Soumis par Michel Lambert le
Après avoir parlé des boissons alcoolisées dans notre cuisine, passons aux boissons non alcoolisées, comme le thé, le café, les jus, les boissons gaseuses, etc. Je reprends ici des textes sur le thé que j'ai déjà produits sur ce site web.
Le thé est la boisson la plus consommée de la planète, après l’eau. Toutes les sortes de thé que nous connaissons sont issues du même arbuste, le théier. Cet arbuste est originaire des provinces du Sichuan et du Hunan, au centre de la Chine. Il pousse toujours de façon sauvage sur les montagnes le long du fleuve Yangtse. Selon la légende, on aurait commencé à l’infuser, il y a 2 700 ans avant notre ère. Les archéologues chinois ont découvert des petits bols à thé datant de plus de 2 250 ans. Mais les textes chinois révèlent que le thé est devenu la boisson nationale de la Chine, sous la dynastie des Tang, entre 618 et 907 de notre ère. C’est à ce moment qu’on aurait commencé à le cultiver et à le répandre ailleurs, en Asie. Ce sont des marins néerlandais qui ont été les premiers importateurs de cette boisson en Europe, en 1610, deux ans après la fondation de Québec. Ce sont donc eux qui ont répandu le mot thé ou tea, d’origine minnan, en Malaisie, car c’est là qu’ils l’ont découvert. En Chine, on l’appelle shà. Ces 2 noms sont utilisés par toutes les langues du monde pour parler de cette boisson. On signale la présence du thé en France, en 1635 ou 1636. Il était donc aussi présent en Nouvelle-France, mais très rare parce que beaucoup plus cher que le café.
Ce sont les Britanniques qui répandirent son usage quotidien, dans toutes les régions du Québec, y compris au Nunavik. Ils l’avaient reçu des Hollandais, en 1657, et ont commencé à l’importer de l’Inde, puis du Sri Lanka, en 1669. En 1720, ils l’importaient aussi de la Chine. À cette époque, seuls les riches pouvaient se payer une tasse de thé. Pehr Kalm, le célèbre observateur de la Nouvelle-France en 1749, dit qu’il n’a jamais vu une tasse de thé, au Québec. Pourtant, le voyageur français Franquet mentionne, en 1752, que le thé est très courant à Québec. Qui croire? Quoi qu’il en soit, après la Conquête britannique, le thé a fini par remplacer le café comme boisson quotidienne. Les plantations dirigées par les Anglais en Inde et au Sri Lanka firent baisser les prix considérablement et le thé devint accessible à tous, à la fin du XVIII e siècle. Au XIX et XXe siècle, on en buvait même dans les camps de bûcherons car il était moins cher que le café.
Aujourd’hui, au Québec, on ne boit jamais de thé le matin, comme on le fait désormais en France, mais plutôt lors du diner, du souper ou en collation, en après-midi. Au XIXe et au début du XXe siècle, le thé était si populaire au Québec qu'on en buvait toute la journée. Certains fabriquants de poêle à bois ont même pensé aménager une tablette spéciale pour la théière afin de garder le thé à la bonne température, pendant toute la journée. C'est la raison pour laquelle on se mit à remplacer l'eau chaude par du thé pour faire une sauce brune d'accompagnement des abats, des saucisses, des steaks et même de la truite mouchetée qu'on faisait rôtir dans le poêlon. On saupoudrait le gras de cuisson de farine, puis on versait du thé pour faire la sauce vite faite. Certains ajoutaient des herbes salées ou du vinaigre à cette sauce, d'autres, une cuillerée de sucre d'érable. Forts de cette tradition de nos grands-mères, certains chefs l'utilisent de façon créative pour faire leurs sauces salées ou sucrées. On travaille de plus en plus avec des thés aux mille saveurs qui viennent de partout en Asie. Depuis les années 2 000, le thé fait de plus en plus partie des boissons rafraîchissantes, en compagnie de lime ou de citron. L'industrie alimentaire en offre plusieurs variétés en conserve ou en bouteille.
J'invite enfin les amateurs de plantes sauvages à faire des provosions de thé local, qu'on appelait du thé canadien, au XIXe siècle, et qui est plus connu sous le nom de spirée à larges feuilles. Ses feuilles donnent un thé pâle à saveur astringente. Il y a, bien sûr, le thé des bois et le thé du Labrador auxquels les Autochtones ont initié les Français.
Je vous souhaite de belles découvertes dans nos maisons de thé de plus en plus présentes dans les villes québécoises.Elles cachent des trésors de subtilité.
Bonne semaine à tous!
Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec