Les raisins rouges ou verts

Nos ancêtres français accordaient beaucoup d’importance à la vigne à cause du vin et de tout ce que le vin signifiait au plan religieux. Les missionnaires devaient en apporter en pleine forêt pour dire leur messe hebdomadaire. À cause de la difficulté de s’approvisionner en vin, ils essayèrent très tôt d’en planter dans leur jardin. Ce sont les Jésuites qui plantèrent les premières vignes européennes, en 1632 puis les Sulpiciens les suivirent à Montréal, en 1642. Les Jésuites en plantèrent même au Lac-Saint-Jean en 1680. François Verreault l’a confirmé au gouvernement du Bas-Canada, vers 1820 ; il disait avoir gouté aux raisins des vignes plantées par les Jésuites, presque 150 ans auparavant. Pehr Kalm raconte avoir vu, dans des jardins de Montréal, en 1749, du raisin vert presque blanc et du raisin brun rouge. Il racontait qu’on lui en avait servi sur un plat, lors d’un repas. Mais selon Kalm, on ne récoltait pas assez de raisin pour faire du vin. On devait le faire venir de France. Il y eut une cassure brutale lors de la Conquête par les Anglais. Seuls les riches marchands anglais pouvaient se payer du vin français. Le vin est réapparu sur nos tables seulement quand les Français purent revenir au Canada, vers 1830. En 1864, le gouvernement du Bas-Canada subventionna ceux qui voulaient planter de la vigne canadienne, hybride de la vigne européenne et américaine. En 1870, plusieurs cultivateurs de la Côte-du-Sud plantaient du raisin de table. Vers 1880, un horticulteur québécois réputé dans le monde, Charles Gibbs, plantait 47 variétés de raisins issus de cépage hybrides d’Europe et d’Amérique dans son verger de Saint-Paul-d’Abbotsford. Mes recherches m’ont révélé plusieurs expériences de plantations de vignes un peu partout au Québec, au XIXe siècle. Mais le froid combiné à une grande campagne contre l’alcoolisme a fini par éteindre les débuts enthousiasmants de la culture de la vigne, chez nous. Il fallut attendre les recherches de M. Jos Vandal de l’Université Laval, entre 1940 et 1970, pour voir apparaître enfin des cépages qui pourraient survivre à nos écarts de température. Ses étudiants eurent du succès avec le Minnesota 78, le Maréchal Foch, le Léon Millot et le Eona. Ces cépages étaient cependant plus destinés à faire du vin. Seul le vignoble Beaconsfield (Gallagher) établi à Pointe-Claire en 1977 avec 12 000 ceps de vigne, vendit une partie de sa récolte en raisin de table dans les marchés de Montréal. On peut se procurer du raisin de table québécois, si on va se balader dans les vergers québécois, lors de leurs récoltes au mois de septembre et d’octobre. On en trouve une quinzaine de variétés dans les vergers de Saint-Paul d’Abbotsford.