Soumis par Michel Lambert le
Comme annoncé, il y a 3 semaines, je vous parle des céréales de première génération, dans l’histoire de notre culture culinaire : l’orge, le seigle, l’avoine et le sarrasin. Je vous avais parlé, en février, des 4 aliments glucidiques fondateurs de notre culture culinaire : le riz sauvage, le maïs-céréale, le blé et la pomme de terre. Chacun de ces aliments était l’aliment préféré d’une ethnie fondatrice qui l’a partagé, ensuite, avec les autres ethnies qui se sont installées dans le territoire québécois.
L’avoine a été apportée par les Français, dès le début de la colonie. Sous le Régime français, de 1608 à 1760, l’avoine représentait 7.5 % des semis de nos ancêtres. Pierre Boucher, écrivait, en 1664, que l’avoine venait bien au Québec. L’avoine était consommée lorsqu’on n’avait plus de blé et lorsqu’on était malade. Curieusement, sans connaitre scientifiquement les bienfaits de l’avoine, on constatait qu’elle était bénéfique pour les femmes qui relevaient d’un accouchement, les enfants et les vieillards. Pierre-Esprit Radisson en amenait aux Cris de la Baie James, en 1682-1683. Il échangeait des tonneaux d’avoine contre des fourrures. L’avoine était très estimée des nations autochtones du Québec.
Au XVIIIe siècle, on sema plus d’avoine qu’avant parce que les chevaux l’adoraient ; beaucoup de gens en semaient sans jamais en manger, sinon en temps de pénurie de blé. On la préparait alors en bouillie qu’on appelait déjà de la soupane ou en crêpes épaisses, comme on en faisait dans le Nord-Ouest de la France. On faisait aussi des galettes d’avoine un peu sèches qu’on trempait dans la soupe pour les ramollir. Les archives de la Côte-du-Sud racontent qu’en 1737-1738, les gens de la région ont dû manger des mets d’avoine et de maïs céréale avec les poissons du fleuve, pendant tout l’hiver, car ils n’avaient plus de viande domestique ni de blé, à cause des intempéries incroyables, cette année-là.
Lorsque les Écossais et les Anglais se sont établis massivement au Québec, après 1812, l’avoine prit plus de place dans l’alimentation québécoise. Le porridge d’avoine était beaucoup consommé par eux, le matin. Les colons écossais originaires de Lewis, en Écosse, établis dans les Cantons de l’Est, ne consommaient que de l’avoine et des pommes de terre, à leur arrivée. Ils firent, d’office, la promotion de l’avoine auprès de leurs voisins francophones.
En 1839, la Gazette de Québec en faisait la promotion. Les statistiques agricoles de l’époque démontrent clairement que l’avoine prit du gallon dans nos habitudes culinaires. La municipalité de Varennes, en Montérégie, récoltait 31 000 minots d’avoine en 1831, 72 566 en 1851, 114 810 en 1881 et 123 615 en 1910. Il faut cependant dire que l’avoine servait aussi à nourrir tous les animaux de la ferme et non plus que les chevaux, comme au XVIIIe siècle.
Des témoignages recueillis à Drummundville démontrent qu’on cuisinait l’avoine de façon beaucoup plus variée qu’avant, à la fin du XIXe siècle ; en plus des crêpes et des galettes françaises, on faisait déjà des gâteaux et des croustades avec de l’avoine roulée (flocons d’avoine). C'est l'arrivée des flocons d'avoine vendus sous l'étiquette Quaker qui favoris encore plus la consommation de l'avoine dans les villes, les chantiers, les hôpitaux, les pensionnats et les cafétérias industrielles.
L’avoine a pris encore plus de place dans notre alimentation dans les années 1990, lorsqu’on lui découvrit scientifiquement de nombreux avantages pour lutter contre les grandes maladies de notre époque, le diabète et les malaises cardiaques. On trouve donc, aujourd’hui de l’avoine sous plusieurs formes, en farine, en son, en flocons divers, et même en grains nus qu’on cuisine comme du riz, depuis les années 2 010. Mon site vous donnera plusieurs recettes d’avoine, en plus de celles que je vous propose aujourd’hui. L’avoine fait vraiment partie de notre histoire culinaire et mérite plus de place dans notre alimentation hebdomadaire.
Bonne semaine à tous !
Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec