La cuisine du Haut-Saint-Laurent

Le Haut-Saint-Laurent est le nouveau nom que les géographes et les historiens donnent au Sud-Ouest de la Montérégie. Auparavant, la région s’appelait le Suroit, qui signifie, en vieux français, le Sud-Ouest. Cette région se situe entre le Richelieu et l’Outaouais, 2 rivières importantes de la région, avec le fleuve Saint-Laurent, au centre. Ses frontières sont les États-Unis et l’Ontario. Et son climat humide est le plus chaud du Québec, même si les grandes masses d’eau des lacs de la région le tempèrent agréablement. En effet, la région s’est construite sur les rives des lacs Saint-Louis, Saint-François, Champlain et Des Deux-Montagnes. La région a de plus été historiquement un garde-manger important pour Montréal. Les fermiers de la région allaient vendre leurs produits au marché Bon-Secours avant de les vendre au marché Jean-Talon, comme aujourd’hui.

SES GARDE-MANGER

LES LACS ET LE FLEUVE

Les lacs de la région ont historiquement attiré les Archaïques Laurentiens et leurs descendants iroquoïens qui étaient de grands consommateurs de poisson. Les fouilles faites à Pointe-du-Buisson par l’Université de Montréal ont révélé que la diète principale des habitants des lieux était carrément le poisson du lac Saint-Louis, du fleuve Saint-Laurent et de la rivière des Outaouais. À la Pointe-des-Cascades, on y prend toujours de grands maskinongés et plus à l’ouest, on trouve beaucoup d’achigan, de perchaude, de doré, de brochet, d’esturgeon jaune de carpe allemande et de brochet maillé. Plusieurs fermiers disposaient, autrefois, d’un permis de pêche commerciale où les gens allaient s’approvisionner. Monsieur Leduc, de Sainte-Barbe, y vendait, entre autres, de la carpe et du maillé fumé dont je me suis régalé, avec ma belle-famille. On trouve une quarantaine de poissons divers comestibles, dans la région que les familles-souches connaissent bien et cuisinent, selon leur gout. Malheureusement, aucun de ces poissons n’est accessible dans nos épiceries. L’abondance de marécage favorisait la consommation importante d’écrevisses et d’escargots par les autochtones et les premiers colons français des lieux. Les Britanniques qui ne les consommaient pas voyaient, avec dégoût, les Français les consommer. C’est pourquoi ils qualifiaient les Français de « frogs ». Mon beau-frère pouvait en ramasser un contenant de 45 gallons, un soir de pêche avec ses amis, dans la région de Saint-Thimothée. Ces cuisses de grenouilles étaient consommées sur des feux de camps pendant la nuit. Le reste était ramené à la maison où les mettait au congélateur pour le temps des Fêtes. L’eau attire, bien sûr, beaucoup d’oiseaux de passage comme les outardes que les chasseurs locaux ne manquent pas d’abattre en, saison permise. Cet oiseau faisait partie toujours des repas festifs d’hiver, autrefois. On les arrangeait et les gelait pour les sortir dans les repas familiaux de Noël au Mardi Gras. Enfin, la région compte beaucoup d’érablières qui ont abondamment fourni Montréal en sucre et sirop d’érable. Ces lieux et les champs avoisinants fournissent aussi aux amateurs d’aliments locaux de nombreuses plantes sauvages et champignons qu’ils mettent à leur menu. Malheureusement certains en font un commerce illégal qui détruit la ressource. Ces gens ne voient pas plus long que leur nez et ne pensent pas à nos enfants qui n’auront plus accès à nos produits authentiquement régionaux. Autrefois, les noix douces de caryer étaient abondantes dans la région et les enfants avaient la patience de les arranger et d’en faire des réserveS pour faire le gâteau ou la tarte aux noix typique de la région.

LA FERME

La ferme du Suroit produisait une abondante variété de légumes qui avaient toujours le temps de se rendre à maturité. Certaines familles faisaient même deux récoltes de certains légumes pendant l’été; la laitue, les radis, les échalotes, les petits navets blancs, les épinards se semaient le printemps, tôt, et l’automne. Les tomates, le maïs, les poivrons, les aubergines, les pommes de terre sucrées, les okras, les cerises de terre, les lentilles, les pois chiches, les mures sont des productions faciles à faire, en région. Il faut simplement être vigilant lors des grandes chaleurs de l’été ou les périodes de sécheresse.

