Les huitres
Les huitres sont des coquillages de couleur gris pâle et crayeux, extrêmement variés dans leur forme et leur grosseur. La seule huitre originaire de notre territoire est l’huitre américaine (crassostrea virginica); elle faisait partie autrefois de toutes les baies chaudes du golfe Saint-Laurent et de la Baie-des-Chaleurs. On la trouvait en particulier dans les estrans des rivières, peu profonds. Dans ces endroits, on pouvait compter de 10 à 100 huitres au mètre carré. Malheureusement, l’huitre américaine a été attaquée par une maladie infectieuse dans les années 1960, dans la baie de Malpèque, à l’Ile du Prince-Édouard. Il fallut alors créer des zones d’élevage pour la retrouver de nouveau sur nos étals. Au Québec, ce sont les iles de la Madeleine qui nous fournissent en huitres. Les autres huitres viennent des régions acadiennes du Nouveau-Brunswick et de l’ile du Prince-Édouard.
On mange des huitres depuis très longtemps. Les Grecs nous ont donné le mot ostra qui s’est transformé, en français, en huitre. Ils la mangeaient fricassée dans du miel avec du persil et de la menthe. Les Celtes les conservaient dans le sel pour les amener à l’intérieur des terres où ils la fumaient pour prolonger leur durée. Nos ancêtres vikings, puis normands, en étaient particulièrement friands.
Mon enquête révèle que les Québécois d'origine loyaliste ou américaine de même que ceux d'origine anglaise ou écossaise l’aimaient beaucoup. Les Gaspésiens, en particulier les Micmacs de Listuguj, les appréciaient depuis leur installation dans la baie des Chaleurs. Certaines familles les mangent encore fraiches, avec des herbes hachées et du vinaigre, à la vieille façon normande, en compagnie d'oeufs durs en tranches. La plupart de nos recettes d'huitres remontent au Moyen Âge et nous ont été léguées par les familles d'origine britannique ayant vécu pas très loin de la Côte de la Nouvelle-Angleterre et par les familles de la Baie des Chaleurs ou des iles de la Madeleine où les huitres américaines faisaient partie du décor. Les huitres étaient donc abondantes et souvent associées aux viandes, chez les Britanniques.
Cette façon d'associer les huitres à la viande remonte à Apicius, donc à l'époque de l'Empire romain. Jusqu'au XIXe siècle, on farcissait des dindes avec des huitres. Mère Caron, en 1840, propose un civet de lièvre aux huitres. Le bouillon de viande aux huitres était donc une coutume tout à fait normale pour l'époque. Aujourd’hui, les connaisseurs aiment les huitres nature, avec une pointe de citron ou de vinaigre ou en shooter avec un alcool puissant ou un vin acidulé.Les soupes aux huitres pochées dans du lait demeurent les soupes aux huitres préférées des connaisseurs. Consulter mon 2 e volume, Histoire de la cuisine familiale au Québec, la mer: ses régions et ses produits, de la page 640 à 652.