La cuisine des Cantons de l'Est
Le paysage bucolique des Cantons de l’est, particulièrement tendre et frais lors de la floraison des vergers ou flamboyant de rouge et d’orange dans les alentours d octobre, a un visage bien humain depuis que les Loyalistes s’y sont installés, à la fin du XVIII e siècle! Mais auparavant, le territoire était-il habité? L’homme n’a pas attendu que la forêt mixte s’installe pour venir y vivre; il a suivi les cours d’eau installés à la fonte du glacier et est apparu dans la région de Mégantic, sur le bord du lac aux Araignées, il y a plus de 12 000 ans!
Le peuplement des Cantons de l'Est et leurs ethnies fondatrices
La région a été occupée par l’homme à partir de l’époque paléo-amérindienne ancienne, jusqu’au XVII e siècle. Les outils en chert découverts au lac Aux Araignées proviendraient du nord du Maine et du New Hampshire. Et l’on sait que les Paléo-amérindiens du Maine appartenaient à la même culture lithique que ceux des Grands Lacs. Les découvertes faites dans la baie Missisquoi nous prouvent que plusieurs familles amérindiennes campaient régulièrement dans cet espace, en particulier entre le XI e et le XVII e siècle. La présence d’un petit dépotoir alimentaire situé près d’un campement nous démontre que cette famille consommait beaucoup de poissons qu’elle faisait rôtir sur le feu, puisque les arêtes sont carbonisées. La présence de poteries appartenant à la culture iroquoienne de la plaine du Saint-Laurent nous amène à penser que la région riveraine du lac Champlain devait être l’un de leurs lieux de prédilection pour la pêche. On se souviendra que les Iroquoiens de la grande plaine de Montréal étaient de grands amateurs de poissons : ces derniers passaient avant le gros et petit gibier si aimé des nations algonquiennes. Lorsque l’agriculture est entrée dans leurs coutumes, le poisson demeura toujours l’assaisonnement préféré de leurs potages et ragoûts de haricots, maïs et courges.
Les Abénaquis de l’Ouest occupaient la côte de la Nouvelle-Angleterre de même que ses affluents, de la rivière Penobscot à la rivière Hudson. Chaque rivière avait son groupe abénaquis partageant, grosso modo la même langue et les mêmes traits culturels, mais avec, sans doute, quelques différences culinaires qui venaient des différences de l’environnement et de l’approvisionnement alimentaire. Ces groupes s’appelaient les Sokokis, les Cowasucks et les Penacooks. Ils venaient chasser dans les montagnes du Nord et se rendaient occasionnellement au Québec par les rivières Chaudière, Saint-François, Bécancourt, Nicolet, et parfois Richelieu. Se voyant de plus en plus repoussés de leur territoire ancestral par les nouveaux colons britanniques qui prenaient leurs plus belles terres agricoles, les Abénaquis affamés et révoltés s’allièrent aux Français contre les Anglais. Et l’on connaît la suite : les Abénaquis se sont retrouvés de plus en plus souvent au Québec où ils furent invités par les Français, vers 1660, à venir s’y établir. Par conséquent, les rives de la rivière Chaudière, Nicolet, Bécancour et Saint-François virent quelques familles abénaquises faire le commerce des fourrures avec les Français et pratiquer un peu d’agriculture, comme c’était leur coutume. La ville de Sherbrooke accueillait, en 1724, un poste de traite des fourrures pour eux. Mais leurs campements dans la région étaient de courte durée. Cependant, un certain nombre d’entre eux vivaient dans le village fortifié établi en 1731, à la tête du lac Champlain, qui s’appelait Fort Saint-Frédéric. Ils vivaient là avec des Mohicans et quelques Français.
Pour affirmer davantage la présence française dans la région du lac Champlain, le gouverneur de la Nouvelle-France décida, à partir de 1733, d’y concéder quelques seigneuries. En 1735, Nicolas-René Levasseur commençait à faire couper du bois sur le bord du lac Champlain et à le faire flotter sur la rivière Missisquoi pour l’amener à Québec où il était responsable de la construction des bateaux de la Nouvelle-France. En 1737, le seigneur Foucault accueillait comme censitaires, 6 familles françaises qui allaient fonder le premier village européen de la région. Ce village s’appelait Missisquouy — qui signifie en abénaquis : «là où il y a beaucoup de sauvagine»)— ; on y pratiquait l’agriculture de survie sur environ 7 hectares et l’on avait même un petit moulin pour y moudre le blé pour faire le pain quotidien. Mais, en 1741, le gouverneur reprenait possession des seigneuries parce que la grande majorité d’entre elles n’étaient pas capables de recruter des censitaires pour s’y établir. Deux ans plus tard, on reconcédait les seigneuries de Noyan et de Foucault en les agrandissant. Cette fois-ci, les Jésuites venaient offrir les services religieux aux Abénaquis et aux colons français. La même année, Nicolas-René Levasseur recevait la seigneurie de Saint-Armand, sur la rive est de la tête du lac Champlain. Cette seigneurie s’étendait même au-delà du 45 e parallèle, au Vermont actuel. En 1754, il construisait le premier moulin à scie de la région, à la première chute rencontrée en remontant la rivière Missisquoi. L’intendant de l’époque, Hocquart, voyant la richesse de ce territoire qui allait devenir les Cantons de l’Est, songeait même à y développer la coupe du pin blanc et du chêne pour la marine française. C’est ainsi qu’il envoya deux ancêtres de ma femme établis dans la région de Nicolet, Noël Langlois dit Traversy et Pierre Abraham dit Desmarets, explorer les rives de la rivière Saint-François pour y faire le relevé des richesses forestières.
La cuisine française de l’époque pratiquée dans la région montréalaise et montérégienne était beaucoup plus diversifiée qu’on pourrait se l’imaginer. En plus du blé, on semait toujours dans les abattis qu’on venait de faire, de l’orge, de l’avoine et du seigle. Le sarrasin était aussi courant dans ces régions depuis la fin du XVII e siècle. Les herbes occupaient une large place dans le jardin potager parce qu’elles entraient dans la fabrication des soupes-repas, tout au cours de l’été. Elles amenaient de la variété à la soupe de base faite au lard salé ou au beurre, avec de l’orge, des pois ou du riz. Les Français de Missisquouy devaient aussi chasser abondamment les oiseaux sauvages qui fréquentaient le lac Champlain. On se souviendra que les ragoûts d’oiseaux sauvages ou domestiques étaient parmi leurs mets préférés avec le bouilli d’oiseau aux légumes (poule au pot). Le contact fréquent avec les Abénaquis devait, de plus, entretenir le goût pour les légumes amérindiens comme le maïs, la citrouille et les haricots, ainsi qu’en font foi les témoignages de l’époque.
Mais les années 1745 à 1748 allaient installer un état de guerre permanent dans la région puisque la France et l’Angleterre se chamaillaient pour la succession de l’Espagne. Les Abénaquis et quelques Français allaient faire des expéditions sanglantes en Nouvelle-Angleterre. Et en 1756, la guerre éclatait officiellement entre la France et l’Angleterre. Malgré quelques victoires, comme celle de Carillon (Ticonderoqua dans l’État de New York), la France perdit la guerre. Lors de la guerre de la Conquête, en 1759, le village d’Odanak où s’étaient réfugiés les Abénaquis de la baie Missisquoi, fut attaqué par surprise par les Rangers de Rogers et les quelques survivants du lieu durent se sauver en forêt pour survivre. À partir de ce moment-là, on ne vit plus d’Abénaquis dans les Cantons de l’Est. Avec la conquête, quelques Français ont décidé de s’installer dans des lieux éloignés pour y pratiquer, en plus de l’agriculture de survie, la chasse, la trappe et la pêche : ce fut le cas de Jean-Baptiste Nolin qui vint se construire une ferme, en 1779, à Shacewanteku qui allait devenir Sherbrooke avec l’arrivée des Loyalistes du Vermont en 1793. La région de Missisquoi, quant à elle, serait abandonnée par les habitants qui l’occupaient sous le Régime français. C’est la Guerre de l’Indépendance américaine, de 1775 à 1781, qui ramena des gens dans la région. Au moins 40 000 personnes décidèrent alors de traverser au Canada, colonie anglaise depuis 1763. Les premiers Loyalistes (restés fidèles à l’Angleterre) vinrent s’établir en squatters dans l’ancienne seigneurie de Saint-Armand. — Cet établissement a d’ailleurs servi de base de raids guerriers contre les partisans de l’indépendance américaine. Mais le gouverneur Haldimand n’était pas d’accord avec cette installation : il avait peur des incidents qui pourraient arriver entre les deux factions de même origine, devenues ennemies, ou au contraire, de l’installation de la contrebande ou du commerce illicite entre les deux nations. Cette prise de position fut toutefois annulée en 1791, au moment où le Gouvernement songeait à ouvrir de nouvelles terres à la colonisation derrière les seigneuries. En 1792, il instaurait le régime des Townships, comme en Angleterre. 90 townships étaient offerts au marché immobilier, à l’est de Montréal, d’où le nom de Eastern Townships. Plusieurs Loyalistes, considérés comme des leaders dans leur communauté, viendraient se choisir un township pour s’y établir avec un certain nombre d’associés. Le gouvernement canadien leur concéderait la terre à la condition qu’ils prêtent serment d’allégeance à l’Angleterre. Cependant, plusieurs Américains fortunés y verraient une occasion en or de faire de la spéculation et viendraient acquérir des terres immenses qu’ils ne développeraient pas, mais qu’ils vendraient, par la suite, à fort prix, aux nouveaux arrivants. De sorte que plusieurs Loyalistes honnêtes se verraient privés des plus belles terres des Cantons de l’Est. Certains ont dû mener une lutte sur plusieurs années pour y faire valoir leurs droits, auprès d’un gouvernement indifférent à leur fidélité patriotique. Les démarches pour obtenir les droits de propriété ont été, la plupart du temps, très longues, et nombreux, sont les Loyalistes qui sont venus s’établir en squatters sur les terres demandées, en prenant le risque de tout perdre si la terre était réservée à quelqu’un d’autre. Disons, d’abord, que les Loyalistes sont entrés au pays par les cours d’eau principaux de la région, soit le lac Champlain et le lac Memphrémagog, puis qu’ils ont pénétré le territoire par tout ce qu’il y a de rivières et de lacs dans la région. La plupart étaient originaires du Vermont, du New Hampshire, du Connecticut et du Massachussetts. À part quelques squatters établis dans la baie Missisquoi dans la seigneurie de St-Armand, dès la déclaration de l’Indépendance américaine, on peut dire que les Loyalistes et même des Américains ayant combattu l’autorité anglaise, traversèrent s’installer au Canada, à partir de 1792. Le flot d’immigrants américains continua ainsi jusqu’ à la guerre de 1812 entre l’Angleterre et les États-Unis. Cette année-là, ils étaient 18 000 à avoir traversé la frontière. Mais beaucoup d’entre eux, quitteront la région par la suite, à cause de nombreux événements climatiques qui réduiront leur travail à néant comme des feux de forêt ou des gels hâtifs. Une soixantaine de villages furent ouverts par des Loyalistes, de 1782 à 1812, lors de la guerre anglo-américaine.
Je vous donne, ici, le résumé du voyage de la famille quaker de Nicolas Austin qui vint fonder le village d’Aston en 1793, près du site actuel de l’Abbaye de Saint-Benoît-du-Lac. Ce résumé fut fait par l’archiviste Mgr Albert Gravel de Sherbrooke : «La courageuse caravane partit de Middleton, N. H., longeant le lac Winnepesaukee, pour passer par Plymouth, contourner les Montagnes Blanches et atteindre North Haverhill: puis, pénétrant dans les Grants (Vermont), en se dirigeant par Danville, Hardwick, Craftsbury, Irasburg, Newport, pour aboutir à la pointe Gibraltar, tête du lac Memphrémagog, soit un trajet d’environ 200 milles en neuf jours. Nicolas Austin avait tracé sa route d’avance dans le but de loger chez des amis qu’il connaissait bien. Et durant l’hiver? Parce que les cours d’eau et les lacs étant gelés, les bœufs marchaient d’un pas régulier dans un 2 1/2 pieds de neige. Ce n’est que quatre ans après, qu’il reçut 62 621 âcres de terre dans Bolton. Des associés et des amis vinrent se joindre à lui.» Les Loyalistes n’avaient pas le choix d’être industrieux pour survivre à cet endroit. Ils étaient souvent très isolés de leurs voisins, sans route et sans magasin. Ils devaient tout faire avec les moyens du bord : sceaux, assiettes, ustensiles, nappes et linge de table sans parler des meubles, des vêtements personnels, des couvertures pour le lit, le linge du bébé et des enfants. Les premiers devaient même se faire des briques pour bâtir leur foyer et sa cheminée. Ils n’avaient pas de four à pain, et devaient cuire ce dernier dans une grande casserole en fer noir sur pieds, qui possédait un couvercle concave dans lequel la cuisinière mettait de la braise pour amener de la chaleur tout autour du pain, comme dans un four. On devinera que le procédé était long et que le pain de blé était plutôt rare sur la table. On lui préférait les plats faits avec de la farine de maïs qu’on pouvait cuire à la vapeur dans une casserole remplie d’eau suspendue à la crémaillère. Les galettes, les scones, les crêpes étaient aussi souvent utilisés en guise de pain. Et plusieurs n’avaient qu’une plaque de métal, appelé un griddle qu’ils mettaient simplement sur les chenets du foyer lorsque les braises étaient à point pour la cuisson. De plus, les soupes-repas à l’orge, au gruau d’avoine, aux pommes de terre, aux légumineuses de même que les gruaux d’orge, d’avoine et de seigle et les crêpes de sarrasin, de blé, d’avoine, de pommes de terre râpées ou en purée étaient aussi très fréquentes. Tous ces plats pouvaient se faire rapidement et n’occupaient pas la cuisinière une bonne partie de la journée, comme l’exigeait la cuisson d’un pain de blé. De plus, les premiers colons loyalistes profitaient beaucoup du poisson et du gibier de leur environnement. Au moment de leur arrivée, il y avait beaucoup d’orignaux, de caribous des bois, du cerf et même encore du wapiti. À ce propos, Cyrus Thomas qui a écrit Contributions to the History of the Eastern Townships, raconte qu’un Loyaliste du nom de Jenne, avait abattu, à l’hiver 1789, six orignaux dans la baie de Missisquoi, à Saint-Armand. Cela faisait de la viande pour plusieurs familles, avec les autres provisions ramassées! Et les ours s’ajoutaient au garde-manger lorsqu’ils venaient rôder autour de la ferme de même que les oies et les canards nombreux sur le lac Champlain. Souvent, on semait même les premières céréales dans les endroits que les castors avaient inondés : on éliminait d’abord les castors dont on récupérait la fourrure et la viande pour un stew, et l’on détruisait le barrage qu’ils avaient fait, puis on asséchait le tout en enlevant les plus grosses souches qui restaient et l’on plantait des pommes de terre, de l’orge, de l’avoine, du maïs et du blé. Pour ce qui est du maïs, les Loyalistes utilisaient, grosso modo, les techniques amérindiennes de culture. Comme eux, on associait cette culture à celle des haricots et des courges et citrouilles. Même encore aujourd’hui, la courge occupe beaucoup de place dans la cuisine des familles d’origine loyaliste. Et les Loyalistes sont certainement ceux qui ont le plus contribué à préserver l’héritage culinaire de la culture iroquoienne pratiquée par les Hurons, les Mohawks et les Abénaquis. Plusieurs familles de souche loyaliste, particulièrement celles qui habitent près de la nature encore sauvage, font le spoon cake à la semoule de maïs qui est une variante de la célèbre sagamité, de même que le succotash, une autre variante des fèves au lard, sans oublier les ragoûts de castor, de porc-épic, de raton laveur et de rat musqué qu’on parfumait à la sauge et à la muscade. Ces ragoûts cuisaient dans l’âtre dans un chaudron de fer, et on les couvrait de cuillérées de pâte molle (dumplings ou grands-pères) en fin de cuisson. Cette cuisine s’est enrichie, peu à peu, des produits qu’on allait chercher à Richford, au Vermont, à Pierreville ou Trois-Rivières ou Montréal, quand on habitait plutôt les townships plus à l’ouest. Lorsque la ferme était installée, grosso modo, on continuait à couper du bois franc dont on entreposait les madriers et les planches, et dont on brûlait les déchets pour faire de la cendre, de la potasse et de la perlasse. Au marché de Montréal, une poche de cendre de 100 livres rapportait 15$ : ce qui était un très gros montant pour l’époque. Et l’on apportait aussi des produits de la ferme comme du beurre, des œufs, du fromage, du porc et du bœuf salé, des pommes de terre, et parfois des animaux entiers comme des cochons de lait ou des agneaux. En retour, on ramenait du sel, de la farine de blé, de la mélasse, de la cassonade, des épices, des fruits secs ou confits, du thé et du whisky. Tous ces produits étaient, au début, transportés à dos d’homme ou de cheval dans des sentiers très étroits, et plus souvent, sur des traîneaux conduits par des bœufs de trait sur les rivières gelées, pendant l’hiver.
Les choses se sont améliorées avec le temps avec l’arrivée, entre autres, du chemin de fer dans la région de même que tous les produits nouveaux désormais accessibles au plus grand nombre. L’arrivée des poêles munis d’un four fut capitale pour la cuisine des fermiers de la région. J’aimerais, en terminant cette description de l’apport des Loyalistes dans la fondation de l’identité régionale des Cantons de l’Est, vous donner quelques souvenirs d’une enfance passée à Dunham, dans une maison loyaliste. C’ est H. Watson qui parle, entre 1868 et 1870 (traduction libre) : «La maison où je suis né possédait un salon, une chambre à coucher, une cuisine et un grenier. Au bout de la maison, il y avait un grand foyer avec âtre et un poêle avec four. Le divan-lit (bunk) servait de sofa pendant le jour et s’ouvrait pour faire un lit, la nuit. Le grand lit avait l’air d’une meuble garde-robe pendant le jour et était abaissé pendant la nuit. Le premier poêle, un Wainright, (originaire du Vermont), avait un seul pont (étage) à l’arrière, avec un grand rond sur lequel on mettait une grosse bouilloire en laiton. En avant, il avait deux étages et deux petits ronds à l’avant, le summum pour un poêle!. Deux réservoirs d’eau chaude, ovales, étaient suspendus de chaque côté. L’étage du dessous contenait le feu et la réserve de bois. (Le texte ne parle pas du four, mais celui-ci devait être situé à l’avant où se trouvait les deux étages.) Le foyer, quant à lui, avait, sur le côté, une barre de fer (amovible) (crémaillère en français), attachée au mur permettant de suspendre au-dessus ou en dehors du feu, une bouilloire pour le thé et des chaudrons de fer utilisés pour la cuisson des légumes, chacun avec des couvercles bien étanches. Et devant le feu, se trouvait un four en tôle appelé un baker. constitué d'un plateau de fer sur quatre pattes, six pouces (15cm) au-dessus des braises. Sur ce plateau, un demi toit en tôle polie s'ouvrait du côté du feu, grâce à des pentures situées à l'arrière. Cela reflétait la chaleur sur le dessus du gâteau pour le cuire, pendant que les braises souvent renouvelées, le cuisaient par le bas. Une grosse marmite sur trois pattes, avec un couvercle creux contenant des braises sur le dessus, et des braises empilées en-dessous, cuisait un ragoût ou faisait bouillir un pouding à la vapeur pour dîner.» Et l’auteur parle ensuite de quelques plats faits avec le maïs: «Le maïs était parfois moulu grossièrement à la maison, dans un moulin fait pour cela, et cette mouture grossière, une fois bouillie sur le feu pendant longtemps, formait un pudding nommé pomeny. Une autre façon (de le cuisiner) consistait à faire tremper les grains (séchés de maïs) dans de la lessive de cendres, et ensuite de les faire tremper dans de l'eau jusqu'à ce que l'enveloppe du grain s'enlève avant de les faire bouillir jusqu'à ce qu'ils soient tendres. Ceux-ci étaient mangés avec du lait ou de la mélasse, et étaient très appréciés des plus jeunes comme des plus vieux. Cette préparation se faisait normalement après la fabrication du savon, en utilisant (pour faire gonfler le maïs) ce qui restait de la lessive de cendres, (au fond du grand chaudron de la lessive).» Cette technique était aussi connue des francophones de la Vallée du Saint-Laurent et de l’Acadie puisque leurs voisins amérindiens leur avaient aussi enseigné la technique de trempage et de gonflement des grains. Mais l’importance des légumes amérindiens dans la cuisine loyaliste allait redonner vie à cette cuisine déjà pratiquée dans les débuts de la colonie française. Les Cantons de l’Est loyalistes ont joué un grand rôle à cet égard pour remettre ces produits sur la table québécoise, de même que tous les plats créés en Nouvelle Angleterre qui sont entrés au Québec par leur intermédiaire massif.
Parlons maintenant des Irlandais des Cantons de l’Est. Les premiers sont arrivés à Québec d’abord, puis par la Beauce, sont entrés à l’intérieur des terres dans les cantons proclamés en 1802. Ils sont à l’origine de plusieurs villages du nord-ouest des Cantons de l’Est qui sont, aujourd’hui, rattachés à la grande région de Beauce-Appalaches, du côté de Thedford Mines. En 1807, ils s’établissaient dans une partie du township d’Ireland, avec leur leader Amos Hall. Mais les conditions de vie étaient difficiles. On allait vendre le surplus de ses productions agricoles à Québec ou à Sainte-Marie-de-Beauce, quand on pouvait se payer un cheval, mais lorsque la famille grandissait, il fallait aller chercher du travail ailleurs. C'est pourquoi plusieurs jeunes Irlandais venaient travailler à Lévis et à Québec. Ils sont aussi venus nombreux à Sherbrooke pour travailler dans les premières manufactures. J’ai parlé à de nombreuses reprises des apports irlandais à la cuisine québécoise.
Les premiers Écossais des Cantons de l’Est sont arrivés à peu près en même temps que les premiers Irlandais. On se souviendra que le Royaume-Uni était en guerre contre les États-Unis, en 1812. Une fois la guerre terminée, les soldats britanniques ont été démobilisés et l’on a offert aux soldats qui le voulaient, la possibilité de venir s’installer dans les Cantons de l’Est, avec une allocation de départ. Plusieurs parmi eux sont allé chercher leur famille et se sont installés, pas très loin des Irlandais, dans le nord-ouest de la région. Inverness fut fondé par eux en souvenir de leurs Highlands natals. D’autres Écossais choisirent les townships ou les municipalités de Marston, Piopolis, Hampden, Lingwick (Scotstown), Bury, Stornoway, Saint-Romain, Winslow et Whitton, autour du lac Mégantic, La très grande majorité d’entre eux venaient directement des Îles Hébrides au nord-ouest de l’Écosse, en 1838 et 1841. Ils ne parlaient que le gaélique. Entre 1851 et 1855, 300 autres Écossais arrivaient de l’île de Lewis. Et, en 1863, 73 autres s’ajoutaient aux 4 premiers groupes d’immigrants, suite à une famine en Écosse. Leur installation dans les Cantons de l’Est a été un choc culturel important pour eux; ils n’avaient plus la mer pour les nourrir et le mouton avait peu de place dans la cuisine locale. Ils s’adaptèrent malgré tout rapidement en apprenant à élever du cochon et à faire du sirop et du sucre d’érable comme tous leurs voisins. Habitués à la vie dure du nord de l’Écosse, ils s’en sortirent mieux que beaucoup d’autres habitués à un climat plus doux. Ils furent plus de 1 000 Écossais à immigrer dans la région. L’historien Jean-Pierre Kesteman, dans Les Ecossais de langue gaélique des Cantons de l’Est, nous donne un aperçu très juste de la cuisine des Écossais des Îles Hébrides : «L’âge pionnier reposait sur une diète de patates et de farine d’avoine (oatmeal). A la différence de la vie à Lewis, l’élevage, même modeste, donnait cependant une possibilité aux immigrants écossais d’améliorer leur diète, du moins en été et en automne, grâce au lait, à la crème, au beurre, aux œufs et au fromage. La coutume de Lewis de conserver, pour l’hiver, dans des cruches, une partie du beurre d’été en le salant se maintint. Quand il n’était pas donné aux cochons, le petit lait constituait une boisson fraîche. Le lait suri pouvait aussi être réchauffé, filtré et transformé en une sorte de cottage-cheese. Les scones constituaient, d’abord seuls, puis plus tard avec le pain, la base de l’alimentation des familles écossaises. Ils étaient faits à partir de divers types de farines: farine blanche, farine de blé entier, farine d’orge, farine d’avoine. On y ajoutait du petit lait, un peu de sel, de sucre et du soda à pâte. Chaque ménagère utilisait des recettes familiales traditionnelles. La cuisson se faisait plus souvent sur la plaque du poêle que dans le four. C’était d’ailleurs aussi le cas pour les crêpes de sarrasin (slabaichean). Ces crêpes se mangeaient parfois avec du porc frit. La ménagère devait être capable de fournir toute la tablée de piles de plusieurs pouces de haut de ces fines crêpes de sarrasin. Elle devait pouvoir verser sur la plaque brûlante du poêle, l’une après l’autre, une vingtaine de mesures de son mélange, et sitôt la dernière mesure versée, revenir à la première crêpe pour la retourner et ainsi de suite. Il semblerait que le moulin Legendre de Stornoway, qui fonctionna jusque dans les années 1940, fournissait une farine de sarrasin parfaite.»
Quant aux Anglais, l’après-guerre de 1812 en amena plus de 1 000 aussi. On les retrouvait surtout dans les postes administratifs, dans le clergé protestant, chez les professionnels et chez les marchands. Sherbrooke et Lennoxville en ont accueilli plusieurs. Quelques villages cependant regroupaient des Anglais de toutes les conditions sociales, en particulier des simples soldats démobilisés qui, sur le tard, devenaient agriculteurs. Rock-Forest a été colonisé par des Anglais, Granby aussi. Mais c’est Saint-Edwidge-de-Clifton qui reçut le plus d’Anglais d’un seul coup; 350 Anglais de la ville de Gloucester, au sud-est de l’Angleterre, sont débarqués dans le village en 1851. On connaît bien l’impact qu’ont eu les Anglais sur la cuisine québécoise, après la Conquête. J’ai parlé des recettes qui sont passées dans nos usages culinaires dans mon premier volume. Je ne veux donc pas me répéter inutilement. Cependant, la liste régionale des recettes en témoignera largement.
L’arrivée du train dans la région, en 1852, facilita l’immigration francophone dans la région et favorisa l’arrivée de nombreux produits alimentaires américains puisque le train partant de Montréal passait par Sherbrooke et se rendait jusqu’au port de Portland, dans le Maine. C’est aussi à ce moment-là que plusieurs anglophones installés, dès la première heure dans la région, décidèrent de la quitter pour l’Ouest canadien, comme je l’ai dit plus haut. Les Canadiens-français achetaient leurs terres. Ces derniers venaient surtout de la Montérégie (Saint-Hyacinthe, Saint-Césaire, Rougemont, Beauharnois), de la Beauce, de Montréal, du Centre-du-Québec, de Québec et de la Côte-du-Sud. Dans leur cas, on peut parler de véritable envahissement quand on regarde les statistiques. Entre 1850 et 1871, 106, 400 Canadiens-français sont entrés dans la région; en 1901, ils étaient 185 000. En 1931, les Anglophones de toutes origines confondues ne représentaient plus que 16% de la population totale des Cantons de l’Est! Si les premiers Canadiens-français sont venus pratiquer le métier de fermier, ceux qui les ont suivis sont venus pour travailler en forêt dans les moulins à scie et à papier de même que dans les manufactures des jeunes villes industrielles ou dans les mines. Ils se retrouvèrent nombreux dans les premiers villages miniers de la région de l'Amiante, Black Lake (anciennement Desjardins) et Thetford-Mines.
