La culture culinaire française. Partie 2

La semaine dernière, nous avons vu les origines lointaines de la cuisine française avec le résumé des cultures anatolienne, celtique, romaine et germanique. On peut dire que la France actuelle est issue de tous ces peuples, dirigés du Ve au XVIIIe siècle, par trois dynasties d'origine franque :

1) La mérovingienne fondée par Clovis qui régna du Ve au VIIIe siècle sur une grande partie de la France et de la Belgique actuelle, sur une partie de l'Allemagne, de la Suisse et des Pays-Bas actuels.

2) La carolingienne fondée par Charles Martel, grand-père de Charlemagne, qui régna de 741 à 987, sur un empire qui s'étendait sur toute la France actuelle, la Catalogne, de même que sur toute l'Allemagne et le nord de l'Italie. Cet empire s'écroula à cause de nombreuses chicanes familiales et de l'invasion de l'empire par les Vikings et les Arabes musulmans.

3) la capétienne fondée par Hugues Capet en 987 dont les descendants ont régné sur la France jusqu'à la Révolution française, en 1789, mais aussi sur l'Italie, l'Espagne, la Hongrie, la Pologne, le Luxembourg, Constantinople, le Portugal et le Brésil. Le roi actuel d'Espagne, Philippe VI, est un Capétien.

 C'est sous le règne de François Premier, un capétien de la Renaissance française, que Jacques Cartier a fait ses voyages au Canada, tentant d'y établir une première colonie française, en 1541. Mais c'est sous le règne de Henri IV que Champlain fonda Québec, en 1608, deux ans avant l'assassinat du roi. L'installation de nos ancêtres français dans la plaine du Saint-Laurent s'est principalement faite sous les règnes de Louis XIII (1601-1643) et de Louis XIV (1638-1715). Les contacts que ces cours royales avaient avec le monde d'alors enrichirent la cuisine française et par l'effet même, la cuisine québécoise. L'amour du chocolat chaud, par exemple, nous est venue de Marie-Thérèse d'Autriche, d'origine espagnole, femme de Louis XIII et mère de Louis XIV. On se rappellera que le chocolat est originaire du Mexique d'où les Espagnols l'ont importé. Les petits pois, plus connus sous l'appellation de "pois verts" au Québec, et le chou-fleur nous sont venus de la cour de Louis XIV qui les adorait. Ils avaient été apportés en France par les cuisiniers de Catherine de Médicis, son ancêtre italienne. Ainsi, au XVIIe siècle, la cuisine française était une cuisine métissée venue de partout dans le monde.

Ce sont les coureurs des bois, les religieuses et les missionnaires qui initièrent les premiers peuples du Québec aux aliments français, comme eux-mêmes furent initiés par eux, aux cuisines autochtones. Le métissage se fit dès les années 1630. Les autochtones connurent alors l'importance de la farine de blé et de l'alcool, pour les Français, de même que les légumineuses, les légumes verts, les produits laitiers, le sel, les épices, les herbes, le vinaigre, les agrumes, les confiseries. Les autochtones initièrent les Français à leurs poissons, leurs gibiers, leurs produits agricoles comme les maîs, les courges ou citrouilles, les gros haricots, les tournesols, les topinambours, les patates-en-chapelet, etc. Au fil du temps, chacun intégra progressivement la cuisine de l'autre.

Ainsi, l'enrichissement de la cuisine québécoise par la France s'est faite en 4 temps: à l'époque des fondateurs du XVIIe, on a connu la vraie cuisine  des campagnes du Nord-Ouest français et de la grande région parisienne, héritières des cuisines anatolienne, celtique, romaine, franque et viking. Dans la première moitié du XVIIIe siècle, on a ajouté plein d'aliments du monde sur nos tables comme les haricots jaunes ou verts, les poivrons ou les piments. Enfin, à partir du XIXe siècle, on a été influencé par la cuisine française des chefs cuisiniers, dont celle de Carême et d'Escoffier. Se sont ajoutées au XXe siècle, les autres cuisines des pays ou régions de langue française comme celles de la Belgique, la Suisse, l'Acadie, la Louisiane, Haïti, la Martinique, l'Afrique du Nord et l'Afrique de l'Ouest. Internet nous permet, au XXIe siècle, d'ajouter les iles de langue française de l'Océanie et de l'océan Indien comme la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie ou Madagascar, l'île Maurice, les Comores, la Réunion ou les Seychelles. Ces régions colonisées par la France ont une cuisine locale marquée par la culture culinaire française.

Tout cela démontre que la cuisine et le "manger ensemble" sont les meilleurs moyens de rapprocher les gens. 

Nous parlerons, la semaine prochaine, des cuisines britanniques installées chez-nous, après 1760.

Je vous souhaite, d'ici là, une belle fête d'Action de Grâces, en insistant sur le mot ACTION!

Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec