Le cerf ou chevreuil

Pourquoi la plupart des Québécois appellent-ils toujours cet animal, un chevreuil? C’est qu’en France, au Moyen Âge, ce sont les chevreuils qui parcouraient les forêts de chênes. La classe paysanne les connaissait, même si elle n’avait pas le droit de les chasser. Cet animal était réservé aux propriétaires terriens, donc aux seigneurs des lieux. Lorsque les Français émigrèrent au Québec, les chevreuils étaient pratiquement disparus des forêts françaises de sorte que les gens ordinaires avaient une vision vague et plutôt imaginaire de l’animal. Mais les gens plus instruits et plus connaisseurs de la nature savaient que l’animal québécois était plus petit que le chevreuil français. Jacques Cartier, Champlain, Pierre Boucher, le père Chaumonot et le voyageur français Galinée parlent tous de cerf et non pas de chevreuil. L’autre animal présent au Québec, nommé wapiti aujourd’hui, a été baptisé vache sauvage par les premiers colons français. Et vers 1670, comme la majorité des immigrants français était de classe paysanne, le mot chevreuil l’a remporté sur le mot cerf donné par les découvreurs du pays.

Notre cervidé préféré est baptisé, aujourd’hui, cerf de Virginie ou cerf à queue blanche. Le mâle pèse autour de 125 kg et la femelle à peine 60 kg. Ils sont en rut du début octobre à la fin novembre. Ils sont de plus en plus présents dans notre territoire à cause du réchauffement du climat. Ils aiment se rapprocher de l’humain, des clairières, des champs créés par lui parce qu’ils y trouvent plus de nourriture qu’en pleine forêt. Ils sont végétariens et adorent les jardins, les vergers où ils peuvent s’empiffrer sans problème. Les chasseurs de cerfs les attirent d’ailleurs avec des paniers de pommes gâtées ou des carottes.

À l’époque de la conquête, le cerf était le gibier le plus présent dans la plaine du Saint Laurent. C’est avec sa viande que les soldats de Montcalm était nourris, lors de la guerre contre l’Angleterre. C’était aussi l’animal préféré des Abénaquis, des Malécites, des Algonquins tout comme des Iroquoiens de Montréal. Les Franco-Québécois des Appalaches et de la Beauce en mettaient régulièrement au menu, au siècle dernier. Toutes les régions du Québec ont signalé sa présence, dans l’histoire. C’est donc un aliment identitaire du Québec, tout comme l’orignal et le caribou. On le cuisine traditionnellement comme le bœuf, en rôti, en steak, en rosbif, en ragout, en viande hachée pour faire de multiples plats comme le bœuf. On se rapportera à ce que je dis de cet animal dans mon 3e volume, Histoire de la cuisine familiale du Québec, la forêt, ses régions et ses produits, de la page 1057 à 1077.