Les blasphèmes
Les blasphèmes sont des galettes de pain garnies de restes de viande ou de poisson improvisées par les bûcherons de la Minganie, entre les 2 Guerres Mondiales. La forte demande en bois pour la pâte à papier, après la Crise économique de 1929, incita des compagnies à venir s’installer en Moyenne-Côte-Nord. C’est ainsi que plusieurs villages forestiers sont nés sur toute la Côte-Nord. Les pêcheurs de la Côte y virent un moyen d’occuper leur saison morte par du travail forestier. On vivait à la dure dans des tentes chauffées par des petits poêles à bois et on devait se faire à manger sans trop de cérémonie. Des témoins de l’époque m’ont raconté que chaque bucheron se faisait de la pâte à galettes le matin pour déjeuner. Ces galettes se cuisaient dans la graisse de lard salé et on les mangeait avec une ou deux grillades le matin. Le soir on faisait généralement bouillir du petit gibier de la forêt, et le printemps, de la truite de ruisseau. Les restes de ces denrées étaient utilisés pour faire les blasphèmes. Ces derniers étaient des galettes de pâte sur lesquelles on mettait, en début de cuisson, un peu de poisson ou de gibier cuit la veille, puis qu’on repliait en demi-lune pour faire une espèce de chausson qu’on retournait quelques-fois pour dorer les 2 côtés du chausson et cuire complètement le centre garni du chausson. On le mangeait ensuite comme un sandwich, un peu comme le calzone italien. Dans les derniers temps, les hommes garnissaient leurs blasphèmes avec de la viande ou du poisson en conserve. Il faut dire qu’à la même époque, on ouvrait des conserveries de fruits de mer et de saumon sur la Côte-Nord. C’est cela qu’on apportait dans le bois. Ce plat original mériterait qu’on le fasse plus souvent aujourd’hui ! L’origine du terme demeure inconnue, mais on sait que les bûcherons étaient réputés pour jurer sans arrêt au point que les curés les appelaient parfois des blasphémateurs ou blasphémeux.