La cuisine acadienne au Québec
L’Acadie est la première colonie française fondée en Amérique du Nord, en 1604. Elle était établie dans la baie de Fundy, en Nouvelle-Écosse. Port-Royal fut son premier site important. Les colons acadiens venaient majoritairement du Centre-Ouest de la France, de la grande région de la Loire et des provinces du Nord-Ouest français, comme les Québécois. Comme on le sait, la France et l’Angleterre étaient en perpétuelle compétition, amplifiée par des guerres périodiques. L’Angleterre commença la conquête de la Nouvelle-France par l’Acadie, en 1755, qu’elle termina avec la conquête du reste du Canada, en 1760. Comme les paysans voyaient régulièrement l’ennemi anglais débarquer sur leurs terres, ils savaient que leurs jours en Acadie étaient comptés. Aussi, certains décidèrent de s’enfuir vers le Québec, à pied, par le sentier autochtone de la Matapédia, avant la déportation massive de 1755. Un certain nombre s’est installé chez les Micmacs à Restigouche. D’autres se sont cachés derrière Carleton et ont fondé le premier village acadien de la Baie des Chaleurs, appelé Tracadigêche. Un certain nombre s’est réfugié aux iles Saint-Pierre et Miquelon et un autre groupe est retourné en France. Mais ce retour ne leur plaisait pas. Ils revinrent s’installer aux iles Saint-Pierre et Miquelon. C’est là que le Gouverneur Haldimand, d’origine franco-suisse, a recruté d’autres Acadiens pour venir travailler dans sa nouvelle seigneurie de Pabos (Chandler aujourd’hui). Il avait entendu parler d’eux, en Nouvelle-Angleterre, par des pêcheurs qui les considéraient comme de bons pêcheurs de morue et de bons chasseurs de loup-marin.
En 1774, le Jersiais Charles Robin ramenait 81 Acadiens qui s’étaient réfugiés en France lors de la Déportation. Il leur a proposé de travailler comme pêcheurs dans la Baie des Chaleurs. L’été, ils vivaient dans des cambuses, soit des genres de cabanes bâties directement sur le banc de sable, où l’on faisait un feu pour cuire la chaudrée de morue aux patates, plus tard nommée cambuse, du nom de la cabane. Les hommes allaient à la pêche pendant que les femmes faisaient un grand jardin et s’occupaient, avec les enfants, de quelques animaux de ferme. L’hiver, on se réfugiait dans les maisons bâties à l’embouchure de la rivière. Les hommes bûchaient du bois et réparaient leurs agrès de pêche tandis que les femmes préparaient la laine et faisaient les vêtements et le linge de maison. Lors de la guerre de l’Indépendance américaine, la Baie des Chaleurs et la Pointe de Gaspé ont reçu d’autres Acadiens réfugiés aux États-Unis. Près de 70 % des Gaspésiens ont du sang acadien, selon les généalogistes.
Les Acadiens s’installèrent au Québec, à divers moments de notre histoire.
En 1724, c’est le curé Le Sueur qui avait conduit un certain nombre de colons français sur le site actuel de l’Assomption, au bord de la rivière qui servait de route de traite des fourrures. Environ 500 Acadiens étaient venus les rejoindre en 1760 après leur déportation de la Nouvelle-Écosse jusque dans la région de Boston. Ce commerce était très prospère et engendrait une sorte d’étalage de la richesse illustrée par la fameuse ceinture fléchée que portait autour de leur manteau, les trappeurs métis locaux. Ce sont les tisserandes d’origine acadienne qui développèrent le fameux modèle de l’Assomption qui s’inspirait, au point de départ, de la tradition algonquine. La première cuisine locale allait donc aussi être un mélange de couleurs ethniques, annonciateur de ce qui allait suivre sur le Plateau laurentien. À partir de 1817, des Acadiens de Saint-Jacques-de-l’Achigan suivaient Philémon Dugas arrivé de Boston en 1815, pour s’installer à Rawdon. Ils s’appelaient Robichaud, Landry, Lanoue, Jeansonne, Rocheleau, Thériault, etc.
L’influence des conquérants britanniques, dès 1759, dans la ville de Québec, fut considérable, à tous les plans. On verra plus loin des recettes typiques de leur triple patrimoine (anglais, irlandais et écossais). À la même époque, la ville de Québec hébergea près de 1500 Acadiens qui fuyaient leur pays natal. L’intégration à la communauté francophone se fit naturellement et enrichit aussi la cuisine québécoise avec ses fricots et ses patates râpées. Aux Français venus directement de France pour pêcher la morue sur la Côte de Gaspé et qui ont décidé de demeurer dans la région pour fuir les attaques des Anglais, il faut ajouter les Acadiens arrivés dans la région vers 1755, juste avant la déportation. Ils étaient originaires de l’Île-du-Prince-Édouard et se sont, pour la plupart, installés derrière Montmagny. Mon ancêtre Landry, grand-mère de mon grand-père, appartenait à ce groupe. Les familles Corneau, Arsenault et Aubé choisirent plutôt la Beauce. Les descendants des Acadiens se comptent par millions au XXIe siècle.
Voici des exemples de la cuisine acadienne ramassée dans quelques régions du Québec.
Basse-Côte-Nord
Crêpes au lard salé (plogues)
Brochette de morue en cubes
Étouffé (étuvée) de flétan atlantique au poireau de Tête-à-la-Baleine
Morue raccommodée (morue fricassée avec pommes de terre en dés)
Ralingues (lanières du ventre) de flétan atlantique en friture
Steak de pourcil (marsouin)
Djacarlos (jack curlew ou courlis corlieu) en fricot au lard salé
Fricot de moyac ou d’eider à duvet
Moyac en conserve
Pâtés de pigeons de mer (guillemots à miroir)
Saucisses de chevreuil de Tête-à-la-Baleine
Omelette aux pommes de terre en purée
Poulardes (pommes de terre en purée farcies à l’oeuf)
Carrés aux chicoutés
Gelée à l’anisette (gaultérie ou petit thé)
Nolets (beignets frits dans l’huile de loup-marin)
Pain béni (restes de pâte à pain mélangés à de la cassonade et des raisins
et cuits en boules au four)
Pig-jingot ou Bingengo (tartinade de lard salé à la mélasse mangé avec des boules de pain frites dans l’huile de loup-marin)
Portépis (porc-épics) (grands-pères frits dans l’huile de loup-marin)
Pot-en-pot aux goules noires (camarines)
Pouding aux atocas
Tartelettes au pimbina (viorne trilobée comestible)
Minganie
Blasphèmes avec poisson de lac ou petit gibier (genre de bannique)
Capelans noirs avec pain de ménage et thé
Crêpes au lard salé ou plogues
Crêpes aux œufs d’oiseaux de mer du pêcheur
Cretons acadiens
Gelée à l’anisette (gaultérie ou petit thé)
Pain béni
Portépis (porc-épics) (pâte à grand-père cuite en cuillérées tombées en grande friture d’huile de loup-marin)
Aspic aux fruits de mer
Canapés de loup-marin
Capelan sec
Capelans noirs
Filets de hareng salé aux oignons à l’huile d’olive
Padous (pétoncles) au sel
Pâtés à la viande cayens (acadiens)
Pentures de coques en conserve
Petits beignets de crevettes en boules en amuse-bouche
Bouillon d’oiseau de mer aux pâtes mouchoir
Chaudrée de fruits de mer
Soupe à la viande salée et légumes
Soupe au chou et légumes
Soupe au pain du Vendredi saint
Soupe aux feuilles
Boulettes à la morue
Brochette de morue sur barbecue
Morue accommodée ou raccommodée
Morue fraîche bouillie avec pommes de terre et légumes du jardin
Morue frite à la Cayenne
Morue salée bouillie avec grillades de lard salé
Petites patates bleues et morue aux lardons
Ralingues (lanières du ventre) de flétan atlantique avec patates au four
Salade de goberge
Corlis corlieux ou djacarlos (jack curlew) fricassés au lard salé
Fricot de moyac ou d’eider à duvet
Fricot au gibier de mer (oiseaux de mer)
Fricot d’oiseaux blancs (bruants des neiges)
Pâtés de pigeons de mer (guillemots à miroir)
Pigeons et perroquets de mer passés au four (guillemots et macareux)
Bouilli de boeuf salé aux feuilles de navet
Bouilli de feuilles de navet
Chou aux pattes de porc
Chou et côtelettes de porc
Cochonnailles (boudin)
Fayots au lard (fèves au lard)
Foie de porc au chou-fleur
Gibelotte à l’oignon
Oeufs au gratin
Porc aux champignons, céleri et bacon
Bee Gin Go ou Bingengo (dessert de lard salé et mélasse bouillie)
Beignets dorés dans l’huile de loup-marin avec compote de graines
Croquignoles
Nolets (beignets frits dans l’huile de loup-marin)
Portépis (beignets en forme de porcs-épics)
Pot-en-pot aux bleuets
Pot-en-pot aux goules noires (camarines)
Haute-Côte-Nord
Soupe aux feuilles de navet et patates
Galettes à la morue sèche frites à l’huile de loup-marin
Bouilli aux feuilles de navet de Pointe-aux-Outardes
Ragoût de Noël (patte de porc et boulettes) des Acadiens de la Côte-Nord
Fripette (dessert aux œufs et mélasse)
Pommes en pâte au four
Iles-de-la-Madeleine
Conserve de tête fromagée avec hauts de pattes de porc et boeuf en cubes
Bigorneaux des Îles en sauce sur croûton
Langues de morue bouillies puis rôties avec beurre de persil
Soupe aux coques et aux palourdes
Soupe aux patates râpées des îles
Soupe de clams au lait
Soupe de devant de porte (légumes, pois sec, orge, maïs en crème, crème de tomate)
Soupe de homard au lait
Soupe-repas de morue ou aiglefin à la ciboulette
Anguille bouillie
Beignets de nauves de morue, bouillies puis cuites en grande friture
Crêpes farcies au saumon de l’ancien temps
Flétan atlantique à la crème vinaigrée des Îles
Galettes à la morue salée poêlées
Gratin de macaroni au poisson à la crème de céleri
Hareng mariné dans le vinaigre chaud (mangé avec des patates bouillies)
Maquereau dans le fourneau
Morue accommodée des Îles (genre de pâté chinois à la morue salée sans maïs)
Pâté d’anguille
Pâté de morue en cubes
Pot-en-pot à l’anguille
Pot-en-pot aux éperlans
Pot-en-Pot de poissons mêlés
Pâté au homard, crevettes et pétoncles en sauce à l’oignon à la muscade
Pot-en-pot aux fruits de mer
Pot-en-pot aux pétoncles
Pot-en-pot des Îles à la morue et fruits de mer
Casserole de loup-marin au lard salé à l’étouffée
Fricot de loup-marin en conserve avec grands-pères
Pot-en-pot au loup-marin
Boudin cadien au sang et cubes de boeuf en parchemins
Boudin cadien des Îles aux abats et sang de porc
Panse de vache en sauce épicée
Pâtés à la viande des Îles 1 (jarrets et spare-ribs de porc et boeuf haché)
Pâtés à la viande des Îles 2 (jarrets de porc, boeuf en cubes)
Pâté à la viande des îles 3 (tête de boeuf désossée avec porc haché)
Pâté à la viande des îles 4 (boeuf haché avec tête de porc désossée)
Fripette (tartinade à la mélasse et aux oeufs)
Nids aux pommes (pommes entières farcies enrobées de pâte)
Nolets (poupée en gâteau à la farine de maïs pour Noël)
Poutines aux raisins
Sirop de grand thé (thé du Labrador)
Tarte à La Fayette
Pointe-de-Gaspé
Caplans séchés au soleil avec du pain de ménage et du thé
Éperlans marinés aux oignons
Hareng mariné sur croûtons grillés
Hareng boucané avec pain et beurre
Soupe de feuilles de navet ou de betteraves au riz
Soupe traditionnelle aux langues de morue et lard salé
Bigounes (hachis ou chiard de morue à l’ail, persil et moutarde, mis dans une pâte à tarte repliée en boule et cuite dans l’eau bouillante, sur le feu)
Langues de morue farinées et poêlées
Langues de morue rôties, en sauce à l’oignon, gratinées à la chapelure
Morue entière aux lardons au four
Morue entière enrobée de bacon et rôtie au four
Morue pochée à la gaspésienne avec lard salé
Morue sèche aux oignons avec patates bouillies
Fricot de goéland de Grande-Vallée
Fricot aux pattes et ailes de poulet aux pâtes
Fricot de poulet à l’ancienne avec des carrés de pâte plutôt que des pommes de terre
Pelotes au lard salé (steak haché avec lardons et oignons rôtis enrobé de pâte en boule (pelote) et cuites à l’eau
Fricot de chevreuil de Pabos
Baie-des-Chaleurs
Brique de saumon (terrine froide de saumon et pain)
Moules sur du pain grillé
Chaudrée de morue de Bonaventure
Chaudrée de poissons de Bonaventure
Crème aux feuilles
Crème de pommes de terre aux feuilles du jardin (navet, radis, betteraves, laitue)
Soupe aux feuilles du jardin à l’orge
Soupe de capelan au pain et herbes salées
Bouillotte à la morue ou au flétan avec patates rondes
Brique de saumon (pain) avec crème de légumes en conserve
Estomac de morue farci (got ou gault ou gaut)
Harengs salés aux petites patates germoulées ou patates bleues
Morue bouillie avec son got farci au pain et son foie de morue
Morue farcie au pain, oignons rôtis et sarriette
Morue salée avec sauce à l’oignon et patates bouillies
Morue salée aux oignons avec poêlonnée de patates rôties
Pâté de maquereau à la sarriette
Pot-en-pot à l’anguille
Pot-en-pot à l’éperlan
Raves de hareng farinées poêlées au beurre
Pot-en-pot aux coques
Ragoût de fruits de mer aux herbes salées
Fricot de goéland
Fricot de petits oiseaux (alouettes, pluviers, bécasseaux)
Pot-en-pot d’oie blanche ou d’outarde avec porc
Bouilli de viande salée aux feuilles de Bonaventure
Chou farci au jambon haché de Bonaventure
Perdrix au chou de Bonaventure
Rosbif d’orignal ou de chevreuil
Tarte aux petites fraises de Bonaventure
Côte-de-Gaspé
Harengs fumés chauds en papillote avec beurrées de pain de ménage
Soupe aux patates et aux petites clams
Soupe bébé coque bébé clam aux patates
Cubes de morue salée cuite au lait qu’on transforme en sauce après cuisson
Filets de morue frits dans la graisse de lard salé avec oignon, sarriette et céleri
Harengs salés en sauce blanche
Bas-Saint-Laurent
Bouilli de morue et foie de morue aux patates entières
Saguenay
Fricotin de poulet (autre mot pour fricot de poulet à la manière acadienne)
Lac-Saint-Jean
Fricot d’orignal avec du poulet, servi avec des pâtes (grands-pères)