Soumis par Michel Lambert le
Les États-Unis sont occupés par l'Homo Sapiens depuis au moins 20 000 ans, sinon depuis 40 000 ans, selon de récentes découvertes archéologiques. Le pays héberge plus de 330 millions de personnes qui parlent majoritairement l'anglais. On peut partager les États-Unis en 5 grandes régions culnaires. Nous allons les étudier en 2 temps.
Cette semaine, nous parlerons des régions de l'est du pays parce qu'elles sont les plus anciennes fréquentées par des Européens. En effet, un premier contingent originaire d'Espagne s'installait à St-Augustine, en Floride, en 1565. Un second, dirigé par notre Champlain national, prenait place sur l'ile du Mont Désert, dans la Maine, en 1604. Le troisième venait d'Angleterre et s'installa, après avoir visité la Caroline du Nord, en Virginie, en 1607. En 1625, un groupe d'Hollandais s'ètablissaient à l'embouchure de la rivière Hudson et baptisaient leur établissement: Nouvelle-Amsterdam. Ce dernier lieu deviendrait New-York, en 1664, avec la conquête de la ville par les Anglais. Les autres premières colonies seraient d'ailleurs toutes conquises par les Anglais, au XVIIe siècle.
Le Nord-Est et le Sud-Est des États-Unis sont les régions les plus fréquentées par les Québécois. Le Mid-West est aujourd'hui moins fréquenté qu'autrefois, mais oh! combien important pour notre approvisionnement alimentaire.
Le Nord-Est comprend les États de la Nouvelle-Angleterre et du Mid-Atlantic, voisins immédiats du Québec où 700 000 Québécois ont émigré après la Révolte des Patriotes (1837-1838). Plusieurs de mes propres ancêtres ont fréquenté le Maine, le New Hampshire, le Vermont, le Connecticut, le Massachusetts, le Rhode Island, et les États de New York, de la Pennsylvanie, du New Jersey, du Delaware et même du Maryland. Le Nord-est s'est constuit entre l'océan Atlantique et la chaine des Appalaches, du nord au sud. Au début du XVIIe siècle, la région était occupée par des nations de langue algonquienne et iroquoïenne, comme au Québec, avant l'arrivée des Français et des Anglais, dans le secteur. Les Abénaquis et les Mohawks ont d'ailleurs quitté leurs régions américaines pour émigrer en Nouvelle-France, au XVIIe et au début du XVIIIe siècle, à l'invitation des missionnaires français qui les avaient convertis au catholicisme. Mais ce sont les Pères pèlerins anglais débarqués à Plymouth, au Massachusetts, en 1620, et les Puritains débarqués à Boston en 1630 qui fondèrent la culture de base de la Nouvelle-Angleterre qu'on baptisa la culture yankee. Ces gens émigraient de l'Angleterre pour vivre plus librement leurs croyances religieuses. La majorité était instruite et suffisamment fortunée pour créer une économie alimentaire prospère. Des centaines de Québécoises ont fréquenté les descendantes de ces fondateurs américains et ont ramené leurs recettes au Québec. Le Cipâte, écrit de multiples façons (Six-pâtes, Six-pailles, Cipaille, Sea Pie) en est la démonstration la plus évidente. Ce plat rassembleur fait encore le délice de nos petits enfants, tout comme la tourtière de descendance française qui a, elle aussi, subi l'influence américaine avec l'ajout des dés de pommes de terre pour remplacer la farine traditionnelle qu'on mettait entre les viandes, en Europe. Au XIXe et au XXe siècle, les Québécois ont beaucoup fréquenté les plages de l'Atlantique d'où ils ont ramené de nombreuses recettes comme les hot dogs farcis de saucisses, de sauces à la viande, de fruits de mer comme le homard ou le crabe, les sous-marins garnis de charcuteries d'origine italienne ou de crevettes de l'Atlantique, ou encore les club-sandwichs ou les cheeze burgers. Au milieu du XIXe, ils avaient ramené les cossetardes et les chowders. les ketchups aux tomates vertes ou rouges, les bread and butter, des plats d'origine amérindienne comme le Johnny Cake, le succotash, le clam bake, des recettes européennes d'origine, mais américanisées comme les fèves au lard à la mélasse (Boston Beans), les cheesesteaks de Philadelphie, le short cake aux fraises, la tarte aux pommes avec cheddar, les tartes et les poudings à la rhubarbe, le jus de raisins bleus originaire de Concord, Massachusetts. Nous avons aussi hérité de recettes de grands chefs établis à New York qui y ont créé des recettes comme la Salade Waldorf, les Oeufs bénédictine, le Steak Diane, la Vichyssoise, les pâtes Primavera, le cornet de crème glacée, le Homard Newburg, le Poulet du Général Tao, les Whippets, etc. N'est-ce-pas évident que la cuisine américaine du Nord-Est est bien installée chez-mous?
Le Sud-Est des États-Unis est un mot chargé d'émotions pour les Américains; il rappelle la Guerre de Sécession de 1861-1865. Ce qu'on ne sait pas beaucoup, c'est que 10 000 Québécois se sont engagés à côté des Américains du Nord pour se battre contre le Sud qui voulait conserver le recours à l'esclavage pour son économie locale. Les contacts des soldats du Nord avec le Sud a eu des incidences importantes pour la cuisine du Nord et du Québec. On y découvrit les arachides, les okras, les hush puppies. Les Noirs libérés de l'esclavage sont montés vers le Nord avec la cuisine afro-américaine qualifiée de "soul food". Le Sud-Est englobe la Côte atlantique au sud-est, le Golfe du Mexique, au sud, et le Sud profond de l'inmtérieur des terres. La faune marine de l'Atlantique Sud marque les cuisines de la Virginie, des Carolines du Nord et du Sud, de la Géorgie et de l'est de la Floride. Le Golfe du Mexique avec ses eaux encore plus chaudes marque la cuisine de l'ouest de la Floride, de l'Alabama, du Mississippi, de la Louisiane et du Texas. Ce sont les rivières paresseuses qui se jettent dans le golfe du Mexique qui marquent la cuisine des États de la Virginie occidentale, du Tennessee, de l'Oklahoma qui baignent une région au climat tropical où poussent de nombreux fruits et légumes exotiques que nous importons depuis longtemps. Cette région a vécu un métissage important entre les peuples autochtones du Sud, les esclaves amenés d'Afrique de l'Ouest, les Français chassés de l'Acadie, les descendants des Espagnols et des Mexicains ayant occupé le territoire avant les Anglais, les Irlandais et les Écossais. Le Sud-Est américain nous envoie aujourd'hui des poissons et des fruits de mer comme le vivaneau, le mahi-mahi, les grosses crevettes et les palourdes. La cuisine du Sud-Est utilise beaucoup le porc et la volaille comme au Québec, qu'elle associe au riz, comme en Espagne. Le poulet pané publicisé par le poulet du colonel Sanders est aussi beaucoup apprécié. Enfin, la cuisine texane avec son boeuf cuit au barbecue nous influence beaucoup, en été. Steaks, brochettes, hamburgers, saucisses exotiques rivalisent de créativité piquante, fumée et sucrée. On ne peut plus se passer, non plus, des agrumes du Sud, comme le citron, l'orange, le pamplemeousse et la lime.
Le Midwest, au centre-nord des États-Unis, avec ses Grands Lacs et ses plaines céréalières occupe une place importante dans nos épiceries contemporaines. Ce territoire a accueilli la plus grande civilisation amérindienne des États-Unis, les Mount Builders. Ces dernier vivaient au confluent du Mississippi, des rivières Ohio et Illinois. Leurs descendants commercèrent avec les premiers trafiquanrts de fourrure d'Amérique, dont nos ancêtres coureurs des bois. Le cinéma nous a fait connaître leurs noms: les Sioux, les Cheyennes, les Blackfoots et les Crows. N'oublions pas que ce territoire a été français jusqu'en 1810. C'est Napoléon Premier qui l'a vendu aux Américains, à cette époque. Les Américains anglophones l'ont ensuite intégré aux premiers États-Unis. Plusieurs villes et villages de la région, particulièrement au Wisconsin, au Minnesota et aux deux Dakota, portent des marques du passage et de la colonisation française des débuts de l'occupation européenne. Dans les années 1990, un magazine américain de cette région faisait fureur au Québec, même en anglais. Tout le monde était capable de lire assez d'anglais pour suivre les recettes de cette région, publiées par Taste of Home. La plupart des grands de l'alimentation sont logés dans cette région. Citons Betty Crocker, Pillsbury, Old El Paso, Cheerios, Green Giant, Kellogg Company, Post, Kraft, Nabisco, Oreo, Ritz, Peek Freans, Hunt's, etc. Les recettes les plus intéressantes de Taste of Home sont les plats tout-en-un qui comprennent les éléments traditionnels d'un repas complet: une protéine animale ou végétale, une céréale ou un féculent quelconque, quelques légumes, des aromates, des herbes ou des épices, et finalement une sauce quelconque pour lier tout cela qu'on trouve souvent sur le marché comme les soupes ou les sauces en conserve, en sachet ou en bouteille. On fait des desserts et des plats brunchs dans le même esprit, avec des fruits congelés ou en conserve, des crèmes en conserve ou en sachet et des céréales sucrées ou des biscuits Graham. Ces repas conviennent bien aux gens pressés qui n'ont pas beaucoup le temps de cuisiner, d'où leur popularité américaine, candienne et québécoise.
La semaine prochaine nous résumerons la cuisine américaine de l'Ouest en parlant de son influence sur la cuisine québécoise historique et contemporaine.
Bonne semaine à tous,
Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec