Continuons la cuisine de l'été avec la courgette et le doré !

Depuis des millénaires, notre cuisine d’été repose sur la pêche et les cueillettes. Lorsque les premiers hommes sont entrés dans notre territoire, il y a 12 000 ans, ils ramassaient des coquillages sur le bord de la mer, ils pêchaient du poisson dans les rivières, les lacs et l’Atlantique et ils ramassaient des petits fruits, des noix et des plantes familières.

Vers l’an mille, ils récoltaient le premier maïs cultivé au Québec. Au XVIe siècle, les pêcheurs européens plantaient les premières laitues et herbes européennes en terre québécoise. Et Jacques Cartier constatait, de visu, les magnifiques jardins iroquoïens de Stadaconé, Mitsouna et Hochelaga, à la même époque. Cette culture culinaire qui dominait la Plaine du Saint-Laurent reposait essentiellement sur les légumes de leurs jardins et sur les poissons et les mammifères du fleuve et du golfe Saint-Laurent. Champlain et les premiers colons français de la Plaine du Saint-Laurent allaient perpétuer cette culture culinaire qui repose, en été, sur les légumes et les poissons.

C’est pourquoi, je vous propose de mêler nos recettes de poisson à celles de nos légumes-vedettes de l’été pour la fin de cette saison. Je commence, cette semaine, avec le doré et la courgette parce qu’on est en plein dans la saison de ces deux aliments-vedettes de notre patrimoine.

Commençons avec le doré, celui qui est le plus ancien des deux. Le doré est un poisson d’eau douce qu’on pêche dans les lacs, les rivières de l’Ouest du Québec et dans la partie non salée du fleuve Saint-Laurent. Sa chair blanche et floconneuse, avec des arêtes faciles à contrôler, est parmi les poissons préférés des Québécois de l’Ouest. Il trône sur les tables du Lac-Saint-Jean, de l’Abitibi, du Témiscamingue, de l’Outaouais ou du Haut-Saint-Laurent. Nos ancêtres français ne connaissaient pas ce poisson, en s’installant chez nous. Ce sont les Algonquins qui les initièrent à ce poisson si populaire chez eux. Tous les sites archéologiques fouillés dans l’Ouest du Québec ont révélé la consommation abondante de doré par nos ancêtres autochtones, il y a au moins 5 000 ans, en particulier par les Archaïques laurentiens, ancêtres des Iroquoïens d’Hochelaga et de Mitsouna (Sorel-Tracy). Beaucoup de Français du XVII e siècle l’apprécièrent : le père Le Jeune en 1634, Pierre Boucher en 1664, etc. Au début de la colonisation du Lac-Saint-Jean, le doré a sauvé bien des vies. Écoutons M. François Girard de Chambord, en 1870 : « On faisait aussi du pain de poisson avec du doré. Quand nous avions faim, notre mère nous donnait une tranche de ce poisson-là. Il y avait du poisson en masse. On faisait boucaner du doré et du brochet et on les mangeait de toutes (les) façons. »

Vous pourrez trouver des recettes de doré qui remontent à cette époque, dans la liste de recettes de cette semaine.

Le deuxième aliment que je mets en vedette est la courgette. Beaucoup de Québécois de mon âge ne se souviennent pas avoir mangé de courgettes avant les années 1960. Pourtant, la courgette fait partie du monde des courges toutes originaires d’Amérique du Sud. Selon les archéologues Piperno et Stohert, la courge est domestiquée depuis 8 500 ans et cueillie, sauvage, depuis au moins 10 000 ans, en Bolivie et au Pérou. Au début, les courges avaient peu de chair ; on les cueillait pour les graines oléagineuses à souhait. Et lorsque Christophe Colomb mit le pied en Amérique en 1492, les courges avaient beaucoup cru en grosseur, en chair et en variétés diverses. C’est l’explorateur espagnol Alvar Nunez Cabeza de Vaca qui les aurait découvertes en Floride, en 1528. Il en apporta plusieurs variétés en Europe où les jardiniers s’amusèrent à les croiser pour obtenir plusieurs centaines de variétés de courges. La famille des cucurbita pipo, présente à Stadaconé (Québec), lors du second voyage de Jacques Cartier au Canada en 1535, avait déjà des courges vertes semblables à des concombres puisque ce dernier crut que les Autochtones cultivaient des concombres dans leurs jardins ; ce qui parait impossible à la plupart des historiens botanistes contemporains. Jacques Cartier prit les courgettes pour des concombres. Quoi qu’il en soit, on sait, aujourd’hui, que les Autochtones de langue iroquoïenne consommaient leurs courges à différents moments de leur croissance, tout comme les haricots et le maïs. En Europe, ces jeunes courges étaient appelées des « courges à moelle ». Et l’on finit assez rapidement à les préférer aux courges cueillies à maturité. Ce sont des jardiniers italiens qui finirent par créer l’ancêtre de notre courgette verte ; ils l’appelèrent zucchino ou zucchina, avec le pluriel zucchini. Les Américains ont simplement adopté le terme italien au pluriel pour les distinguer des courges à maturité, à chair ferme. Par conséquent, beaucoup de nos contemporains utilisent plus le terme américain que le terme français pour les nommer ; ce qui n’est pas approprié puisqu’on a bien un terme français pour les nommer.

La cuisine avec des courgettes est donc partie d’Italie, est montée dans le sud de la France puis dans toute la France, bien longtemps après le départ de nos ancêtres pour le Canada. La courgette est entrée massivement dans nos jardins et nos marchés à la fin des années 1950. Ce sont les immigrants italiens et français du Sud de la France qui nous initièrent à ce légume en nous donnant la recette de la ratatouille et des courgettes farcies. Depuis lors, ce légume facile à cultiver est devenu l’un des 7 légumes préférés des Québécois.