Soumis par Michel Lambert le
Comme annoncé la semaine dernière, je vous parle aujourd’hui des canapés.
Canapés
Le terme culinaire est mentionné pour la première fois en 1787. Le nom est une métaphore tirée de l’ameublement royal de Louis XVI, le dernier roi de France, à l’époque de la Révolution française. C’était un lit de repos sans dossier ni accotoirs, un ban-lit dirait-on en franco-québécois. C’est le cousin des croutons, des biscuits ou des tranches de pain grillées (toast). Le canapé peut être servi chaud ou froid en amuse-bouche, avant le repas officiel, ou dans un 5 à 7, avec un service d’alcool. Dans l’histoire culinaire du Québec, les canapés s’installent chez nous au début du XXe siècle, après les croutons et les beurrées de la Nouvelle-France. En effet, il y a longtemps que nous garnissons des bouts de tranche de pain de différentes choses pour casser la faim, au milieu de l’après-midi ou en soirée.
1. Canapés de fruits de mer
Les ainés cris, atikamekw et innus de la Côte-Nord se font encore des snaks d’écrevisses qu’ils mangent sur de la bannique beurrée ou en compagnie de bacon frit. Les canapés de crabe avec mayonnaise seule ou en combinaison avec du sherry canadien sont populaires dans la Baie-des-Chaleurs, le Bas-Saint-Laurent, la Côte-du-Sud et la grande région de Québec. On fait des canapés de homard en conserve et mayonnaise, ailleurs au Québec, en particulier au Témiscamingue et dans le Haut-Saint-Laurent, très éloignés de la mer. Même chose avec les crevettes en conserve auxquelles on ajoute une pincée de cheddar fort avant de les gratiner comme dans Lotbinière. Les-Iles-de-la Madeleine en font avec des moules enveloppées de bacon.
2. Canapés de poisson
Les Autochtones se font aussi des canapés avec des tranches de bannique qu’ils garnissent de poisson fumé, d’œufs de poisson. Les Cris de la Baie-James utilisent du caviar d’esturgeon jaune. Les Inuits utilisent de l’omble de l’Arctique et du cogégone fumés de même que des œufs ou de la laitance de touladi ou d’omble de l’Arctique. Les poissons qu’on met sur des canapés diffèrent d’une région à l’autre et d’une famille à l’autre. Si je fais le tour de nos régions, la Minganie fait des canapés de foies de morue en conserve qui sont délicieux. Les canapés de hareng mariné ou de sardines sont populaires dans Charlevoix et la Gaspésie, ceux de hareng fumé le sont aux Iles-de-la-Madeleine et dans le Bas-Saint-Laurent tout comme le maquereau fumé, d’ailleurs. À l’ile d’Orléans, sur la Côte-du-Sud et dans le Bas-Saint-Laurent, l’esturgeon noir fumé fait un canapé exceptionnel comme l’esturgeon jaune le fait au Témiscamingue, au Centre du Québec, à Montréal, et à Radisson, dans le Nord-Ouest du Québec. Le canapé d’anguille fumée est populaire à Kamouraska autant qu’à Saint-Jean-sur-le Richelieu. Notons enfin des canapés régionaux comme celui de touladi au Témiscouata, celui de carpe fumée avec un peu de ketchup à la rhubarbe du Haut-Saint-Laurent, celui de barbotte fumée de Pierreville, dans les iles de Sorel, avec des oignons dans le vinaigre. Terminons avec les canapés garnis d’une salade d'achigan de Verdun, à Montréal.
3. Canapés de gibier
Commençons avec les canapés issus de notre garde-manger sauvage comme ceux qu’on fait avec du loup-marin sur la Côte-Nord, aux iles de la Madeleine et au Nunavik. N’oublions pas les canapés de cuisses de grenouille au beurre à l'ail de Montréal et du Haut-Saint-Laurent, en particulier des villages riverains du lac Saint-François. Mais ce sont les terrines ou les pâtés de foie de gibier que l’on sert souvent sur des canapés en compagnie de petits cornichons sucrés. Les chasseurs québécois les font actuellement surtout avec de l’orignal ou du cerf à queue blanche (chevreuil). Ils font aussi des canapés chauds avec des rondelles de saucisse de gibier qu’on dépose sur du pain grillé tartiné de ketchup rouge ou de moutarde. Dans Charlevoix, ça fait longtemps qu’on fait des canapés de pâté de lièvre; ils faisaient partie des hors-d’oeuvre qu’on servait aux touristes américains en attendant le repas, avec un verre de porto.
4. Canapés de viande domestique
On sait que le bacon est l’une des viandes préférées de la majorité des Québécois. On le trouve souvent sur des canapés en compagnie de nos fromages, de nos champignons, comme je l’ai constaté dans la plupart de nos régions. Voici quelques exemples : De la Région de Québec, des canapés tartinés de fromage blanc à la ciboulette à l'ail, avec petits dés de tomate, bacon cuit et mozzarella, gratinés au four; de la Beauce, des canapés de pain grillé couvert d'un mélange de champignons hachés, oignon et bacon cuit au vin banc et mélangé à du gruyère et du cheddar râpé; des Cantons de l’Est, des canapés de cheddar, bacon et oignon (John Bull's). Le jambon est la seconde viande préférée suivie du pâté de foie en compagnie de petits cornichons, puis de divers pâtés de campagne qu’on fait parfois encore à la maison avec d’anciennes recettes familiales comme le pâté de lapin des Cantons-de-l’Est, le pâté de campagne aux foies de volaille, porc et veau parfumé au cognac, de Saint-Hilarion, le pâté de porc haché et de chair de petits oiseaux blancs blanchis, parfumé de thym et sarriette, originaire de la Mauricie et qui remonte au XIX e siècle.
5. Canapés végétariens
Le plus ancien canapé végétarien est certainement la beurrée de pain de ménage tapissée de rondelles d’oignon rouge. J’en ai trouvé plusieurs traces dans les régions éloignées des grands centres. En Abitibi, on tartine le pain de mayonnaise et on couvre les oignons de cheddar râpé pour les gratiner. Les seconds, en importance numérique, sont les canapés au fromage blanc qu’on recouvre de diverses garnitures végétariennes comme de miel et de feuilles de menthe, dans les Cantons-de-l’Est, de lamelles de gingembre frais sur la Rive-Sud de Montréal, de légumes en tranches (asperges, champignons, radis) ou en dés (tomate, concombre, poivron de couleur), un peu partout au Québec. On fait aussi beaucoup de canapés chauds aux champignons qu’on fait gratiner avec du cheddar ou de la mozzarelle râpée.
Je terminerai les collations salées la semaine prochaine,
D’ici là, portez-vous bien!
Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec