La bière
La bière a au moins 10 000 ans d’existence, du moins en Palestine, en Égypte et en Irak. Les archives découvertes à Sumer en répertorient au moins 10 variétés. Puis celles de Babylone en comptent 34 sortes. Il s’agissait de bières d’orge à fermentation naturelle à laquelle on ajoutait du miel, des herbes ou des épices pour éliminer son gout de levure. La bière était donc un remède qu’on donnait aux gens pour les calmer. 5 000 ans avant J.C., la bière avait atteint l’Europe centrale où vivaient les Celtes, les Slaves et les Germains qui en raffolaient. Chaque peuple avait cependant sa recette; les femmes celtes faisaient fermenter la bière dans des barils de chêne. L’orge malté qu’elles obtenaient s’appelait brace en langue celte. C’est ce mot qui donna naissance aux mots français brassin, brasseur et brasserie. Vers le XIe siècle, on ajoutait du houblon au brassin pour enlever le gout de levure.
Au Québec, c’est Louis Hébert, apothicaire de métier (pharmacien en termes modernes), qui enseigna aux premiers colons à se faire de la bière maison avec leurs restes de pain. En 1646, les pères jésuites construisaient la première brasserie du Québec, à Sillery; c’est le frère Alexandre, convers de la communauté, qui s’en occupait. En 1669, l’intendant Talon faisait construire une première grosse brasserie pour la population de Québec. Mais celle-ci dut fermer ses portes, faute d’acheteurs. Ce sont les pauvres qui aimaient la bière et ils n’avaient pas d’argent pour en acheter. Ils préféraient s’en faire à la maison, à peu de frais. Lorsque les Anglais ont pris le contrôle de la colonie française, en 1760, la bière prit du galon auprès des Franco-Québécois. Les officiers anglais l’adoraient. C’est d’ailleurs à ce moment-là que sont nées les brasseries. Les soldats anglais avaient le droit de consommer 5-6 pintes de bière par jour. Et cette bière anglaise était beaucoup plus forte que la bière française à 2-3 % d’alcool. Quant à la cuisine avec de la bière, elle est née sur les bateaux qui traversaient les océans. L’eau potable ne pouvait se conserver longtemps sur ces bateaux qui prenaient en moyenne 3 mois pour traverser l’Atlantique; on avait donc recours aux alcools comme la bière, le cidre et le vin pour se désaltérer et même faire boire les animaux. Les cuisiniers remplaçaient donc l’eau de cuisson par de la bière ou du vin. On en lira plus sur la bière dans mon 4e volume, l’Histoire de la cuisine familiale du Québec, la plaine du Saint-Laurent et les produits de la ferme traditionnelle, de la page 427 à la page 434.