Soumis par Michel Lambert le
Je continue, cette semaine, le tour de nos aliments préférés pendant la saison verte, en vous parlant, cette fois-ci, des oiseaux et des plantes qui vivent dans nos garde-manger maritimes et forestiers. Je souligne en noir ceux qui ont fait le menu de nos ancêtres.
Parlons d’abord des oiseaux que nous avons mis sur nos tables jusque dans les années 1950 : les goélands, les courlis, les bécasseaux, les kakawis, les macreuses, les eiders plus connus sous le nom de moyac et les œufs d’oiseaux de mer qui s’ajoutaient au menu de certaines familles de la Gaspésie et de la Côte-Nord. Plusieurs chasseurs des régions forestières et de la plaine du Saint-Laurent, en particulier autour des élargissements du fleuve, aimaient particulièrement la sauvagine ou le gibier d’eau. On en faisait justement des gibelottes avec les légumes du jardin. Le canard noir, le colvert et le branchu, étaient les plus appréciés des cuisiniers. La gélinotte ou le tétras, plus souvent appelés la perdrix grise et la perdrix de savanes, de même que le lièvre étaient permis de chasse en été, autrefois, et les gens ne se gênaient pas pour les cuisiner tout comme ils le faisaient avec beaucoup de petits oiseaux sauvages, en particulier les tourtes qui appartenaient à la grande famille des pigeons et qui sont disparus au début du XX e siècle. Jusque dans les années 1950, il y a des familles qui cuisinaient toujours les petits oiseaux, en particulier ceux qui s’attaquaient à leurs champs de blé comme les carouges et les quiscales appelés plus souvent des étourneaux. Au XVIIe siècle, on cuisinait beaucoup les merles, les grives, aujourd’hui protégés par les lois de la chasse. Même chose pour le gros gibier qu’on pouvait abattre n’importe quand. Mais la principale saison de chasse était l’hiver quand les neiges sont hautes. Aujourd’hui, la saison de chasse au gros gibier a lieu, selon le terrain ouvert à la chasse, du mois de septembre au mois d’octobre, donc à la fin de la saison verte. C’est le wapiti, appelé la vache sauvage par nos ancêtres français, qui était le plus souvent chassé en été. On poussait le troupeau vers l’eau, puis on allait en abattre quelques-uns facilement en les tenant par l’oreille, pendant qu’ils nageaient. Cette chasse se faisait à plusieurs qui se partageaient ensuite le butin. On peut se procurer du wapiti facilement au Québec, maintenant qu’il est disparu de notre territoire; on le considère comme un animal d’élevage domestique.
Mais on peut dire que ce sont les plantes qui donnaient le plus d’aliments à la cuisine de la saison verte. Parlons d’abord des abords maritimes. Certaines algues comme la laitue de mer, la main-de-mer, la mousse d’Irlande étaient utilisées par certaines familles de la Baie-des-Chaleurs. Enfin, on ramassait certaines herbes sur les grèves pour faire de la soupe ou des salades : la livèche écossaise, le plantain maritime, le pourpier de mer, l’arroche astée cousine du chou-gras, la salicorne appelée passe-pierre ou perce-pierre, sont les plus connues. Les baies de genévrier, les camarines, les airelles vignes-d’Ida appelées de divers noms, selon les régions, comme les pommes des prés aux Iles-de-la-Madeleine, les baies de perdrix en Basse-Côte-Nord, les graines rouges ou les lingones, au Saguenay, sont les petits fruits que l’on cueillait le plus souvent sur les rochers, en bordure de la mer.
Les nombreux petits fruits forestiers avaient chacun leur saison et les enfants les connaissaient bien puisque les parents les chargeaient des provisions de fruits pour l’hiver. On en mangeait beaucoup en dessert et au déjeuner tout l’été, mais on en conservait aussi beaucoup pour l’hiver, séchés ou en confitures, en gelées, et à partir de la fin du XIXe siècle, en conserve. Citons les plus courants : les petites fraises des champs ou des bois, les catherinettes, les framboises rouges ou noires, les gadelles, les groseilles sauvages, les gadelles, les merises, les mures, les cerises à grappe, les bleuets, les chicoutés, les atocas, les baies d’amélanchier plus connues sous le nom de petites poires, les noisettes, les noix cendrées, les cerises des sables, les baies de sureau blanc, les prunes sauvages, les cenelles, etc.
Les herbes sauvages comestibles sont très nombreuses. On les a beaucoup consommés au début de la colonie, particulièrement lorsqu’on attendait les bateaux qui venaient réapprovisionner la colonie, au début de l’été. Mais les tempêtes, les pirates retardaient assez souvent l’arrivée des aliments et des boissons auxquels on était habitué. On devait se tourner alors vers la cuisine autochtone et les aliments locaux pour survivre. Les autochtones ne consommaient jamais d’herbes comme aliment sinon en cas de disette; ils les associaient à la maladie et aux remèdes que les chamans leur prescrivaient. Les noix, les petits fruits sauvages, les racines comme les topinambours et les patates-en-chapelet leur étaient familiers. Ils ne consommaient pas plus de champignons, les réservant aux morts en voyage vers l’au-delà qui devaient s’en nourrir. Les Français avaient recours d’une part, à certaines plantes sauvages qu’ils avaient accidentellement apportées dans leurs graines de foin ou de céréales, et d’autre part, aux plantes connues par les autochtones du Québec, comme plantes comestibles de dépannage. Les pissenlits, le chou-gras, le pourpier potager, le laiteron des champs, le panais sauvage, la carotte sauvage, la folle avoine aussi appelée le riz sauvage, le lis du Canada et certaines plantes aromatiques comme le tabouret des champs, la silène enflée, la petite oseille, l’ail des bois, l’ail doux, de même que certaines plantes aromatiques comme la menthe, le gingembre sauvage, le carcajou, la moutarde sauvage, la rhubarbe sauvage (oxyrie de montagne) et le carvi sauvage étaient les plantes les plus ramassées.
Cette énumération des aliments marqueurs de nos deux garde-manger naturels a suscité plusieurs types de plat dont je vous parlerai dans le prochain blogue.
Bonne semaine à tous!
Michel Lambert