saison des arachides. On les achetait généralement au magasin général même si certains cultivateurs en plantaient dans leur jardin comme mon propre grand-père. On vidait la poche d’arachides sur le tapis ciré de la table familiale, puis tous les enfants les arrangeaient en y goutant de temps en temps. On mettait les arachides débarrassées de leur enveloppe brune dans un petit plat pour en offrir à la visite. Notre mère les réchauffait dans un poêlon avec de l’huile ou du saindoux et du sel. Les enfants s’occupaient de passer le plat d’arachides chaudes aux invités qui s’en prenait une cuillerée pour accompagner leur bière ou leur vin maison sucré. En toute saison, on collationnait aussi avec des frites maison que les adolescents se faisaient, en cours de soirée. On les saupoudrait de sel, de ketchup rouge ou de vinaigre. Dans les collations salées, il ne faut pas oublier les olives nature ou farcies, présentes au Québec depuis le XVIIe siècle, ni les noix diverses locales et importées de France qu’on mettait sur la table, en fin de repas, au XVII et XVIII e siècle, au temps de la Nouvelle-France. On les mangeait souvent saupoudrées d’un peu de sel.
Collations végétariennes marinées
Plusieurs aliments végétariens marinés étaient offerts aux invités, en collation : il y avait, bien sur, les épis de maïs dans le vinaigre. Ces derniers étaient offerts, en particulier, dans les cabanes à patates frites installées dans tous les villages du Québec. On les mangeait, saupoudrés de sel, comme les frites et les œufs durs marinés, vendus dans le même espace. Quand on n’arrivait pas à tout manger les œufs de la ferme, certains en mettaient dans le vinaigre pour l’hiver. Mais, en général, leur popularité faisait en sorte qu’on n’en avait rarement pour passer l’hiver. Les éleveurs d’oiseaux comme les cailles, les perdrix bartavelles, les pintades en mettaient aussi dans le vinaigre, dans les années 1960. On peut en trouver, aujourd’hui, dans les épiceries fines, baptisées delicatessen, à Montréal. Dans le même esprit, on y trouve des cœurs de quenouille marinés, des champignons marinés, de la salicorne marinée, toutes des plantes québécoises qui peuvent faire partie d’un assortiment de collations pouvant cohabiter avec des pâtés de gibier ou des terrines de poisson du fleuve. Enfin, cette catégorie comprend aussi le cheddar mariné.
Collations végétariennes fumées
Les fromages fumés sont des fromages à pâte ferme exposés à la fumée. On en trouve plusieurs variétés ancestrales dans les pays situées au sud-ouest de la mer Baltique, comme la Pologne, l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Le cheddar fumé est donc traversé en Amérique avec les Anglais. Et ce sont les Loyalistes des Cantons-de-l’Est qui ont perpétué la technique du fumage du cheddar au Québec. Aujourd’hui, plusieurs types de fromage fumé attirent notre attention dans les marchés d’alimentation et les boutiques spécialisées en fromage. Ils font d’excellentes collations végétariennes. Les Américains nous ont aussi fait connaitre les amandes fumées avec du bois de pacanier. L’idée des œufs fumés est aussi venue des États-Unis avec la mode du barbecue mais serait originaire des Antilles. Le gout de la fumée se retrouve, aujourd’hui, dans le pain, les sauces barbecue à base de légumes texturés comme la tomate, l’aubergine, la courge, la pomme de terre, grâce à la fumée liquide qu’on peut trouver dans le commerce et qu’on ajoute aux préparations végétariennes.
4. Ajoutons les tartinades et les trempettes qui font des collations très populaires dans les fêtes d’enfant ou les collations d’adultes, lors d’évènements sociaux ou sportifs.
Collations de trempettes
Plusieurs cuisines du monde ont inventé des sauces dans lesquelles on plonge des légumes ou différentes formes de pain. La plupart des trempettes sont faites à partir de fromage blanc de vache, de brebis ou de chèvre auxquels on ajoute de la crème fraiche ou sure ou bien du yogourt ou du lait pour les alléger et les liquéfier légèrement. Chez nous, on allège souvent les fromages blancs avec de la crème sure et de la mayonnaise. Cette recette nous vient des États-Unis qui l’ont empruntée à l’Allemagne, au début du siècle. Les fermiers américains d’origine allemande se faisaient différentes sortes de fromage blanc qu’ils tournaient en sauce pour collationner lorsque tout le monde s’entraidait pour faire les récoltes. L’idée se serait répandue dans tout les états de l’Est américain, après la 2e Guerre mondiale et jusqu’en Californie, dans les années 1960. Et ces trempettes sont passées chez nous à la fin des années 1960. Tout le monde connaît évidemment les fondues au fromage d’origine suisse qui sont arrivées chez nous avec l’immigration suisse. Se sont ajoutées, par la suite, les trempettes ethniques comme les salsas ou les trempettes à base de haricots ou de fromage du Mexique; les trempettes des pays de la mer adriatique à base de fromage de chèvre et de brebis ou de poivrons rouges comme les ajars; les trempettes du Moyen-Orient à base d’aubergines ou de pois chiches; celles de l’Indonésie à base de beurre d’arachide, d’ail et de sauce soya. Toutes ces sauces exotiques servent à tremper différentes formes de pain, de biscuits, de croustilles ou des légumes coupés en bâtonnets ou en petits morceaux. Et bien sur, les Québécois ont créé plusieurs types de sauces-trempettes à base de produits québécois et de produits du commerce, personnalisés par l’ajout de sirop d’érable, de plantes sauvages ou de fromages québécois. Je pense, ici, à la soupe aux tomates du commerce à laquelle on ajoute du vinaigre de cidre, du sirop d’érable, de la moutarde ou de l’ail, pour saucer des petites saucisses fumées du commerce ou des saucisses maison de gros gibier.
Collation de tartinades
Le terme « tartinade » n’est pas encore accepté par l’Office de la langue française mais il est couramment employé par les Québécois. C’est pourquoi je l’utilise sans problème. Il s’agit d’une préparation qui peut facilement s’étendre sur un craquelin ou un bout de pain quelconque pour collationner. On en a des sucrées et des salées. Je vous parle ici des salées seulement. Les tartinades sont à base de viande, de poisson ou de légumes. Dans les préparations de viande, c’est le gras et la gélatine naturelle de la viande qui leur permettent de s’étaler facilement sur du pain. Pensons aux cretons, à la tête fromagée et à la graisse de rôti de notre tradition française. On peut dire que ces plats traditionnels font partie de nos plus anciennes tartinades salées. Les pâtés de foie, les rillettes de porc, d’oie, de canard, de dinde font aussi partie de nos tartinades. Ce sont les Français immigrés chez nous dans les années 1960 qui les ont remis à la mode. En effet, on les faisait encore dans les régions éloignées des grands centres mais on ne les voyait plus dans les villes comme Québec et Montréal. Les tartinades de poisson comme celles au saumon ou aux fruits de mer sont plus récentes. Elles datent plus des années 1980, à ma connaissance. On a commencé par les préparer avec du saumon en conserve mélangé à du fromage blanc, de la soupe aux tomates, de la gélatine. Puis la recette s’est énormément diversifiée au fil du temps. On trouve, dans nos marchés d’alimentation, des tartinades de homard, de crevette, de crabe qu’on peut aussi faire à la maison. Enfin, les sauces trempettes végétariennes sont parfois utilisées comme tartinades de biscuits, de pain pita, de tortillas, de pain naan.
Conclusion
Ce chapitre sur nos collations salées illustre parfaitement l’évolution de notre cuisine à partir des traditions autochtones, françaises et britanniques jusqu’à la présence du monde entier sur nos tables contemporaines. Cuisiner québécois avec conscience, c’est s’assurer que sur notre table, notre identité culinaire est toujours présente. Notre nature et nos cultures se marient pour créer une cuisine unique au monde, avec des racines et des branches qui ne cessent de se multiplier au contact des autres cuisines du monde.
Michel Lmabert, historien de la cuisine familiale du Québec.
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