La crème

Nos ancêtres celtes élevaient des vaches, tout en migrant de leur pays natal, l’Asie centrale, vers l’ouest de l’Europe : la France, le Portugal et les Iles Britanniques. Leurs conquérants germains, du IVe siècle au IXe siècle, ont apporté leur bétail avec eux de sorte que le bétail celte s’est finalement métissé avec le bétail scandinave, franc et saxon. Les vaches du Nord étaient réputées pour donner plus de crème, sans doute à cause de la génétique de l’animal, adaptée à un climat plus froid et plus humide. Les premiers immigrants français du Québec venaient de Normandie et des régions avoisinantes. C’est la vache normande qui a donc fondé le cheptel québécois, dès le XVIIe siècle. Cette vache était réputée pour donner du lait de qualité, donc du lait gras. On a réussi, malgré l’arrivée de la super vache hollandaise Holstein qui donnait plus de lait que toutes les autres vaches, à conserver le caractère unique de la vache dite canadienne. -- C’est elle qui donne le fameux fromage Pied-de-vent des iles de la Madeleine. Plus de crème donne plus de beurre et plus de fromage. On connait la réputation de ces 2 produits typiquement québécois qu’on a largement exportés aux États-Unis et en Angleterre. Le problème de l'industrie laitière, c'est qu'on paie pour la quantité de lait fournie et non pour la qualité du lait, soit le pourcentage de gras. La vache canadienne donne du lait plus riche en gras.

Mais je voudrais qu’on s’attarde plus à la cuisine québécoise avec de la crème. Avant l’installation de l’industrie laitière au Québec et la nécessité pour les fermiers de monter leur troupeau de vaches à une quinzaine de vaches en moyenne, on se contentait de 2-3 vaches qui fournissaient assez de lait entier pour faire le beurre et le fromage blanc de la maison. Les surplus de crème allaient surtout aux réserves de beurre pour l’hiver, ces réserves étaient conservées dans le sel, comme plusieurs autres aliments. On utilisait aussi beaucoup de crème pour cuisiner à la normande, en compagnie des légumes et des poissons de l’été. Mais l’arrivée de l’industrie donnait tellement de valeur monétaire à la crème, que plusieurs familles modifièrent leurs recettes originales pour les remplacer par des sauces faites avec de la farine et du lait plutôt que juste de la crème. On gardait la crème comme gâterie du dimanche, un jour par semaine. Et on l’associerait désormais davantage aux desserts du dimanche et au fameux sucre à la crème qu’aux sauces à la crème du quotidien de l’été. Le niveau de vie étant plus élevé, aujourd’hui, il est possible de se procurer facilement de la crème plus ou moins riche ou épaisse. Cela nous permet de rester fidèle à nos recettes patrimoniales qui en utilisent de façon raisonnable. Je vous invite à consulter mon 4e volume, l'Histoire de la cuisine familiale du Québec, la plaine du Saint-Laurent et les produits de la ferme traditionnelle, de la page 977 à 1027, pour plus de détails.