La cuisine des Malécites ou Welustuk

Cette nation appartient à la grande famille linguistique algonquienne. Elle est la descendante du groupe qui a voulu suivre le bison des bois dans les forêts naissantes de la Nouvelle- Angleterre. Le groupe initial se nomme «  les Delaware » qui a donné naissance aux Waban-Aki qui se sont établis aux embouchures des rivières de la Nouvelle-Angleterre, à l’est de la rivière Hudson (New-Jersey) et du lac Champlain. Puis un certain groupe de ces gens ont décidé d’explorer l’extrême-est de la côte et se sont appelés les Mi’gmak. Les Malécites sont issus des Mi’ Gmak qui se sont installés le long de la rivière Saint-Jean, aux frontières du Nouveau-Brunswick et de l’état du Maine. Leur vie annuelle consistait à se promener entre l’océan Atlantique, au printemps, et le fleuve Saint-Laurent, en automne et hiver, par le chemin du Portage, le long du lac Témiscouata. Les descendants des Malécites préfèrent s’appeler les Welustuk parce que le terme « malécite » a une connotation négative, pour eux. Ce sont les Mi’gmak qui les ont baptisés « mal-e-seet », ce qui veut dire « il parle mal ». L’isolement des ancêtres a fini par créer un nouveau groupe, avec une langue différente des ancêtres mi’gmak. Par contre, l’abbé Maurault qui a été leur missionnaire dit plutôt que le nom malécite viendrait de la langue abénaquise qui traduisait le terme français « malouin » (natif de Saint-Malo, en Bretagne) en « marouidit ou malouidit ». En effet, la communauté malécite du fleuve Saint Jean, du Témiscouata et de la région de Cacouna près de Rivière-du-Loup, est fortement métissée avec les Français de la région, depuis au moins 1610, année où plusieurs pêcheurs bretons décidèrent de prendre racine chez ces autochtones. À cette époque, les Français de Port-Royal et de Québec les appelaient les « Etchemins ». Les Récollets et les Jésuites ont souvent parlé d’eux dans leurs correspondances et les différenciaient vraiment des Mi’gmak qu’ils appelaient plutôt les « Souriquois ».

L’alimentation de cette nation était très variée puisqu’elle reposait sur les ressources de l’eau salée de l’Atlantique et de l’estuaire du fleuve Saint-Laurent et sur la faune et la flore de la forêt décidue de leur région. Le jésuite Pierre Biard a d’ailleurs bien décrit le calendrier de leur approvisionnement alimentaire, dans les années 1610-1616. En janvier, on se nourrissait abondamment de phoques. De février à la mi-mai, on mangeait du castor, de la loutre, de l’orignal, du caribou des bois et de l’ours noir dont on trouvait les cachettes où il hibernait. Au milieu de mars, on ramassait le capelan en abondance, À la fin avril, c’était le temps du hareng et de la bernache. En mai, on cueillait beaucoup d’œufs d’oiseaux de mer. En juin, on commençait à pêcher le saumon et l’esturgeon tout comme on ramassait des coquillages divers sur les plages de la côte atlantique. De la fin de l’été au début de l’automne, c’était le temps de la chasse aux canards, à la perdrix, au lièvre ou lapin sauvage, à l’oie blanche et aux oiseaux de proie. À la fin septembre, on faisait des provisions d’anguille fumée pour l’hiver. En novembre et décembre, on faisait une deuxième chasse à l’orignal et au castor, on pêchait les poulamons (petits poissons des chenaux) et l’on ramassait les œufs de tortue sur les plages.

Malheureusement, les Malécites furent dépossédés de leurs terres par les colons blancs qui reçurent les terres les plus avantageuses de la région. Ils durent survivre,  en se déplaçant constamment à la recherche de nourriture sauvage, à l’intérieur des terres non occupées par les colons blancs. Le commerce des fourrures et l’artisanat leur permirent d’acquérir des outils et des aliments européens qui font désormais partie de l’alimentation autochtone du Québec. Les Malécites cuisinaient en combinaison, les haricots d’origine autochtone, les pois et les gourganes apportés par les Bretons, les chiquebi ou segepen que les Français appelaient les « patates en chapelet », les corégones, les touladis, les saumons, le hareng, tout comme les moules d’eau salée et d’eau douce.