Parlons aussi de quelques groupes de Français qui se sont installés dans la région. En 1861, un groupe de Nantes venait défricher une partie du canton situé au nord-ouest du lac Mégantic et ils appelaient leur village du nom de Nantes en l’honneur de leur ville d’origine. Leur goût pour l’agneau les amena certainement à partager l’élevage du mouton avec leurs voisins écossais de la région.— Le lamb stew écossais ou le irish stew ont leur équivalent français qui s’appelle un navarin. La plupart des gens travaillaient pour une Société française d’exploitation forestière. En 1876, Bolton-Ouest s’appelait French Church parce qu’un groupe de protestants français étaient venus s’y établir. En 1880, un groupe originaire de Channay-sur-Lathan, en Anjoue, venaient commencer un défrichement à Saint-Augustin-de-Woburn. Le premier Chicoine du Québec faisait partie du groupe. Ils étaient rejoints, 7 ans plus tard, par un autre groupe de leurs compatriotes. Ces gens n’eurent pas de difficulté à s’intégrer à la communauté canadienne-française qui arrivait à ce moment-là dans les Cantons de l’Est car les deux partageaient un certain nombre de traits culturels et même de recettes traditionnelles. Je pense entre autres aux rillons de Touraine, aujourd’hui traduits par cretons français, dans nos boucheries, faits à base de cubes de porc cuits longuement dans la graisse de panne de porc. Les moines bénédictins, d’origine française, arrivés en 1912, ont eu et ont toujours un impact important au niveau alimentaire avec leurs fameux fromages, en particulier leur bleu! Signalons, en terminant, l’arrivée de deux pâtissiers français qui se sont installés dans un petit hameau nommé Villette, pas très loin de la frontière américaine, au sud-est de Coaticook. Ils s’appelaient Clément Blanc et Charles Brechull. On ne saurait dire si c’est la dent sucrée des Loyalistes qui les a attirés là!
Je termine ma liste des fondateurs de la région en parlant de la présence de plusieurs descendants de Scandinaves, de Hollandais et d’Allemands dans la région, amenés par la BALCO (Société de colonisation). Citons, en particulier, un groupe de 16 familles de Norvégiens qui vinrent rejoindre, en 1876, un premier groupe de compatriotes installés à West Ditton, près de La Patrie, au sud du Parc du Mont Mégantic, et un autre petit groupe installé dans le canton de Bury, dans le village de Robertsonville. Quelques recettes originaires de leur pays font partie de ma collection. Et pour terminer, je ne voudrais pas oublier un petit groupe de Franco-américains qui ont fondé le village de La Patrie en 1870.
Lorsque les mines prirent de l'expansion entre 1900 et 1910, les Irlandais et les Canadiens-français furent les premiers ouvriers engagés. Mais les compagnies minières durent faire appel à des mineurs étrangers qui sont venus surtout d'Europe. Il faut citer des Anglais originaires des régions minières de la Grande-Bretagne comme la Cornouaille et le Pays de Galles, mais aussi plusieurs Slaves venus de l’ancien Empire austro-hongrois ou de Russie. Ces gens se sont installés surtout dans le nord-ouest de la région à Thedford-Mines, Asbestos, Black Lake, Coleraine, East-Brougton, pour les mines d’amiante. Les Ukrainiens furent les plus nombreux à Thetford Mines. Comme ils étaient de religion catholique, ils fréquentèrent beaucoup les Canadiens-français. Leurs enfants allaient à l'école ensemble, ils allaient à l'église ensemble, ils se demandaient les uns les autres comme parrains de leurs enfants, puis ils s'associèrent ensemble lors des premières grèves syndicales. C'est l'Église catholique qui mit un frein à ces échanges cordiaux parce qu'elle avait une peur bleue du communisme dans les syndicats. Elle fonda un syndicat catholique et s'organisa pour éliminer les Ukrainiens, peu à peu. Cela fait partie des nombreux faux pas de notre Église nationale, au cours de notre histoire. Les Ukrainiens ont fini, n'ayant plus d’emploi, par quitter la région vers l'Ontario et l'Ouest canadien. Il n'en reste pratiquement plus dans les Cantons de l’Est. Cependant, quelques plats slaves sont encore faits dans les familles. Je pense aux nombreux plats de boulettes de viande en sauce avec des pâtes, aux cigares au chou, au goût pour les aspics au chou, au saumon ou au brochet ou doré, et aux nombreuses salades de pommes de terre et de macédoine à la mayonnaise ou de plats d'œufs durs à la mayonnaise et au fromage cottage.
Leurs garde-manger
Le garde-manger sauvage
Comme je l’ai dit plus haut, les Cantons de l’Est ont été jadis un territoire extrêmement giboyeux et diversifié. Les abords du lac Champlain et des grands lacs de la région ont toujours attiré de nombreux oiseaux de rivage, de nombreuses espèces de canards et les grandes oies, lors de leurs migrations. On peut observer, au lac Brome, de grands rassemblements de goélands, au mois d’avril, de même que de magnifiques voiliers de bernaches à l’automne. Le mot missisquoi, comme on l’a dit, est un mot abénaquis qui rappelle la présence des oiseaux aquatiques. Philipsburg et Frelighsburg sont des lieux où la chasse au canard s’est beaucoup pratiqué, mais aujourd’hui, on a plutôt installé des sites de protection et d’observation de ces derniers; la région possède 23 aires de concentration d’oiseaux aquatiques. Et l’on peut observer 253 espèces d’oiseaux dans la région.
Les premiers colons de la région se nourrissaient de tout le gros gibier qu’ils rencontraient. Mlle Margaret C. Philips de Mystic raconte que l’un des fondateurs de son village avait été attiré là, à cause de la présence de plusieurs variétés de gibier : «Bears, wolves, deers, otters, beavers, foxes, sables, mink, etc., were numerous in the forest». Un Loyaliste raconte qu’un jour, en voulant embarquer une poche de maïs dans son canot pour aller la faire moudre au moulin, il avait trouvé un ours dans l’eau en train de pêcher. C’est un Franco-québécois du nom de Jean-Baptiste de la Plante qui avait tué l’ours avec une hache. Les deux s’étaient retrouvés avec une bonne quantité de viande pour les jours suivants! Aujourd’hui, on ne chasse plus vraiment ces animaux sinon un peu dans la partie montagneuse de la région, au nord-est. Cependant, le cerf y est assez abondant, dans les aires qui lui sont réservées puisqu’on en compte 10 au kilomètre carré, dans les 34 aires qui lui ont été conférées, dans le sud de la région.
Le poisson sauvage demeure l’aliment naturel le plus accessible au pêcheur. La rivière Saint-François et ses affluents a longtemps été le principal garde-manger des colons qui se sont établis dans la région. Il faut dire, d’abord, que jusqu’à la fin du XIX e siècle, le saumon de l’Atlantique, l’éperlan et l’alose savoureuse remontaient la rivière et ses affluents très haut en amont. Ce sont les barrages construits par l’industrie forestière qui mirent un terme à cette montaison. Par après, on dut se contenter des poissons d’eau douce présents sur place : omble de fontaine (truite mouchetée), laquaiche argentée, achigan à petite bouche, perchaude, brochet maillé, maskinongé, grand brochet, doré jaune et grand corégone. La rivière Yamaska, à Granby, recelait du doré, de l’achigan à petite bouche, de la perchaude et quelques autres poissons comme le meunier noir consommé par les Abénaquis, mais boudé par les Canadiens-français. Cependant, certains Loyalistes racontent qu’ils mangeaient le meunier noir et le meunier rouge pêché le printemps très tôt dans la rivière aux Brochets. Aujourd’hui, on convoite des espèces plus rares, mais plus recherchées : truite brune, truite arc-en-ciel, malachigan, brochet maillé, maskinongé. Ces poissons représentent les plus belles prises de la région. Certains pêcheurs fument d’ailleurs le maillé et le maskinongé; le résultat est extraordinaire quand on le fait fumer à l’ancienne avec des cotons de maïs après l’avoir fait mariner dans du gros sel et du sirop d’érable.
Les plantes sauvages jouèrent un très grand rôle dans le garde-manger sauvage. Tout le monde se ramassait des petits fruits pour les confitures et la gelée : les petites fraises, les groseilles, les gadelles, les mûres, les bleuets et les canneberges étaient les plus courants. Cependant, certains groupes comme les Quakers de East Farnham, consommaient aussi beaucoup de plantes sauvages, le printemps, avant que les jardins ne produisent. Ils cueillaient du chou gras, du pourpier, des pissenlits, de la jeune moutarde pour faire des salades avec une vinaigrette au vinaigre de cidre. Ils servaient des sommités d’asclépiades comme légumes après les avoir légèrement bouillies, de même que des têtes de violon ou des populages des marais. Ils se faisaient de la tisane avec des feuilles de fraisier sauvage. Le houblon sauvage était ramassé pour faire de la levure et de la bière domestique. Et les enfants ramassaient des noix cendrées, des châtaignes, des faînes et des noix d’Amérique pour grignoter. Certaines familles mettaient de ces noix dans les desserts comme les tartes au beurre, les gâteaux ou pains aux fruits ou les fameux fudges. On faisait même des pralines avec les plus belles noix.
La ferme
Quand les fermiers loyalistes sont arrivés dans la région, ils durent défricher avant de semer quoi que ce soit, mais chacun avait sa technique. Quelques-uns, comme on l’a dit plus haut, semèrent dans les terrains inondés par les castors puisque ces derniers avaient d’abord été bûchés par eux avant d’être inondés. On détruisait les barrages, on mangeait les castors et on semait dans la terre encore humide. Comme le révèlent les témoignages de Jean Marcotte et de Louis Côté de Stratford, les céréales les plus semées étaient l’orge, l’avoine, le sarrasin, le seigle et le blé. Le maïs et les pommes de terre étaient surtout l’apanage des familles anglophones. On complétait ces denrées par la chasse et la pêche et chaque famille avait au moins une vache et quelques poules pour les produits laitiers et les œufs. D’autres fermiers mettaient des porcs dans le champ qu’ils voulaient semer pour qu’ils fouillent la terre et la préparent au labour et au hersage subséquent. La première chose qu’on plantait dans ce champ, c’était des courges et des citrouilles. Puis, une fois que ces dernières étaient recueillies à la fin de l’automne, on labourait en enfouissant leurs feuilles et leurs vignes en guise d’engrais vert. On se faisait même des rigoles en pierres à partir des ruisseaux pour aller chercher de l’eau, par gravité, pour arroser le terrain, le temps qu’on voulait. Ces techniques artisanes donnaient toutefois d’excellents résultats. Mais on peut dire que c’est l’élevage du bœuf, la vente des œufs et la vente de la cendre pour la potasse ou la perlasse qui permirent aux premiers colons de se monter une ferme convenable. L’élevage des animaux s’est fait au début, grâce au foin naturel des prairies, près des cours d’eau. Mais il fallut vite remplacer ces prairies par des champs de céréales et de grandes cultures qui nourriraient les animaux et la famille. Une grande proportion des cultures servait à nourrir les animaux qu’on élevait. Parlons donc de ces grandes cultures en premier.
Après avoir préparé la terre qu’on avait labourée en profondeur, l’automne précédent, on semait, en avril ou en mai, le blé de printemps. L’orge et le maïs étaient semés en mai ou en juin selon la latitude. Au mois d’août ou de septembre, on récoltait ces céréales. Les céréales étaient récoltées à la petite faux tout comme le foin qu’on ramassait au mois de juillet. Ce travail se faisait en famille, dans les journées les plus chaudes de l’été. C’est pourquoi les Loyalistes s’apportaient toujours des boissons rafraîchissantes qu’on mettait dans l’eau du ruisseau pour la garder froide. L’une de ces boissons s’appelait Switchel : il s’agissait d’un mélange d’eau de source, de vinaigre de cidre, de mélasse et de gingembre. Les groupes d’hommes, cependant, préféraient le cidre pur! Après la récolte des céréales, on plantait le blé d’hiver. Celui-ci avait le temps de pousser jusqu’à 10 cm mais ne bougeait plus de l’hiver, il reprenait sa croissance au printemps suivant. Le blé était essentiellement destiné à la consommation humaine. Mais à partir de 1860, la farine de l’ouest commença à envahir le marché à des prix ridiculement bas de sorte qu’on ne sentit plus le besoin de semer du blé, comme on le faisait auparavant. Au début, on plantait le maïs à la manière amérindienne, comme on avait appris à le faire en Nouvelle-Angleterre. On se faisait des buttes de terre à tous les 4 pieds (un peu plus d’un mètre), et sur le sommet, on creusait un petit trou dans lequel on mettait plusieurs grains de maïs recouverts d’une pierre pour les protéger contre les prédateurs. La chaleur de la pierre accélérait aussi la germination des grains. Un vieil adage amené de la Nouvelle-Angleterre disait qu’il fallait mettre 7 grains dans chaque trou :«One for the blackbird, one for the crow, one for the cutworm, and four to let grow». Lorsque le maïs avait à peu près 30 cm, on plantait tout le tour, des haricots grimpants qui auraient un support pour grimper et laisser pendre leurs palettes (cosses), Puis, on plantait des courges ou des citrouilles autour de la butte : ce qui avait pour effet de garder l’humidité et d’apporter un complément alimentaire à la récolte de maïs et de haricots. On avait fini par développer quelques espèces de maïs résistantes au climat plus froid de la Nouvelle-Angleterre. Les variétés New England Eight Rowed Flint Corn, King Philip, Dutton et Northern White Flint, étaient les meilleures variétés de l’époque. Au Vermont et dans les Cantons de l’Est, la variété à grains rouges et jaunes, Flint était la préférée. C’était le meilleur maïs pour la farine et la semoule, pas du tout sucré, et facile à moudre. Or, comme le maïs était d’abord et avant tout une céréale utilisée comme nourriture animale et comme farine de base pour la cuisine des Loyalistes, cela convenait parfaitement. À l’origine, on réduisait les grains de maïs en semoule avec un mortier et un pilon. Mais comme c’était un travail long et fastidieux, certains utilisaient des moulins à café pour ce faire. C’est Austin (Quaker) qui installa le premier moulin à moudre le maïs dans les Cantons de l’Est. Il travaillait jour et nuit pour moudre les grains apportés par ses voisins de Bolton. Il avait organisé un petit moulin qui fonctionnait grâce à l’eau du ruisseau derrière sa grange, et qui lui permettait de moudre une poche de maïs par nuit. Les gens venus de loin pour faire moudre leur maïs couchaient à sa ferme pendant qu’il s’occupait de moudre leur maïs. La semoule obtenue était cuite à l’eau chaude comme un gruau d’avoine et servait de petit déjeuner quotidien à la famille (Cornmeal Mush). On n’avait qu’à lui ajouter du bon lait frais qu’on venait de tirer de la traite du matin. Mélangée à de la farine de seigle, la semoule servait aussi à faire le fameux pain brun cuit à la vapeur qui accompagnait traditionnellement les fèves au lard. La semoule servait aussi à faire le Pudding indien à la mélasse, raisins et épices, qu’on servait chaud avec plein de crème épaisse, et le fameux Johnny Cake bien populaire dans les Cantons de l’Est. Écoutons un poète local nous parler de ce gâteau! «Take that hot Johnny Cake out of the oven in the wintertime. Cut a good slab and put some butter on it, and some maple syrup, and make a whole meal — just with lots of butter.» Le maïs servait aussi à faire le Corn Bread, le Corn Coffee, le Hulled Cornet le Buttermilk Pop. Le Hulled Corn se faisait avec du maïs séché qu’on faisait gonfler dans de l’eau avec de la cendre pour faire décoller l’écorce du grain. C’est ce que nous appelons, en franco-québécois, du blé d’Inde lessivé. On le faisait cuire, par la suite, et on lui ajoutait du lait et de la cassonade ou de la mélasse pour le manger. Le Buttermilk Pop consistait à faire bouillir de la semoule de maïs dans du lait de beurre. La semoule gonflait beaucoup en cuisant, d’où le nom de pop. Le Corn Coffee était brûlé à sec sur le feu comme les grains de café avant d’être moulu et utilisé comme substitut du café. Mais le maïs servait surtout à nourrir les animaux de la ferme. On mélangeait la semoule grossièrement moulue à d’autres céréales et l’on donnait cette moulée aux bœufs et aux moutons.
Quant à l’avoine, elle était réduite en gruau et servait à nourrir surtout les chevaux. Il arrivait souvent qu’on plante des pois à travers l’avoine. Les Loyalistes mangeaient très peu de pois; ils les laissaient aux animaux. Toutes ces denrées étaient moulues aux moulins du township (deux moulins en moyenne par township en 1830). L’orge occupait peu de place dans les champs, mais il était toujours là. On l’utilisait pour la soupe et la bière, en combinaison avec le houblon sauvage ou cultivé. Assez rapidement, la région a vu naître quelques brasseries. En 1825, Robert Vincent en ouvrit une à Charleston. De plus, en 1830, les Cantons de l’Est possédaient à eux seuls, plus de la moitié des distilleries de whiskey du Bas-Canada. On fabriquait surtout du whiskey blanc qu’on vendait à Montréal. Il était fait avec les surplus des récoltes de pommes de terre. En 1851, la culture des céréales, en particulier du seigle et du maïs, et des pommes de terre, est peu à peu remplacée par la culture du foin, des légumes racines et de l’avoine. C’est que l’industrie laitière prend de plus en plus de place dans notre économie et tend de plus en plus à remplacer la culture du blé et des autres céréales. Le blé, en particulier, est émotionnellement relié au fermier québécois de souche; seule la mouche du blé va finir par l’aider à en faire le deuil! En 1890, le Québec agro-forestier au complet passe à l’industrie laitière. Mais les Cantons de l’Est ont joué le rôle de précurseurs, à cet égard. C’est là qu’on commence à faire du beurre et du fromage de façon commerciale, pour le vendre aux États-Unis et en Angleterre. Tout part cependant de la maison : les fermières font elles-mêmes le beurre et le fromage pour la famille, et parce que les vaches ont un bon rendement, on en a trop. C’est alors qu’on va vendre ses surplus aux marchés ou aux marchands qui s’occupent de les faire parvenir dans les villes où il y a de plus en plus une demande pour ces produits frais. La demande est si grande que E.E. Hill décide d’ouvrir la première fromagerie du Québec, le 1 mai 1866, à Dunham. C’est d’ailleurs lui qui aurait envoyé le premier cheddar canadien en Angleterre. Il en avait produit 80 tonnes, dès la première année. En 1940, la compagnie Carnation, d’origine américaine, décide d’ouvrir une filiale à Sherbrooke. La quantité incroyable de lait qu’elle achète dans la région pour faire son lait en conserve contribue à consacrer l’industrie laitière comme l’industrie par excellence de la région. Le lait en poudre apparaît au début des années 40, suscité, comme le lait en conserve, par les besoins des armées en guerre (2eGuerre mondiale de 1939-1945). On le fait avec les grandes quantités de lait de beurre obtenues dans la fabrication du beurre de sorte que ces deux produits se font en général au même endroit. La demande importante de produits laitiers amène rapidement la région à considérer l’industrie laitière comme la plus importante de la région; elle dépasse l’élevage du bœuf et de l’agneau, de même que la production d’orge et d’avoine destinée à la Nouvelle-Angleterre. L’industrie laitière provoque des changements importants dans l’élevage. Si autrefois, le bœuf et le mouton avaient le haut du pavé, désormais l’agneau est remplacé par le porc. On a déjà parlé dans un chapitre précédent, du lien entre l’élevage du porc et celui de la vache laitière. On se souviendra donc que la production importante de fromage et de beurre produit beaucoup de petit lait ou lait de beurre. Or, ce lait convient très bien à l’élevage du porc et des veaux : on fait du veau de lait et du porcelet qui ont beaucoup de succès, sur le marché. D’autre part, la production de porc amène certains hommes d’affaires à se lancer dans la production de bacon. Les frères Hoovey ouvrent une première usine à bacon à Sherbrooke en 1890. Au cours des années 1930, l’usine exporte beaucoup de bacon au Royaume-Uni, grand consommateur de cette denrée. Et ils fabriquent, désormais, du jambon et de la saucisse de porc. La volaille prend aussi beaucoup de place dans les élevages des Cantons de l’Est. La ferme moyenne élève toujours une centaine de poules et de poulets par année. Dans la région de Brome, en 1930, une seule ferme de Knolton élève 30 000 canards, ce qui représente 40% de la production totale du Québec en canard domestique.
Depuis 1970, beaucoup d’agriculteurs ont abandonné leurs fermes laitières pour développer de nouveaux élevages spécialisés comme le chevreuil, le wapiti, le sika, le lama, le bison à Lambton et Windsor, le sanglier à Notre-Dame-des-Bois, sans oublier l’élevage du poisson à East Hereford, Sainte-Edwidge, Stanstead et Racine. Comme on le constate, la production des céréales, les élevages et leurs produits dérivés ont bien évolué depuis l’arrivée des Loyalistes dans les Cantons de l’Est dans les années 1780! Attardons-nous, maintenant, aux produits maraîchers et vergers de la région. Revenons au début, au temps où chaque famille plantait son jardin et ses arbres fruitiers. On commençait à faire le jardin, au mois d’avril, dans le sud, et au mois de mai, au nord. On plantait alors des champs de haricots pour faire les fèves au lard du samedi soir, du chou, des betteraves, des carottes, du panais, du navet, du maïs, des pommes de terre blanches et rondes en grandes quantités pour nourrir aussi les animaux de la ferme, sans oublier les courges et les citrouilles, qu’on leur donnait aussi. Les semis se faisaient jusqu’au mois de juin, dans le nord de la région. Puis, on récoltait les légumes racines en octobre et en novembre. Le jardin à côté de la maison, appelé le kitchen garden, contenait plutôt les concombres, les melons, les cornichons, les radis, les oignons verts, les oignons jaunes, blancs ou rouges, les radis, les petits pois, les épinards, les herbes préférées comme le persil, la sarriette, la sauge, la marjolaine, le thym et la menthe. Dans le fond du jardin, on avait les talles d’asperges, la rhubarbe, les plates-bandes de fraises, et quelquefois, les buissons de groseilles vertes, de gadelles rouges et de cassis. Le jardin familial mesurait en moyenne un demi- acre. On plantait aussi beaucoup de fleurs dans les kitchen gardens. On utilisait même certaines fleurs dans les salades comme les capucines, les fleurs de courges et les lys du Canada, (sortes d’hémérocalles d’abord sauvages au Québec).
Cependant, les jardins des premiers colons de Saint-Armand ressemblaient plus aux jardins des Abénaquis en 1781. Le livre de comptes du premier marchand de l’endroit, un certain Philip Luke, dit que les fermiers venaient troquer du maïs, des pois, des courges et des citrouilles, pour du rhum, du poivre, du thé, des graines de lin, un mortier, de la porcelaine japonaise ou des outils en métal. Josiah Sawyer du canton d’Eaton raconte, dans un interview des années 1825, que lui et ses 37 associés semaient du blé, de l’avoine, des pois, du millet, des fèves rognons (kidney beans), du sarrasin, du maïs, des pommes de terre, du navet, du tabac, du chanvre, du lin, des citrouilles, des courges et des melons d’eau. Les colons anglais venus directement d’Angleterre, comme Philip Henry en 1837, plantaient plutôt du blé, de l’orge, de l’avoine, des pois, du sarrasin, des pommes de terre, du panais, des betteraves et du trèfle. Aujourd’hui, certains jardiniers spécialisées en agriculture biologique, reprennent certaines techniques artisanales d’autrefois. Depuis les années 1990, la production de légumes et fruits «organiques» est en train de devenir une spécialité régionale. La production n’arrive pas à combler la demande.
Du côté des vergers, ce sont évidemment les pommiers qui remportent la palme depuis les tout débuts de l’implantation loyaliste. On ne peut penser aux Cantons de l’est sans évoquer, en nous, le souvenir incroyable d’une belle tarte aux pommes à la cannelle! Mais il y a beaucoup plus! Les pommiers apportés de Nouvelle-Angleterre furent enrichis, par la suite, de bases encore plus résistantes au climat froid des Cantons de l’Est et de greffes venues d’un peu partout dans le monde qu’on faisait venir par bateau. Des greffes de France, d’Angleterre, de Chine et de Russie s’ajoutèrent aux bases résistantes originaires du Québec ou des Etats-Unis. Parmi les pommes les plus populaires au siècle dernier jusque dans les années 1950, il faut citer la Fameuse, merveilleuse pomme blanche juteuse avec des courants rouges à travers, qui fut apportée de France à Chimney Point, au Vermont, par des colons français protestants, en 1730, suivie de la McIntosh découverte dans une forêt de l’Ontario, à 40 Km à peine de la frontière québécoise, par un certain McIntosh, vers 1800. Mais il y eut, historiquement, beaucoup plus de variétés que cela. En 1876, la Société horticole de Montréal faisait parvenir un exibit contenant 233 variétés de pommes poussant au Québec, à l’exposition horticole de Philadelphie. Le comté de Missisquoi était celui qui possédait le plus de vergers. Le premier verger commercial fut opéré par M. Ferdinand Paquette de Saint-Armand, en 1929. En 1968, le village de Frelighsburg comptait 33 vergers de 100 à 6 000 pommiers chacun. Cette année-là, le comté de Missisquoi, à lui seul, produisait 1, 079 000 boisseaux de pommes! Dès le début, on a appris à rentabiliser au maximum les récoltes de pommes. Les pommes moins belles ramassées par terre servaient à faire le jus de pommes qu’on transformait par la suite en cidre, en vin, en alcool distillé et en vinaigre. On s’en servait évidemment pour faire les ketchups, pour mariner les cornichons, les haricots, le melon, de même que pour mariner les œufs durs, les langues de porc ou de veau, pour faire le fameux Bœuf épicé ou Saurbraten des colons allemands, ou, plus simplement, pour faire les vinaigrettes des salades et les fameuses sauces à la menthe destinées au gigot d’agneau. Quant au jus non encore fermenté, qu’on appelait du weak ciderkins (cidre doux pour la famille), on s’en servait comme boisson rafraîchissante des travaux d’automne sur la ferme. Le jus fermenté devenait du hard cider, (cidre), du vin de pommes, du brandy de pommes et de l’eau-de-vie de pommes (applejack). Le cidre provenait de la fermentation naturelle du jus de pommes. Il était naturellement sec. Mais on pouvait le sucrer et le renforcir en ajoutant du miel ou du sucre lors de la fermentation. Le brandy de pommes était fait à partir de la distillation du cidre ou à partir de pommes écrasées en purée qu’on faisait bouillir et distiller directement. Pour faire de l’eau-de-vie de pommes, il fallait mettre un baril de cidre à l’extérieur, quand il gèle fort, laisser l’eau du cidre geler et récupérer par un trou percé dans le fond du baril, le résidu alcoolique non gelé du cidre qu’on filtrait à travers un coton à fromage pour enlever toute impureté. On mettait cet alcool très fort dans une petite jarre en grès ou on l’embouteillait à l’ancienne. En plus du cidre et des alcools de pommes qu’on pouvait conserver indéfiniment, il faut citer les tranches de pommes séchées qu’on suspendait sur une corde à l’air, pas loin de la cheminée ou du poêle. Celles-ci étaient utilisées en collation pour les enfants, pendant l’hiver, parfois en guise de friandises consommées pendant la soirée, autant sur la ferme que dans les camps de bûcherons, mais elles servaient surtout à faire des desserts aux pommes pendant l’hiver. Toutes les régions du Québec connaissaient les pommes séchées avec lesquelles on faisait des tartes, des poudings, des sauces et des compotes. Les pommes fraîches étaient débarrassées de leur cœur et pépins, plongées dans le sirop d’érable et confites doucement sur le feu. Elles pouvaient alors se conserver un bon moment. Mais on en mangeait toujours une partie avec de la crème épaisse, après les avoir saupoudrées de cannelle. La tarte aux pommes, aussi parfumée à la cannelle et le pouding au pain aux pommes appelé plus souvent, un Brown Betty, étaient les deux autres desserts les plus fréquemment faits sur la table des premiers colons de la région. Pour terminer ces recettes aux pommes, je ne voudrais pas oublier la fameuse gelée de pommes qu’on mangeait le matin avec du gruau d’avoine ou du pain grillé, ou qu’on introduisait par cuillérées dans les différentes variétés de biscuits roulés ou à la cuiller qu’on faisait régulièrement pendant l’hiver. Et le beurre de pommes obtenu après la fabrication de la gelée de pommes : les pommes pressées sans jus étaient passées au tamis pour récupérer la purée qu’on remettait sur le feu avec de la cassonade et parfois des épices. Le tout avait une consistance épaisse facilement tartinable, proche du caramel.
