La moutarde préparée ou de Dijon
La moutarde est l’un des condiments les plus anciens des cuisines du monde. Il y a 3 000 ans, les Celtes cultivaient déjà de la moutarde pour accompagner le porc et le sanglier. Au Moyen Âge, en France, tout le monde se faisait de la moutarde en broyant des graines de moutarde blanches avec du verjus (jus de raisins encore verts, très acides). Cet acide assurait la conservation des propriétés piquantes de la moutarde. Au moment où les Français ont émigré au Québec, la moutarde était l’accompagnement principal des viandes, en particulier du porc fumé, du poulet et du pigeon. Les Autochtones invités aux repas des Français détectaient rapidement le gout fort de la moutarde et refusaient d’en manger, la considérant beaucoup trop forte; ni sel ni condiment ne venait modifier le gout de leurs aliments. Et la moutarde est restée bien ancrée dans les habitudes françaises de la grande région de Québec, des deux côtés du fleuve où on l’utilise, à toutes les sauces. C’est la moutarde de Dijon qui se rapproche le plus de la moutarde de la Nouvelle-France.
Lorsque les Allemands ont émigré massivement aux États-Unis, au milieu du XIXe siècle, le baseball commençait à attirer les foules au New Jersey et à New-York. Ils eurent l’idée de servir, comme chez eux, des petits pains garnis de saucisse fumée avec de la moutarde préparée à la manière de chez eux; les hots dogs étaient nés et devenaient l’un des premiers fast food de la planète. La moutarde allemande allait alors s’installer partout, avec ces hots dogs. Au Québec, cette moutarde préparée domine le monde des moutardes. Mais la vieille tradition française nous avait donné une moutarde plus forte que nous importions toujours de France, sous le Régime français, et que nous avons remplacée par la moutarde anglaise, au XVIII e siècle, toute aussi forte que la française. La moutarde allemande à hot dog était moins forte et préparée plutôt avec du vinaigre blanc. Les deux moutardes coexistent dans notre paysage culinaire actuel. Mais depuis le début des années 2 000, plusieurs artisans de chez nous ont créé de multiples interprétations de la recette de base. On en trouve parfumée au sirop d'érable, au miel, au whisky, au cidre, etc. C'est une belle occasion de renouveler nos recettes traditionnelles. On trouvera de l’information supplémentaire sur la moutarde dans mon 5e volume : Histoire de la cuisine familiale du Québec, le monde à notre table, ses cuisines et ses produits, p. 856 à 860.