Voici une liste de leurs spécialités culinaires :

Boisson malécite d’autrefois aux atocas, gruau et sherry. Canadien

Corégone ou pointu (petit corégone) bouilli et défait de ses arêtes, revenu dans le beurre avec de l’oignon et nappé de lait chaud, mangé le soir avant d’aller dormir, comme un somnifère.

Eskitaqoteskil wiciw psehpon naka tumahsis : soupe aux petits haricots secs, oignons rôtis et pain frit dans la graisse de lard salé.

Jambon de bélouga bouilli avec des pommes de terre

Goulash : Mélange de bleuets ou de petites fraises des bois et de sucre cuit avec un peu d’eau dans un grand chaudron jusqu’à ce que le tout forme une pâte épaisse semblable à du goudron qu’on peut étendre sur du pain. S’accompagne de gin De Kuyper ou de Cognac.

Ksap : soupe en général qu’on fait, en été, avec un bouillon de poisson, et, en hiver, avec un bouillon de gibier ou de viande fermière. La soupe puhkanesikon était faite avec un morceau de bélouga fumé en jambon, épaissie avec de la farine de maïs qu’on cultivait le long de la rivière Saint-Jean. Puis, au XIXe siècle, on faisait toujours la soupe avec de la farine de blé ou des pommes de terre et un morceau de lard salé (piksap).

Masqositol : fèves au lard dans le trou du feu

Minsossey sunap : confiture de framboises

Monegan : bannique recouverte d’oignons frits, de perchaudes poêlées, recouvertes de sauce mayonnaise mélangée à de la relish verte du commerce

Musahkuhs : oursins crus dont on mange les gonades.

Nsekopu : gâteau étagé garni de confiture

Perchaudes enrobées de farine de sarrasin et frites au beurre

Pisacqehtikon wiciyetul posetesol (gibiers rôtis au four) : la plupart des gibiers chassés en hiver étaient d’abord bouillis dans de l’eau salée avant d’être rôtis dans une casserole au four avec de l’oignon et des pommes de terre en gros morceaux ou des légumes-racines; ceci pour les dégraisser et enlever le gout fort de conifère que ces viandes ont. Même chose pour les outardes, les oiseaux de proie, les abats de gros gibier comme le cœur, les poumons, la tête; et toujours avec la viande de phoque ou de bélouga que l’on faisait bouillir dans deux eaux avant de les faire rôtir au four.

Pkotesawe nomehs : poisson fumé, en particulier du corégone en collation

Pocetesol naka wawikiw wiuhs : hachis de pommes de terre en lamelle ou en dés avec du petit gibier bouilli au préalable.

Pokansisuwi-payis : tarte aux pacanes

Plugs de sarrasin avec graisse d’ours et sirop d’érable

Ragout de volaille domestique ou sauvage épaissi à la farine de faines de hêtre.

Tehkolepsis : crêpes nature ou aux petits fruits suvages

‘ T-olapuhkewal (Ragout de petit gibier au four ou sur le feu (lièvre, gélinotte, tétras des savanes, lynx, porc-épic, rat musqué, raton-laveur, loutre, marmotte)

Saqtemini-sunap : confitures de mûres sauvages

Salawehtasu nomehs : poisson salé

Sauce au touladi et oignons à patates (oignons d’Égypte)

Steaks de gibier sur grille au-dessus des braises (Musuwey (orignal), otuhkey (cerf de Virginie), mokalip (caribou des bois) et muwinewey (ours noir).

Sisolapsqehtasikil : pommes de terre en lamelles cuites avec lard salé et oignons dans une jarre de céramique, à l’étouffée.

Sisolapsqehtun : braisé de gibier au four dans une jarre de céramique à fèves au lard.

Supeqihpon : concombres de mer éviscérés, nettoyés et mangés crus en rondelles

Tendons : épaule d’orignal fumée, coupée en dés, salés et poivrés, et servies en amuse-bouche avec de l’alcool.

Têtes de violons braisés au lard salé

Tolakomitehlal ou monako-mitehal nomehsol : poisson bouilli (merlu argenté, corégone ou pointu, touladi, truite de mer ou mouchetée, bar rayé, saumon, esturgeon noir, hareng, éperlan, etc.)

Truites de ruisseau en pique-nique, grillées sur un feu de bois pendant que les pommes de terre cuisent dans le sable brûlant autour du feu, avec une salade de laitue frisée à la crème.