 

SES FONDATEURS

LES AUTOCHTONES

Le Haut-Saint-Laurent est habité depuis 8 000 ans, selon les archéologues. Les premiers habitants identifiés étaient des Paléoindiens récents ayant appartenu à la culture Plano, la même qu’on a trouvée à Rimouski et à Saint-Anne-des-Monts. On a pu identifier, lors de fouilles faites sur l’île Thomson, à la tête du lac Saint-François, des pointes de lance élancées et sans cannelure qu’on attribue à cette culture préhistorique. Comme le territoire était alors très marécageux, ils devaient se nourrir de caribou et de petit gibier comme le castor ou le rat musqué. Il y a 6 000 ans, apparaissait la culture archaïque laurentienne qui durerait jusqu’à 3 000 ans avant aujourd’hui. Comme je l’ai dit ailleurs, cette culture s’est fusionnée avec la culture des Archaïques maritimes qui habitaient plutôt les abords du golfe Saint-Laurent. Les deux peuples étaient de grands amateurs de poisson, de fruits de mer et de mammifère marins. Les Iroquoïens qui sont apparus il y a 3 000 ans sont issus du mariage racial et culturel de ces archaïques avec d’autres ethnies venues du Mid-West américains pratiquant l’agriculture américaine née au Mexique. En résumé, les plantes cultivées par les Mayas puis les Aztèques sont montées pendant plusieurs siècles, le long du Mississipi jusqu’en Ohio, puis jusqu’au sud des Grands-Lacs où la culture iroquoïenne est née. Vers l’an 1 000 de notre ère, la culture du maïs se pratiquait dans le Haut-Saint-Laurent. On peut d’ailleurs visiter un village iroquoïen reconstitué, à Saint-Anicet, sur le bord du lac Saint-François. On peut y voir une illustration complète de l’agriculture régionale, au XIVe siècle. Mais, comme on sait, les Iroquoïens sont disparus de la région après la venue de Jacques Cartier, en 1541. Champlain parle cependant des Iroquets qui se seraient cachés dans la région après s’être alliés aux Algonquins de la rivière Outaouais. Mais on n’a pas vraiment de certitude pour cette filiation supposée avec les Iroquoiens du Sud-Ouest du Québec.

LES FRANÇAIS

Le premier Français qui s’établit dans la région s’appelait François-Marie Perrot; sa seigneurie se situait sur l’ile qui porte son nom, aujourd’hui. Il était bien posté pour intercepter les canots chargés de fourrures qui descendaient la rivière Outaouais ou le fleuve Saint-Laurent, arrivant des Grands-Lacs ontariens. En 1711, la seigneurie de l’ile comptait 11 censitaires; la région comptait 38 censitaires dans la seigneurie de Vaudreuil et celle de Soulange. La seigneurie de Bauharnois recevait ses premiers colons français en 1734 alors que celle de Rigaud en avait déjà en 1732. Sa population crut au point qu’il fallut ouvrir 10 villages de 1731 à 1831 et 14 de 1831 à 1851.

LES LOYALISTES

Le gouvernement anglais du Canada ouvrit des cantons et des villages pour établir les nouveaux immigrants de langue anglaise qui voulaient s’établir dans le Bas-Canada, à partir de 1799 jusqu’en 1858. Les premiers Loyalistes sont restés près de la frontière américaine. Ils fondèrent Hemmingford et Oddell Town. Plusieurs s’établir en squatters dans les seigneuries françaises, sans demander la permission.

LES ÉCOSSAIS

Un certain nombre d’anglophones sont venus directement des iles Britanniques. C’est le cas des Écossais qui fondèrent le village d’Ormstown,

LES IRLANDAIS

Des Irlandais protestants vinrent s’installer à Herdman, Covey Hill et Hemmingford alors que les Irlandais catholiques s’établirent dans la seigneurie de Rigaud. En 1839, on comptait 400 Irlandais dans le canton d’Hichinbrooke et plus de 800 dans la paroisse de Saint-Anicet. En 1842, plus de 2000 travailleurs irlandais venaient travailler au creusage du canal de Beauharnois.

LES ANGLAIS

Les Anglais se retrouvent un peu partout sur le territoire mais ils sont arrivés en groupe avec un pasteur protestant du Cumberland, Joseph Abbot, pour s’établir dans la seigneurie de Vaudreuil entre 1820 et 1838. Les villages s’appelaient Como, Hudson et Hudson Heights avant d’être regroupés sous le nom de Ville de Hudson, en 1969.

 

CONCLUSION

La cuisine du Haut-Saint-Laurent est toujours vivante dans les petits villages qui sont demeurés fidèles à leurs racines. Cependant, dans les villes plus importantes de la région et les villages banlieusards où les gens sont originaires de partout, c’est la même problématique que sur la Rive-Sud de Montréal. On ne trouve plus grand-chose du passé. La région a quand même créé des plats qui sont aujourd’hui sa signature. Les bouillottes de poisson, les grillades de Valleyfield, les soupes au maïs ou aux fèves jaunes avec du lait sont typiques de la région.