Les premiers colons se plantaient aussi des pruniers, des cerisiers, des poiriers, des gadeliers, des groseillers et des cassis. On ajouta les vignes par après dans la région de Dunham. Avec ces fruits, on faisait à peu près les mêmes desserts. Et certaines familles se faisaient des vins apéritifs qu’elles distillaient ensuite pour se faire de l’alcool, comme en Europe. Mais c’était l’exception. Le rhum obtenu de l’importation ou distillé clandestinement à partir de vins de pommes de terre, le cidre maison et la bière maison étaient de consommation générale et abondante. Ce n’est pas pour rien que toutes les Églises des Cantons de l’Est se sont regroupées pour faire des campagnes contre l’intempérance! La liste des recettes que je vous propose de lire maintenant vous plongera dans un monde culinaire des plus variés et originaux du Québec!
Ses recettes
La cuisine des Cantons de l’Est est marquée par la cuisine des Îles britanniques et celle de la Nouvelle-Angleterre. La population francophone a pratiquement adopté toutes les recettes de desserts familiaux de ces deux cultures parentes, d’autant plus que les Loyalistes avaient déjà modifié la cuisine britannique en s’installant en Nouvelle-Angleterre pour s’adapter à leur pays d’adoption. Cette cuisine loyaliste accorde beaucoup de place aux produits locaux et à la culture amérindienne abénaquise. Même si les Franco-québécois avaient historiquement déjà beaucoup cuisiné avec le maïs, par exemple, ils avaient arrêté de le faire au moment où la ferme française pouvait produire suffisamment de blé pour nourrir les familles de la Plaine du Saint-Laurent. Ce qui fait que la semoule de maïs demeurait l’exception au Québec. Cependant, beaucoup consommaient du maïs lessivé et du maïs frais à la fin de l’été. L’apport des immigrants protestants français, de même que ceux de souche allemande et hollandaise parmi les Loyalistes, diversifièrent la cuisine britannique et ajoutèrent des techniques culinaires intéressantes. On voit aussi, dans la liste des recettes, la présence des Suédois, des Polonais et des Libanais qui vient renouveler la cuisine régionale. Demain, il est à parier que la présence africaine de plus en plus visible à Sherbrooke nous donnera quelques plats de ce continent si la nouvelle communauté a la chance et le temps de s’y implanter en diffusant sa culture par la restauration, comme le fait, avec succès, la communauté vietnamienne du Québec.
Code d’identification
AB - Abénaquis
AL - Allemand et autrichien
AN - Anglais
BR - Britannique, toutes origines confondues
EC - Écossais
FR - Franco-québécois
HO - Hollandais
JR - Îles anglo-normandes
NA - Nouvelle-Angleterre
PO - Polonais
Petit déjeuner
Braisé de lard entrelardé enveloppé d’ail, oignon, céleri, carotte, persil, marjolaine et sarriette avec un peu d’eau, mangé froid au déjeuner
Confiture de fraises des champs - FR et NA
Confiture de framboises sauvages - FR et NA
Confiture de juillet aux cerises aigres, framboises, gadelles et groseilles - NA
Confitures de mûres sauvages - BR
Crêpes fromagées aux pommes de terre, farine, oignon et cheddar râpé du Lac Brome
Fèves au lard à la perdrix
Gelée de cerises à grappes - FR
Gelée de cormiers - FR
Gelée de merises - FR
Gelée de pimbina - FR
Gelée de pommettes à la menthe - BR
Gelée de pommettes et pimbina - NA
Gelée de raisins sauvages - FR
Gelée épaisse de gadelles noires (cassis)(black currant jam) - BR
Johnny Cake (gâteau chaud juste à la semoule de maïs) avec du beurre et du sirop d'érable - NA
Pain à la levure de pommes de terre des Loyalistes - NA
Pain brun à la mélasse et semoule de maïs de la Nouvelle-Angleterre (servi avec les Fèves au lard) - NA
Quiche aux champignons sauvages et cheddar fort - FR
Sagamité avec du lait et du sucre d'érable (corn meal mush) - NA
Entrées, collations et petits repas
Aspic à l’esturgeon jaune avec crème de champignons, céleri, concombre, mayonnaise, jus de citron et gélatine
Aspic d’achigan avec poivron vert, concombre, oignon, orange et pamplemousse en dés
Bolets (cèpes) ou chanterelles au beurre à l'ail en entrée - FR
Canapés de pain de seigle, au fromage à la crème, miel et feuilles de menthe sauvage - AL
Cuisses de grenouilles au vin blanc - FR
Feuilles de pissenlits braisées, aromatisées de vinaigre, préparées à l'arrivée du printemps - NA et FR
Gelée de truite aux amandes et olives vertes
Œufs durs dans le vinaigre de sève d'érable - FR
Pâté de viande de gibier hachée
Petits pains farcis au faisan haché avec oignons verts et mayonnaise
Rillettes de lièvre mélangées à du chevreuil en cubes de 1”, du lard salé et du porc haché - FR
Rillettes de lièvre ou de lapin au céleri et épices - FR
Salade de pissenlits à l'ail et huile - FR
Salade de pissenlits au vinaigre de cidre et bacon - NA
Salade de pissenlits avec pommes de terre, radis, oeuf durs et vinaigrette au citron
Salade loyaliste aux capucines et lys du Canada avec une vinaigrette au vinaigre de cidre - NA
Salade quaker aux herbes sauvages (pourpier, chou gras, pissenlit, moutarde sauvage avec vinaigrette au vinaigre de cidre) - NA
Scones avec de la confiture de fraises des champs et de la crème épaisse pour le thé d'après-midi - BR
Terrine de lièvre et porc haché aux herbes (thym, laurier, marjolaine, sarriette) et épices (muscade et clou de girofle), avec un goût de cognac ou brandy - FR
Soupes
Chaudrée de perchaudes au poivron vert, chou-fleur, céleri, tomates, thym et basilic
Chowder au doré avec pommes de terre en dés, bacon, tomates et béchamel légère - JR
Consommé aux jarrets de chevreuil - AB
Crème de rutabaga à l'érable - FR
Soupe à l'ail des bois avec bouillon de boeuf et croûtons
Soupe à la barbotte avec pommes de terre en dés, oignons et lait - JR et FR
Soupe à la corégone, pommes de terre, crème de céleri, huîtres en conserve, lait et crème, avec bacon émietté et persil
Soupe à la truite avec ail, oignon, vin blanc, origan et tomates
Soupe au maïs lessivé avec bouillon de lièvre ou perdrix - AB
Soupe au brochet, achigan, maillé avec petites palourdes en conserve, crème de céleri et lait
Soupe de chevreuil aux légumes et tomates
Soupe de légumes à l'outarde avec riz, porto et Cayenne
Soupe d’achigan au chou-fleur, tomate, céleri, thym et basilic
Plats principaux
De la forêt
Les poissons
Achigan à petite bouche poêlés au beurre et servis avec des légumes sauvages légèrement bouillis et arrosés de beurre, à la mode Quaker (têtes de violon, populage des marais, sommités d’asclépiades)
Boulettes de barbotte, meunier, crapet, perchaude, brochet cuits avec purée de pommes de terre, oignon et épices à poisson, enrobées de biscuits soda écrasés et poêlées - BR
Brochet au four sur purée de légumes, recouverte de crème sûre, gratiné au gruyère en finale
Casserole de morue salée ou fumée à l'ancienne, en sauce blanche - BR et FR
Casserole de purée de pommes de terre au meunier, barbotte ou brochet, recouverte de fromage en tranches
Casserole de riz à la crème servie avec de l'achigan rôti ou poêlé - FR
Filet de touladi poêlée, servi avec une sauce au cresson sauvage - FR
Filets de perchaudes panées au lait et à la chapelure de Corn Flakes- NA
Filets de maskinongé à la sauce au fromage et moutarde - FR et EC
Fish and chips au brochet - BR
Fish and chips au maillé ou doré servis avec une purée de pois (origine de Bristol, Angleterre) - AN
Gâteau de purée de pommes de terre et de poissons blancs pochés (hareng de lac, ouitouche, crapet de roche, etc.) parfumés aux oignons rôtis et sarriette, recouvert de chapelure et gratiné au four
Gefilte au brochet, doré, lotte ou carpe (Quenelles ou pain avec biscuits soda, oeufs, oignons et carottes râpées) - PO
Gratin d’anguille ou achigan au riz, tomate, céleri, poivron, champignons, cheddar et épices à poisson
Gratin de restes de touladi cuit en alternance avec des oeufs durs en tranches et la béchamel, recouvert de chapelure
Macaroni à la crème de céleri, oeufs durs, truite arc-en-ciel cuite, gratiné au cheddar
Macaroni aux huîtres avec béchamel et chapelure
Marmite de filets de barbottes ou de perchaudes ou d’éperlans en alternance avec des tranches de porc salé entrelardé, des pommes de terre, des oignons et de la sarriette, couverts d'eau, cuit 2 h à feu doux
Morue salée à la crème - FR
Mousse chaude de corégone, servie avec une sauce hollandaise - FR
Pain de truite brune aux Bran Flakes, pois verts, céleri, oignon, oeufs, fenouil en graines, servi avec une sauce au yogourt et au fromage blanc parfumée au fenouil frais
Pain de truite arc-en-ciel et crème de blé cuite, avec un oeuf, jus de citron et herbes, servi avec une sauce aux oeufs durs et persil
Pâté à la truite mouchetée ou truite brune avec purée à la sarriette, persil et menthe
Pâté chinois au touladi ou à la truite arc-en-ciel mélangé à des carottes, du céleri et de l'oignon attendri au beurre
Pâté de truite de ruisseau ou de crapet soleil ou de barbotte en sauce blanche - FR
Pommes de terre farcies à la truite en conserve, gratinées avec chapelure
Pouding au poisson (poissons avec beaucoup d’arêtes comme le brochet, la ouitouche, les meuniers, etc., pochés et nettoyés de leurs arêtes, mélangés à des oeufs battus et de la sauce blanche épaisse)
Riz au doré et à la crème de champignons
Roulé de perchaude ou d’achigan cuit, fait avec de la pâte à biscuit à poudre à pâte, tranché et servi avec une sauce blanche aux oignons verts et relishà hot dog
Touladi ou truite arc-en-ciel ou brune cuite dans un grand journal, farci de tranches de citron, de rondelles d'oignons, de beurre, de persil, cuit dans les cendres très chaudes ou au four pendant au moins 2 h
Maskinongé arrosée de beurre et de citron cuit en papier aluminium, servie avec béchamel au vin blanc et des câpres - FR
Carpe au four avec fenouil et champignons - AL et PO
Truite de ruisseau au four avec des tranches de citron et du persil - FR
Les oiseaux
Bouilli d’oie blanche avec maïs, courge, chou, carotte et rabioles de la seigneurie de Saint-Armand
Brochette de canard avec sauce à l'orange aux olives vertes
Canard Colvert au poivre et aux petites noisettes sauvages
Canard sauvage farci aux pommes, déposé sur un lit d’oignon, ail, céleri, champignons et arrosé de calvados
Civet d'oiseaux (corneilles, bruants des neiges, bécasses, merles) (XVIII e s.)
Dinde sauvage de l’Action de Grâce avec la confiture d’atocas
Faisan à la crème - FR
Faisan aux tomates, ail, champignons, cuit au four et servi avec un riz sauvage aux amandes
Faisan rôti lardé, arrosé de madère servi sur des croûtons imbibés du jus de cuisson - FR
Pâté de viande de canard cuit et désossé, parfumé au sherry canadien
Perdrix au chou au lard salé avec des saucisses de porc - FR
Perdrix au lard servi avec des endives braisées au bouillon de poulet et beurre - BG
Perdrix aux légumes (chou, carottes, navet) - FR
Pot Pies aux petits oiseaux (corneilles, bruants des neiges, bécasses, merles) - BR
Suprême de faisan en croûte à la crème de pleurotes - FR
Le gibier
Chevreuil en conserve pour faire du ragoût
Cipaille au lièvre avec des carrés de pâte entre les rangs de pommes de terre et du gibier - FR et BR
Cipâte à la perdrix, lièvre, chevreuil, spare ribsdésossés, boeuf dans la ronde, sarriette et pommes de terre en dés
Civet de marmotte aux grands-pères - FR
Cocotte de lièvre au lard salé et épices à marinade - FR
Lièvre aux pruneaux - FR
Lièvre en sauce moutarde aux raisins secs
Orignal avec lard salé et légumes au four (carottes, oignons, chou, rutabaga, ail, laurier) - FR
Orignal en cubes à la bière et carottes - FR
Pain de viande à l'orignal au ketchup et chapelure avec oeuf
Pain de viande d'orignal aux biscuits soda et sauge - BR
Poitrine d'orignal marinée 2 semaines avec de l'eau sucrée et salée et des épices à marinades et braisée longtemps avec du chou ou des légumes à la manière irlandaise - IR
Ragoût de caribou aux carottes et au céleri, épaissi à la farine grillée - FR
Ragoût de castor, de rat musqué ou de porc-épic aux épices - FR
Ragoût de plusieurs gibiers dont du chevreuil et du lièvre, épaissi à la farine grillée, parfumé au clou de girofle - FR
Rôti de porc avec rôti de castor aux épices et aux oignons - FR et NA
Rôti de porc-épic au lard salé - FR
Sauce à spaghetti italien à la viande de chevreuil
Six-pâtes la perdrix, volaille, orignal ou chevreuil, thym, laurier et cannelle, clou de girofle et baies de genièvre - FR et BR
Spaghetti italien à l'orignal avec piments forts
Steak d'outarde (poitrine), déglacé au cognac
Steaks de poitrines de perdrix
Succotash (mélange de haricots secs et maïs) au chevreuil - AB et NA
Tourtière au canard avec épices et sarriette - FR
Tourtière au lièvre, porc et boeuf hachés - FR
Tourtière moitié porc haché, moitié chevreuil haché - FR
Vol-au-vent au canard (sauce faite avec le bouillon de canard) - FR
La ferme
Boeuf au chou rouge et aux graines d'anis sauvage - HO
Civet de lapin au cidre et atocas avec échalotes et thym
Fèves au lard à la mélasse des Loyalistes servies avec le pain brun à la mélasse, cuit à la vapeur (souper traditionnel du samedi soir) (Baked beans and Ry ans Injun) - NA
Fèves rouges au four avec jambon et sucre d'érable
Gelée de pommes et atocas vinaigrée aux épices, servie avec du gibier ou de la dinde
Gigot d’agneau avec sauce à la menthe sauvage au vinaigre de cidre - AN
Jambon à la bière et sirop d'érable
Pain de viande aux atocas et jus de tomate
Pâtes au canard fumé et au fromage bleu l'Ermite de Saint-Benoît-du-Lac
Pomeny (pouding de maïs séché moulu grossièrement et cuit longuement sur le feu jusqu’à une consistance de purée épaisse) - AB et NA
Poulet au jus de pommes, miel et champignons
Poulet aux champignons à la fleur d'ail et miel
Râble de lapin poêlé, servi avec une sauce crème au miel et oignons verts - FR
Riz frit au bacon et champignons sauvages
Rôti de porc à l'ail, oignon, sarriette et moutarde, arrosé de sirop d'érable en finale - FR
Salade de pissenlits de grand-mère Suzanne, avec grillades de lard salé, servie autrefois avec un fromage blanc maison et du pain de ménage chaud
Tarte aux tomates à l'ail et à l'oignon, couverte de fromage de Saint-Benoît râpé
Les desserts
Biscuits de la cabane à sucre à l'avoine, noix, muscade et sirop d'érable - FR
Biscuits enrobés de noix avec un creux au milieu rempli de gelée de gadelles rouges
Caprices aux pommes avec gelée de raisins sauvages et épices (genre de gâteau dans lequel on introduit des quartiers de pommes qu'on saupoudre d'épices et recouvre de gelée) - HO
Carrés à l'érable et aux noix de pacanes - NA
Compote de pommes en quartiers, cuites dans le sirop d'érable et servie tiède, saupoudrée de cannelle et arrosée de crème épaisse - NA
Cornets à la tire d'érable - FR
Crème glacée au pralin d'érable et d'amandes
Crêpes à la neige de 1880 (faites avec de la neige et du lait sûr) - FR
Fudge aux faînes de hêtre, aux noix cendrées hachées ou aux noisettes
Gâteau à l'érable au gingembre - NA
Gâteau à l'érable avec glace sept minutes à l'érable - FR
Gâteau à l'érable de l'ancien temps à l'eau chaude et au soda - NA
Gâteau aux faînes de hêtre - NA
Grands-pères à la farine à pâtisserie dans le sirop d'érable
Grands-pères aux pommes râpées cuites dans un sirop d'érable - FR et BR
Maïs lessivé au sirop d'érable - AB
Omette confite dans le sirop d'érable - FR
Pain aux noix cendrées - NA
Pommes confites au sirop d’érable, saupoudrées de cannelle et arrosée de crème épaisse - NA
Pouding d'été (summer pudding) (pouding au pain avec un mélange de petits fruits frais de l'été (framboises, bleuets, mûres et gadelles) - BR
Pouding à la rhubarbe et sirop d'érable - NA
Pouding au pain au sirop d'érable - BR et FR
Pouding aux mûres sauvages
Pouding bonhomme de neige aux bleuets servi avec une sauce caramel
Pralines aux noix cendrées - NA
Rag muffinsau sucre d'érable (pets de nonne) avec de la pâte à l'anglaise - AN
Roly-Poly à la gelée de cassis (Pudding fait de pâte roulée, tartinée à la gelée de cassis, enroulée sur elle-même, cuit à la vapeur, enveloppé d'un linge) - BR
Roulés au sucre d'érable , beurre et crème - FR
Short-Cake aux fraises, framboises ou bleuets - BR
Sirop d'érable praliné avec des pacanes, servi sur de la crème glacée ou des gaufres maison
Soufflé au sirop d'érable - FR
Tarte au beurre (avec oeuf, cassonade, raisin ou noix cendrées) - NA
Tarte au mincemeat de chevreuil avec pomme, raisins, vin, mélasse, épices et suif - NA
Tarte au sirop d'érable à la crème - FR
Tarte au sirop d'érable des chantiers avec des jaunes d’oeufs, couverte de meringue
Tarte au sirop d'érable et poivre noir de Stanbridge-East
Tarte au suif et atocas avec biscuits soda
Tarte au suif, sucre d'érable et raisins - NA
Tarte aux gadelles rouges - FR
Tarte aux noix et sirop d'érable - NA
Tarte aux pêches et atocas - NA
Tarte aux raisins au sirop d'érable - FR
Tarte aux raisins et atocas - FR
Tire d'érable sur la neige avec des cornichons sûrs de temps en temps pour se reposer du sucre! - NA
Les boissons
Bière aux jeunes pousses d'épinette noire
Lait fouetté aux bananes et sirop d'érable
Liqueur de raisins à grappes (sauvages ou du verger)
Root Beer (à la salsepareille) - NA
Tisane aux feuilles de fraisiers sauvages
Vin de mûres sauvages
Vin de pissenlit aux raisins, orange et citron