Le porc est en vedette cette semaine !

Le porc est certainement l’un des principaux aliments de notre héritage culinaire. J’aimerais, cette semaine, vous rappeler son histoire dans le monde et chez nous.

Disons d’abord qu’il est si important dans notre culture qu’il y a plusieurs noms pour le nommer. Le mot porc est la viande du cochon que l’on consomme. Et si ce cochon est un mâle reproducteur, on l’appelle un verrat ; si c’est une femelle reproductrice, c’est une truie. Leurs petits sont appelés des cochonnets ou des porcelets, si on les consomme. Le porcelet non encore sevré s’appelle un cochon de lait. Un cochon adolescent s’appelle un goret ou un nourrin et une femelle qui se prépare à procréer s’appelle une cochette. Le cochon n’est pas le descendant du sanglier comme plusieurs le pensent ; il a 2 chromosomes de plus que le sanglier ; c’est donc un cousin éloigné du sanglier.

L’ancêtre du cochon est originaire de l’Asie Centrale. Il aurait simplement migré vers l’Asie, l’Europe et l’Afrique par la suite. Certains pensent que les grandes migrations des peuples indo-européens vers l’Ouest seraient simplement la conséquence de l’expansion des porcs vers ces territoires. Le porc était leur aliment préféré et ces peuples suivaient simplement son expansion. Il faut dire, de plus, que le porc est un animal extrêmement prolifique et qu’il est rentable pour l’être humain. L’animal se nourrissait lui-même de tout ce qu’il pouvait trouver par terre sur sa route, comme les glands de chêne, les fruits tombés par terre, les châtaignes, les vers de terre, les escargots, les insectes, etc. C’est un animal qui vivait en groupe pour mieux se protéger de ses ennemis. L’homme l’attirait en lui donnant ses restes de table. C’est ainsi que sa domestication aurait commencé, il y a environ 8 500 ans, principalement en Europe centrale, en Europe du Sud, en Asie du Sud-Est et en Inde. Désormais protégé par l’homme, le porc s’est modifié au fil du temps. Ses dents se sont raccourcies car il n’en avait plus besoin, comme le sanglier qui en a encore besoin. Sa peau a blanchi et ses poils se sont raccourcis lorsque l’homme l’a enfermé dans des porcheries pour le mettre à l’abri des grands froids et de ses ennemis.

Nos ancêtres celtes avaient un grand amour de cet animal qu’ils considéraient comme un exemple et un modèle ; ils aimaient sa faculté d’adaptation, son intelligence, son amour familial et sa grande reproduction. Ce sont leurs guides religieux, les druides, qui donnaient tout un sens profond à l’élevage et à la consommation du porc. Ces religieux habitaient les forêts de chêne où courait le gui qui symbolisait l’immortalité pour eux. Il était cueilli le sixième jour après le premier de l’An celtique, le 1er novembre. À cette occasion, on tuait le porc qu’on consommait en entier pour ne pas déplaire à l’esprit de l’animal qui s’était sacrifié pour l’homme. La boucherie du porc se faisait à l’approche du solstice hivernal, où le soleil reviendrait renouveler la nature après les nuits les plus longues de l’année. Le porc était donc associé au retour de la lumière du soleil, mais aussi à tout ce que la lumière symbolise pour l’être humain, soit la sécurité, la clarté de la vision, la capacité de saisir la réalité, l’intelligence des choses et le bonheur qui s’en suit. Les Celtes mangeaient toujours religieusement la tête du porc qui trônait au milieu de leur festin, pour s’approprier l’esprit et l’intelligence du dieu-porc. Les Celtes établis en France créèrent toutes sortes de charcuteries et de plats pour célébrer l’animal dont on ne voulait rien perdre. Nous avons hérité de leur bagage culturel sans souvent comprendre le sens de tous ces plats celtes comme la tête fromagée, les cretons, le boudin, les saucisses, le lard salé, la graisse de panne, la graisse de rôti. Tous ces plats étaient une façon de respecter le dieu porc pour bénéficier de ses largesses et devenir prolifique, débrouillard et intelligent comme lui.

Au Québec, la boucherie du porc se faisait au début décembre lorsque le gel permettait de conserver la viande jusqu’au Premier de l’An. Les charcuteries étaient faites avant Noël pour pouvoir célébrer le retour de la lumière avec abondance et générosité. C’est l’Église catholique qui a modifié le calendrier celtique en déplaçant le premier de l’an à différents moments. Le calendrier actuel date du pape Grégoire XIII, adopté par les états catholiques européens, le 15 octobre 1582. Mais ce n’est qu’au début du XXe siècle qu’il a été adopté par tous les pays du monde pour des raisons civiles de commerce. Au temps de la république romaine, le premier de l’An était le 15 mars. C’est César qui imposa le calendrier julien, en 45 avant J.C. Le premier de l’An passa alors du 15 mars au 1er janvier.

J’ai ajouté à ce thème vedette, d’autres recettes consacrées à un aliment, le bourgot ou buccin, et à un type de plat, la soupe de viande aux pâtes alimentaires et/ou aux légumes. Je ferai désormais la même chose au cours de l’année 2018 afin de passer à travers ma liste de tous les types de plats préparés au Québec et celle de nos principaux aliments consommés depuis le début de notre existence, il y a 12 000 ans.

Je vous souhaite de bons préparatifs de Noël.

Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec