Le calmar ou encornet ou squid
Beaucoup de citadins québécois pensent que les calmars sont une importation européenne et qu’ils sont donc une idée nouvelle que certains d’entre nous ont adoptée. Or, il y a longtemps que les Gaspésiens les connaissent ; ils les appellent des « squids », nom anglais du fruit de mer en question. Sur la Pointe-de-Gaspé, on les pêchait principalement pour faire de la boëtte ; ce qui veut dire qu’on s’en servait principalement comme appât pour la morue, car elle l’aime beaucoup ! L’encornet nordique que l’on pêche chez nous est un céphalopode constitué d’une tête et d’une série de tentacules destinées à capturer leurs proies. Les pêcheurs d’origine jersiaise, normande, bretonne et gasconne installés en Gaspésie le connaissaient très bien et savaient enlever leur encre pour le manger farci ou en rondelles. Selon le chercheur Roch Samson qui a étudié la pêche à la morue à Grande-Grave au début du XXe siècle, l’encornet était surtout pêché l’automne comme boëtte. Il s’accrochait bien à l’hameçon et pouvait être réutilisé plusieurs fois. On le pêchait le soir, près du rivage de l’Anse du Cap Gaspé, au moment où ce dernier s’approchait du rivage pour frayer. Les pêcheurs utilisaient un leurre qu’ils appelaient une turlutte, une couronne en plomb munie d’aiguilles, qu’ils descendaient dans la mer à une profondeur de 3-4 brasses, et qu’ils montaient et descendaient sans arrêt. La prise était accidentelle mais très prolifique quand on tombait dans le banc de calmars. Il fallait cependant éloigner le bras de son visage quand on sortait l’encornet de l’eau, car il avait l’habitude d’éclabousser le visage du pêcheur de son encre. Enfin, ce qu’il faut dire à propos de sa consommation, c’est que même si on considérait l’encornet comme un appât, donc comme quelque chose d’inférieur au poisson que l’on pêchait, on ne le jetait jamais à l’eau, on le ramenait à la maison pour le manger en famille car la morue était destinée à la vente. On ne consommait que son arête et sa tête qui devenaient répétitives. Les petits poissons qui servaient de boëtte comme l’encornet, soit les harengs, les éperlans, les coques, les capelans, les maquereaux et les lançons étaient la nourriture des pauvres et des pêcheurs malchanceux ; on ne les jetait pas heureusement à la mer. Le frère Sagard confirme la consommation des encornets et des pieuvres, en 1623. Il raconte que les pêcheurs originaires de La Rochelle pêchaient « grande quantité de seiches qui sont grandement bonnes fricassées et semblent des blancs d’œufs durs fricassées. » En France, les Celtes les fricassaient rapidement avec de l’ail, de l’oignon et du cumin. Les calmars vendus, aujourd’hui dans le commerce, viennent plutôt des régions chaudes de l’Europe, comme l’Italie et l’Espagne où ils sont très populaires. On les aime surtout en salade ou en beignets. Mais nos ancêtres gaspésiens les consommaient surtout en hachis de pommes de terre avec de l’oignon , de l’ail, du persil et du paprika ou du piment d’Espelette, chez les familles d’origine basque. On faisait aussi des bouillis de squids avec des rondelles de carottes, de céleri, des haricots jaunes et des gorlots (petites pommes de terre avec la pelure).