Les origines de la culture iroquoïenne (Première partie)

Dans mon dernier livre écrit en collaboration avec Élisabeth Cardin, L'Érable et la perdrix, publié par Cardinal, à la fin du printemps 2021, j'ai constaté que notre cuisine était un bouquet culturel, composé de plusieurs cultures culinaires qui ont marqué notre territoire, depuis plus de 14 000 ans. Je voudrais, d'ici la fin de 2021, vous raconter les origines de ces cultures de même que leur originalité. Mes données sont issues des recherches anthropologieues, archéologiques et historiques faites sur notre territoire et ailleurs dans le monde, mentionnées par des sources fiables, sur Internet. J'ai, de plus, tiré mes données de l'analyse de centaines de livres de recettes et de centaines de témoignages oraux recueillis lors de plusieurs tournées dans toutes les régions du Québec. Mes intérêts pour les cuisines du monde et mes voyages familiaux dans le monde m'ont aussi permis d'alimenter l'importance récente des cuisines du monde, sur notre territoire. Mon analyse d'ici Noël, les incluera. Je commencerai ma tournée avec la culture iroquoïenne descendante des cultures culinaires les plus anciennes de notre territoire,

En effet, la culture iroquoienne est associée, d'une part, à la forêt des feuillus du Nord-Est de l'Amérique du Nord et au réseau hydrographique du fleuve Saint-Laurent, de la région des Grands Lacs à l'Atlantique-Nord. L'eau douce et salée du Saint-Laurent occupe une place importante dans cette culture, tant au plan alimentaire, symbolique que sociologique. Voyons comment cette vie auprès du fleuve s'est construite au fil du temps.

Les fouilles archéologiques pratiquées au lac des Araignées, dans la région de Mégantic, révèlent que les paléoamérindiens campés à cet endroit, il y a 14 500 ans, savaient déjà pêcher et se déplacer sur des embarcations rudimentaires. La forme de leurs outils de pierre démontre qu'ils étaient apparentés à la culture la plus ancienne de l'Amérique du Nord, celle de Clovis. Une partie de ces gens suivit la Côte atlantique de la Nouvelle-Angleterre jusque à Terre-Neuve et au Québec, en Basse-Côte-Nord, libre de glace, à cette époque. On trouve même leur trace aux Iles-de-la-Madeleine; ce qui démontrerait qu'ils sont sans doute passé par les iles pour atteindre l'Ile d'Anticosti ou Terre-Neuve avant de prendre pied en Basse-Côte-Nord. Les descendants de ces gens furent baptisés les Archaïques maritimes ou les Maritimiens par les Archéologues. Leur civilisation originale s'exprima de 10 500 ans à 3 000 ans avant aujourd'hui. Ces gens vivaient au bord de la mer, en été, et à l'intérieur des terres, en hiver. On trouve leur trace sur les rives du golfe et de l'estuaire du Saint-Laurent de même que sur la côte du Labrador. Ils se nourrissaient principalement de morse, de phoques divers, de coquillages, d'espadon, de morue, d'ours, de castor et même de tortue. Le caribou était leur principal gibier, en hiver. La proximité de campements d'autres cultures trouvés à Tadoussac, datant d'il y a 6 000 ans, laisse croire qu'ils ont partagé des aliments et des préférences alimentaires avec les autres civilisations du Québec, celles de L'Archaïque laurentien. celle de l'Archaïque arctique et celle de l'Archaïque du Bouclier canadien. Nous étudierons ce qui définit ces cultures, les prochaines semaines. 

Lorsque les Paléoamérindiens sont entrés au Québec, il y a plus de 12 000 ans, le glacier continental recouvrait encore l'essentiel du territoire. Mais il avait commencé à fondre et à permettre à la flore et à la faune de s'installer au sud. Les premières familles qui montaient vers le nord suivaient les caribous qui se nourrissent essentiellement de lichen et des arbustes et plantes qui poussent dans la toundra, durant un très court été. Entre 12 500 ans et 11 900 ans, les environs du lac Mégantic étaient peuplés de bouleaux nains qui permirent aux premières familles de se faire du feu pour griller leur caribou ou leur omble de l'Arctique qui fréquentait les lacs de la région.

Lorsque ces gens atteinrent les rives du fleuve, ils trouvèrent un fleuve moins large que le fleuve actuel. Mais avec le réchauffement climatique et la remontée progressive du continent à cause de la diminution du poids du glacier, la largeur du fleuve se modifia à quelques repirse au cours des siècles suivants. C'est la naissance de la Plaine du Saint-Laurent, il y a 6 000 ans, de chaque côté du fleuve, qui permit aux Archaïques laurentiens-Grands Lacs de s'y installer, en provenance de la région des Grands Lacs. Le réchauffement climatique de cette époque permit l'apparition de la forêt feuillue avec son gibier spécifique et ses nombreuses plantes comestibles. Cette forêt fut rapidement envahie par les érables, les bouleaux jaunes et les tilleuls, dans le Sud-Ouest, et l'érable rouge en compagnie de sapins, dans le Nord-Est. Cette civilisation s'étabit de 6 000 à 4 000 ans, avant aujourd'hui. Les archéologues ont signalé leur présence le long du fleuve, de Québec à Montréal, de même que le long de l'Outaouais jusqu'en Abitibi, puis tout autour du lac Ontario, du lac Champlain en descendant vers la région de New York par le fleuve Hudson. Si ces gens consommaient beaucoup de gibier, au début de cette aire, comme de l'orignal, du cerf à queue blanche et du lièvre, cette consommation diminua avec l'augmentation de la présence de poissons dans les affluents du fleuve et des petits fruits, des noix, des glands et plantes comestibles, dans les érablières et les zones humides, au bord du fleuve. Les fouilles faites à la Pointe-du-Buisson, dans la région de Beauharnois, au sud-ouest de Montréal, révèlent que les aliments les plus consommés par ces habitant étaient des poissons du fleuve. La barbue représentait même 21.6% des aliments consommés, selon l'ostéothèque de l'Université de Montréal.

Les fouilles archéologiques faites à Tadoussac révèlent un rapprochement évident entre les Archaîques maritimes et les Laurentiens-Grands-Lacs. On pense donc que leurs descendants s'unirent au fil du temps. Les Maritimiens partageaient avec les Laurentiens, un grand amour des mammifèrs marins, des fuits de mer et des poissons du Saint-Laurent. Il faut dire aussi que leur territoire était de plus en plus envahi par les Archaïques du Bouclier et ceux de l'Arctique. On pense que les Maritimiens se seraient affiliés avec les gens des Maritimes et du Maine, au sud de leur territoire, et avec ceux de l'ouest, les Laurentiens-Grands-Lacs,laissant la place aux autres cultures du Bouclier Canadien et de l'Arctique. 

Il y a 3 000 ans, la céramique apparait dans la région des Grands-Lacs, en provenance du Mexique, par le fleuve Mississippi. Il y a 2 000 ans, les ancêtres des Iroquoïens du Saint-Laurent importent donc l'utilisation de ces contenants pour cueillir des petits fruits, des noix, des glands et pour faire de la cuisson de plantes sauvages, comme le chou gras ou les tubercules de sagittaire. On trouve des vestiges de ces poteries iroquoïennes de l'Outaouais à la Minganie et des Cantons de l'Est à l'Abitibi. Cette période est identifiée par le mot "Sylvicole". Entre 3 400 et 2 400 ans avant aujourd'hui, cette culture sylvicole, dite le Meadowwood, se répand des Grands lacs canadiens et américains jusqu'en Nouvelle-Angleterre, dans les Provinces maritimes, tout le long du fleuve Saint-Laurent et de Sorel jusqu'à New-York par le Richelieu, le lac Champlain et le fleuve Hudson.

À partir de l'an 1000, les habitants de ces régions sont appelés les Iroquoïens. On pense que les descendants des Laurentiens-Grands-Lacs et des Maritimiens ont été assimilés par les Iroquoiens originaires du Nord-Est des États-Unis. Ces groupes à la culture technique plus avancée que ceux du Saint-Laurent auraient imposé leur culture, lors de leur installation dans la région des Grands-Lacs, il y a 3 000 ans, jusqu'au Québec, il y a 1 500 ans. Mais il faut dire qu'ils avaient beaucoup de choses en commun, dont l'amour des aliments aquatiques et des plantes sauvages. Vers l'an 500 de notre ère, les Iroquoiens des Grands-Lacs prstiquaient l'agriculture importée du Mexique. On ajoutât le fameux maïs aux courges et aux tournesol que l'on plantait déjà. Les iroquoiens de Montréal et de Québec allaient se chercher des grains de maïs au lac Huron qu'ils ramenaient chez eux pour les consommer, lors de banquets, ou pour les enfiler dans des colliers décorartifs. Vers l'an 1 000, on planta du maïs à Montréal et dans l'Outaouais. Au XIVs siècle, le maïs était cultivé  ailleurs au Québec, jusqu'à Baie-Saint-Catherine, en face de Tadoussac, aussi bien qu'à Chicoutimi et en Beauce. Les terres glaiseuses de la plaine du Saint-Laurent sont les plus propices pour la culture du maïs et de ses soeurs, les courges et les haricots. Les jardins iroquoîens comprennent aussi des tournesols, des topinambours, des melons d'eau et même des concombres, selon Jacques-Cartier qui visita les jardins de Stadaconé (Québec) et d'Hochelaga (Montréal), en 1 535. 

Les Iroquoiens comprenaient 25 sous-groupes, au XVIe siècle, dont les Hurons-Wendat, les Iroquois Agniers du lac Camplain, les Cinq nations irouoises au sud du lac Ontario, les Wenros, les Andastes, les Ériés, les Neutres et les Pétuns, à l'ouest du lac Ontario. Quelques groupes cousins comme les Cherokees, les Nottaways, les Meherrins et les Tuscaroras habitaient plutôt la Virginie et la Caroline du Nord.

L'arrivée des Européens dans le Golfe et le fleuve Saint-Laurent, dès le XVe siècle, allait cependant créer des attentes considérables chez les peuples iroquoiens qui voulaient troquer des biens avec eux. Les guerres fratricides étaient déjà importantes entre eux de sorte que vers 1550, les Iroquoïens du Saint-Laurent ont été éradiqués de la plaine du Saint-Laurent pour désormais contrôler l'accès rapide aux Européens par le fleuve Saint-Laurent jusqu'au fleuve où les Européens venaient pêcher la morue et chasser la baleine. Ces pêcheurs troquaient facilement des outils et de la vaisselle en fer ou en cuivre qui apportaient une véritable rébvolution chez les premières nations québécoises. On ne sait pas encore qui aurait commis le génocide des Iroquoïens du Saint-Laurent. Quoi qu'il en soit, les guerres ont continué entre les alliés des Hurons-Wendat et les alliés Iroquois pour le contôle du fleuve. Certains parlent d'une autre guerre génocidaire lorsque les iroquois ont voulu éliminer les Hurons-Wendat, vers 1650. C'est la raison pour laquelle les Français invitèrent les Hurons ontariens christianisés à venir s'installer chez eux, à Québec.

Je vous donne, cette semaine, une dizaine de recettes huronnes. Cela va faire une entrée en matière pour le thème de la semaine prochaine où je vous parlerai des caractéristiques de la cuisine huronne et iroquoise.

Je vous souhaite une bonne semaine, d'ici-là.

Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec