Soumis par Michel Lambert le
L'actualité politique mondiale, en particulier depuis l'arrivée du président Trump, remet en question la définition de la vérité et des faits. Appliquons le questionnement à notre sujet préféré, la cuisine. Y a-t-il une vraie et une fausse cuisine québécoise? Aux dires de certains, notre site n'est pas de la vraie cuisine québécoise parce que ce n'est pas celle qu'ils connaissent dans leur milieu familial. Y a-t-il une vraie et une fausse tourtière? Un vrai et un faux pâté chinois? Une vraie et une fausse poutine? Un vrai et un faux rôti de boeuf? J'entends régulièrement ces expressions depuis que je travaille sur la cuisine familiale au Québec. Force est de constater qu'on considère comme vrai, ce que l'on connait. De là à prétendre que la vérité tient à notre expérience propre, non à une vérité objective des faits, il n'y a qu'un pas.
Il y a 3 moments dans ma vie qui m'ont amené à réfléchir sur le concept de vrai, du beau et du bon. Quand j'avais 15 ans, j'étais un fan de Saint-Exupéry, en particulier de Terre des Hommes. Dans ce livre profond, l'auteur réfléchit sur ce concept en comparant la culture arabe qu'il survole avec son avion et celle de France d'où il est originaire. Il constate que l'humain du désert marocain, avec sa culture, ses croyances en Allah, est aussi un homme beau, bon et vrai. Et il en conclut que la vérité tient aux fruits d'un arbre. Si la culture et le terreau dans lequel pousse un arbre lui permet de donner de magnifiques fruits, c'est que ce terreau est la vérité de cet arbre. Mais on ne peut appliquer cette vérité à tous les arbres. Ce qui est bon pour un oranger, ne l'est pas pour un pommier, et j'ajouterais pour un sapin ou un noyer. Lorsque je traversai en France pour étudier la philosophie, cette réflexion s'est accentuée chez moi, vivant désormais dans un autre terreau. Je n'ai pas eu le choix de relativiser certaines croyances.
Le deuxième moment de réflexion sur la question m'est venu lors d'un cours en esthétique littéraire, à l'Université de Montréal. M. Thesseydre, si ma mémoire ne me trompe pas, disait que la beauté, la vérité et le bien universel n'existent pas. Chacun de ces concepts n'est pas relatif, mais relationnel; c.-à-d. que ces concepts sont en relation avec une époque, un lieu et une culture. Même la science est soumise à cette constatarion. La vérité scientifique d'un Newton ou d'un Eistein ne sont pas les mêmes.
Enfin, il y a moins de 2 ans, je lisais Sapiens et Homo deus de Yuval Noah Harari. Cet auteur juif de réputation et d'influence mondiale nous fait une brève histoire de l'humanité et de ses nombreuses cultures au cours des âges. En résumé, il nous démontre qu'il y a une énorme différence entre la vraie réalité et ce que nous croyons qu'elle est. La vérité de l'homme et du monde est en continuelle remise en question par les découvertes scientifiques qu'on en fait. Ce qui cause une insécurité incroyable pour l'espèce humaine qui a toujours senti le besoin de se sécuriser en inventant des religions, des philosophies, des soi-disant vérités pour maintenir l'ordre dans sa vie et dans son village.
Ces 3 réflexions m'amènent à mieux comprendre le phénomène des sectes, des activistes de gauche ou de droite, des modes culinaires, des fake-news lancées par les média sociaux pour se comforter dans leurs système de croyance. Ce phénomène humain révèle une peur de l'autre, de ce que l'on ne connait pas, de ce qui ne correspond pas à notre expérience personnelle et collective. Le phénomène actuel du corona virus vient encore plus renforcer cette peur de l'autre, de la mort éventuelle qu'il peut nous donner. Certains d'entre nous aiment mieux croire leurs congénaires ou leurs voisins que les représentants de la science de la santé, dans le monde. Mais encore là, même la science est incertaine, n'est-ce-pas Denis?
" Ma conception de la vérité est un peu différente de la tienne. J’ai tendance à voir les choses ainsi : il y a ce qui est (le vrai, la vérité) et ce qu’on arrive à en percevoir. Or le monde est si mystérieux et si riche que nous n’arrivons pas à en saisir la vérité. Nous n’en avons peut-être pas la capacité. Tout ce que nous pouvons faire c’est de s’en approcher peu à peu avec rigueur et persévérance. C’est le fait de la science et de toutes les connaissances.
Nous avons beaucoup d’arrogance lorsque nous croyons détenir la vérité. Le scientisme par exemple, cette vénération religieuse de la science, est le fait de gens qui n’ont pas été jusqu’au bout de la démarche scientifique. Ce n’est pas de la faute à la science si des gens imaginent savoir. C’est plutôt une ignorance de plus.
La vérité est que la vérité est inépuisable.Vers la fin de sa vie, Einstein exprimait ainsi son sentiment après une existence consacrée à la recherche sur l’univers. De mémoire : « Je n’aurai été qu’un enfant sur une grande plage, ramassant ici et là un caillou plus joli que les autres, alors que devant moi s’étendait un océan d’inconnu. »
Je suis d'accord avec toi, Denis. Il vaut mieux rester humble dans notre recherche du Vrai.
Et il faut mieux comprendre ceux qui sont inconfortables avec le Vrai.
Denis Fortin et Michel Lambert.