L'art culinaire révèle aussi notre vision du monde et nos problématiques.

J’ai visité, cette semaine, le nouveau pavillon Lassonde du Musée national des Beaux-Arts du Québec. Le dernier étage consacre une salle aux objets du quotidien que nos artistes ont créés depuis la Révolution tranquille jusqu’aux années 2 000. Je me suis attardé, entre autres, à la vaisselle et aux objets de cuisine pour essayer de déceler notre vision du monde à travers les formes favorisées. Cela m’a ramené aux objets de notre patrimoine autochtone et européen des siècles précédents.

Je réfléchissais, entre autre, sur le choix du bouleau par la grande famille algonquienne pour faire ses maisons, ses moyens de transport, sa vaisselle et ses moyens de conservation. Le bouleau est un arbre blanc dont l’intérieur a la couleur de la peau humaine. Il est à la fois souple et solide, durable et imperméable. Son écorce démarre rapidement un feu et son bois donne une chaleur qui dure. Les qualités physiques recherchées dans l’arbre par l’autochtone de langue algonquienne sont aussi les symboles des qualités mentales recherchées par la société algonquienne : souplesse adaptative, durabilité, imperméabilité aux difficultés qui tombent sur eux, un esprit facile à allumer et un cœur qui peut bruler longtemps comme le bouleau. Mais ce qui me frappe le plus, c’est le caractère nordique du blanc qui rappelle en permanence la présence de la neige, de la nordicité du pays. Tous ces caractères révèlent l’identité algonquienne qui a marqué la culture québécoise dans son ensemble.

La seconde réflexion que je me faisais est l’importance de la forme triangulaire dans le paysage culturel des nations algonquiennes. Le sapin est le second arbre choisi par eux pour se faire un lit, pour fumer leurs aliments, pour se faire un feu rapide et chaud. Il a une forme pyramidale proche de celle des abris, des arcs de chasse, des pointes de flèches ou de lances pour attraper les animaux qui permettent de survivre. La pointe de flèche portée en bijou dans le cou des hommes, en particulier, a pour fonction de toujours se brancher sur l’énergie de notre mère la terre, comme me l’a déjà expliqué un maitre spirituel autochtone. La base du triangle se colle à la terre, prend son énergie pour s’élever vers l’Ailleurs, vers l’Espace, le Sidéral. La terre nourricière permet à l’homme de s’éveiller à la lumière, à la connaissance, au monde de l’esprit. Et l’esprit se tourne vers la terre, en triangle inversé, comme le bijou, pour ne jamais oublier qu’il est issu de la mère Terre.

La vaisselle algonquienne, faite d’écorce de bouleau, liée par des racines de conifères, étanchée par de la gomme de sapin, décorée par des formes stylisées de plantes ou d’animaux sauvages, témoigne parfaitement des choix culturels expliqués plus haut. La vaisselle algonquienne n’est jamais posée sur un feu comme les autres vaisselles de notre pays; elle cuit les aliments dans de l’eau réchauffée par des pierres brulantes déposées dans l’eau à l’aide de bâtons fourchus. Les morceaux de gibier ou de poisson sont cuits à l’intérieur de 30 min. de cuisson; ce qui donne une cuisson parfaite, au gout des autochtones qui rappelle le gout actuel de la plupart des grands chefs cuisiniers : viande ou poisson pas trop cuit, pour garder le gout initial et frais de l’aliment.On ne veut pas perdre l'essentiel de l'aliment, son odeur et son gout particulier, son tel quel.On recherche le vrai, l'authentique.

En résumé, la vaisselle algonquienne qui remonte, sans doute, au temps des Archaïques du Bouclier Canadien illustre une vision du monde dictée par l’environnement boréal qui exige de la souplesse, de l’endurance, de l’adaptabilité dans un pays qui alterne entre le Blanc et le Vert! Elle permet de continuer la Vie humaine sans trahir la terre nourricière.La nature environnante donne tout ce qu'il faut à l'homme pour vivre à la condition qu'il n'en abuse pas, qu'il ne la trafique pas.

Je vous parlerai des choix culturels des autres fondateurs de notre cuisine, une prochaine fois. On découvrira ainsi la grande richesse culturelle de notre patrimoine culinaire.

Bonne semaine à tous!

Michel Lambert

 

 

 

 

 

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