La tomate
La tomate est statistiquement le légume le plus employé dans la cuisine québécoise actuelle. Elle est presque de tous les plats les plus aimés des Québécois contemporains, de toutes origines. Pourtant, sa consommation chez nous n’a pas plus que 150 ans! Faisons l’histoire rapide de son parcours avant d’arriver chez nous. Toutes les variétés de tomates actuelles sont issues de milliers de croisements entre plusieurs tomates sauvages originaires des Andes, entre l’état de l’Équateur et le nord du Chili. La tomate a donc été cultivée par les premières civilisations des Andes avant d’être exportées vers l’Amérique centrale, les Antilles et le Mexique. C’est au Mexique que l’équipage de Christophe Colomb y aurait gouté pour la première fois, en 1519, en sauce relevée avec du piment et des graines de courge broyées. La capitale aztèque avait plusieurs marchés de légumes qui offraient plusieurs variétés de tomates réservées à des recettes différentes. Selon le franciscain espagnol Bernardino de Sahagun qui a écrit Historia general de las cosas de Nueva España, cette sauce aztèque serait la première sauce tomate du monde. Elle datait déjà de plusieurs siècles, à Mexico. Il faut donc ensuite dire que ce sont les Espagnols qui ont apporté les graines de tomates et l’idée d’une sauce tomate en Espagne et en Sicile qui était alors une colonie espagnole et non une région italienne, comme aujourd’hui. De leur côté les Espagnols ont créé une nouvelle soupe tomate froide qu’ils apportaient aux champs, lors du temps des récoltes. Cette soupe est aujourd’hui bien connue, c’est le gaspacho. De leur côté, les Napolitains sont partis de la recette mexicaine pour développer leur propre sauce tomate en lui ajoutant un mélange d’herbes amères, des oignons et de l’ail frit dans de l’huile d’olive. Les pâtes et les pizzas, déjà très populaires en Sicile, commencèrent à être accompagnées de sauce tomate au milieu du XVIIIe siècle. Auparavant, les pâtes et les pizzas s’accompagnaient de sauce à la viande ou à la crème et fromage. Mais savez-vous que ce ne sont pas les Espagnols ni les Italiens qui nous ont initiés à la consommation des tomates?
Les tomates nous sont venues directement du Mexique par la voie nord américaine. En effet, lorsque les Européens ont commencé à longer la côte nord du Golfe du Mexique en cherchant un endroit pour installer une colonie espagnole, française ou anglaise, ils ont constaté que les autochtones locaux faisaient déjà la culture des tomates dans tout le sud des États-Unis. Les Anglais qui se sont installés les premiers en Virginie en 1604, en ont planté dans leurs jardins quand ils eurent goûté à la sauce tomate piquante que les autochtones leur faisaient. –Il faut dire que ce sont les autochtones locaux qui s’occupaient des jardins anglais. C’est ainsi que la tomate est peu à peu entrée dans les mœurs des gens du peuple avant d’avoir ses lettres de noblesse lorsque Thomas Jefferson décida de briser un tabou très puissant en en mettant sur sa table, en 1806. On commença à en voir de plus en plus en Louisiane, chez les Cajuns et les Créoles. En 1829, les tomates étaient de plus en plus fréquentes dans les marchés publics. Puis au milieu du XIXe siècle, les Italiens, les Portugais et les Grecs apportèrent leurs variétés développées chez eux. En 1847, le jardinier du Collège Lafayette de la ville d’Easton, en Pennsylvanie, aurait été le premier à mettre des tomates en conserve pour en vendre au grand public. L’idée de la mise en conserve des tomates fit le tour du monde, en quelques années. Vers 1875, chaque fermier du Québec, même au nord comme au Lac-Saint-Jean et au Saguenay, se partait des tomates dans la maison qu’il transplantait ensuite dans une serre chaude, avant de les mettre au jardin pour pouvoir se mettre des tomates en conserve pour l’hiver. Au moment du premier gel, les tomates vertes étaient ramassées pour faire le célèbre ketchup vert. Si on avait des grosses tomates vertes, on les cuisinait en tranches panées, en confitures ou en gratins avec du pain de maïs. On consultera mon 4 e volume Histoire de la cuisine familiale du Québec, la Plaine du Saint-Laurent et les produits de la ferme traditionnelle, de la page 798 à 817.