Les galettes de sarrasin, au déjeuner.

Comme le raconte Pierre Boucher en 1664, le « bled Sarazin y vient aussi mais il arrive quelquefois que la gelée le surprend avant qu’il soit meur.» Tout le monde s’en semait un acre, comme en-cas, étant donné que le blé ne poussait pas toujours comme prévu, à cause du climat ou des insectes. Mais lorsqu’il ne fut plus possible de faire du blé dans la plaine du Saint-Laurent, au milieu du XIX e siècle, on dut se rabattre vers d’autres céréales comme le sarrasin. C’est ainsi qu’on se mit à semer beaucoup plus de sarrasin sur la rive nord du fleuve pour remplacer le pain traditionnel du matin. On déjeuna désormais avec de la galette de sarrasin. Et cette habitude continua avec les enfants des habitants de la rive-nord du fleuve qui sont allé fonder les villages à l’intérieur des Laurentides, de Lanaudière et de la région de Portneuf. On se souvient tous de la galette de sarrasin quotidienne que faisait Donalda à Séraphin, dans les Belles histoires des Pays d’en Haut. La galette de sarrasin devint aussi un déjeuner économique dans les hôpitaux et les pensionnats du Québec de même que dans les camps de bucherons du début du XX e siècle. Elle porta aussi plusieurs noms, selon les régions. Les descendants acadiens les appellent toujours des « ployes » ou des « pleuilles » qui sont la francisation du mot anglais « plug » ; chez moi, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, on les appelait des « tartaux » ; en Beauce, ce sont des « torchons » ; sur la Côte-du-Sud, on les appelle des « tireliches » que l’on fait avec de la farine de sarrasin ou de la « baquiche ».Les galettes de sarrasin étaient aussi faites par les colons britanniques venus s’installer chez nous après les Guerres napoléoniennes de 1812. Les colons écossais des cantons de l’Est, qui parlaient le gaélique en s’installant au pays, les appelaient des « slabaïchen ». La céréale, associée à la pauvreté au début du XX e siècle, a pris du galon dans les années 1970, quand la génération hippie l’a remise à l’honneur. On peut s’en procurer partout, aujourd’hui, particulièrement dans les moulins de la plaine du Saint-Laurent qui sont encore en fonction, comme le Moulin Légaré de Saint-Eustache.