Les potages de légumineuses
Je vous rappelle, d’abord, que les mots potage et potager viennent du mot pot. Ce plat de céramique ou de fer était de forme arrondie, avec une plus petite ouverture. On y faisait cuire principalement la soupe quotidienne composée de légumes du jardin et de céréales des champs environnants, toujours avec un morceau de gras ou une huile locale. Cette réalité quotidienne était tellement importante, qu’on a fini, en France, par nommer le jardin familial, potager familial. Les potages anciens cuisaient toujours longuement, souvent toute la nuit, à petit feu. Ils étaient prêts, au lever des gens qui allaient faire les travaux des champs. Mais au début du XVIIe siècle, les campagnes françaises n’avaient pas encore changé le nom de soupe pour le mot potage de sorte qu’au Québec, on parlait toujours de soupe, au début du XXe siècle, et non de potage.
Les Québécois instruits qui sont allé faire un séjour en France ou les communautés religieuses françaises et les chefs français qui émigrèrent chez nous, après la Révolution française, amenèrent le mot chez nous, au milieu du XIXe siècle. On commença donc à la trouver dans les premiers livres de recettes publiés au Québec, comme la Cuisinière canadienne, en 1840. Mais Mère Caron, en 1878, parlait encore dans son livre de recettes, de soupe à la purée plutôt que de potage. Peu à peu, le mot est entré dans l’usage avec cette distinction : le potage est essentiellement une soupe réduite en purée. Après la 2 e Guerre mondiale, en France, le mot potage a pris le dessus sur le mot soupe dans la plupart des grandes villes. On réservait le mot soupe aux traditionnelles chaudrées campagnardes non réduites en purée. En résumé, beaucoup de parlants-français confondent toujours les 2 termes. De mon côté, ma formation professionnelle de linguiste et d’historien de la langue m’incitent à retrouver la distinction originelle que l’on faisait entre une soupe, un potage et une crème. Pour moi, un potage, c’est une soupe réduite en purée. Une crème, c’est un potage auquel on ajoute du lait ou de la crème.
Les potages québécois de légumineuses remontent au temps des Iroquoiens du Saint-Laurent, donc au moins au XIV s siècle, dans la Plaine du Saint-Laurent. Les Hochelaguiennes (Montréalaises du XVIe siècle) faisaient cuire leurs haricots avec de la graisse de cerf, d’ours ou d’esturgeon, dans des pots de céramique, pendant toute la nuit, à petit feu, puis les pilonnaient grossièrement pour les manger plus facilement, en début de journée. C’était des potages de légumineuses! Les Français, en arrivant au pays, firent la même chose avec des pois secs et des gourganes séchées.
Voir les recettes de potages de légumineuses.