La cuisine du Saguenay
Son paysage
Le Saguenay est mon pays : c’est sur ses rives que j’ai passé mon enfance à construire des campes, à jouer au cow-boy ou glisser en traîne sauvage dans la Côte des Meules, à ramasser des bleuets sur les crans ou des framboises dans les coulées. C’est dans une caverne du cran Fortin que j’ai fait mes premières armes en cuisine en me faisant des frites dans une chaudière de peinture bien nettoyée, sur un feu de camp. C’est aussi sur les chemins des villages riverains ou forestiers que j’ai marché avec mes amis scouts et que j’y ai campé, même à trente sous zéro en janvier. C’est là qu’est né l’amour du Québec, de sa nature et de sa culture.
Lorsque ma femme et moi avons ouvert une auberge à La Baie en 1988, nous voulions faire connaître ce pays aux gens de partout dans le monde. On l’appelait simplement la Maison de la rivière, en insistant sur le «la» pour bien souligner le caractère unique de la rivière Saguenay. Et cette collection de livres vient continuer de réaliser ce rêve de partage!
Jacques Cartier fut le premier explorateur à décrire le Saguenay, lors de son deuxième voyage au Québec en 1535. Jusqu’en 1888, l’année où le train s’est tracé un chemin à travers les montagnes jusque dans la région, il n’y avait pas de route vraiment carrossable pour venir au Saguenay. On devait remonter le fjord, de Tadoussac à La Baie ou Chicoutimi, en bateau ou en canot, pour pouvoir pénétrer ce pays. «Le Royaume du Saguenay», ainsi nommé par Cartier, était un pays bien connu par ses deux guides iroquoiens de Stadaconé (Québec) comme je vous l’expliquerai plus loin. Aujourd’hui, les visiteurs arrivent, la plupart, par le Parc des Laurentides, à 2.30 h de Québec. Cette route est ouverte depuis 1948. Les premiers visiteurs, en grande majorité originaires de Charlevoix, venaient plutôt par la 381, appelée la route du Petit Parc, ou par la 170 qui court sur la rive sud du Saguenay à partir de Saint-Siméon situé au bord du fleuve. Ces deux routes aboutissent toujours à La Baie, le berceau du Saguenay contemporain. Au milieu des années 60, on construisait la 172 sur la rive nord du Saguenay, pour joindre Tadoussac et la Côte-Nord à Chicoutimi. Cette route qui longe la rivière Sainte-Marguerite court dans une vallée glacière parallèle à celle du fjord. C’est un pays magnifique que j’ai connu lors de mes premières expériences de travail. La cuisine y est d’ailleurs très différente de celle du Lac-Saint-Jean d’où mes parents sont originaires.
Mais quel type de paysage les premiers explorateurs ont-ils vu? Tous ont été impressionnés par le gigantisme des caps rocheux qui surplombent le fjord, auxquels s’accrochent des cèdres, des pins rouges ou blancs et des ilôts d’épinettes. Dans ce fjord, viennent mourir plusieurs vallées glacières avec, au fond, une belle rivière à saumon. Ces vallées ont installé, avec le temps, plusieurs érablières et pinières autour de leur rivière. Et c’est là que les autochtones se réfugiaient lorsque les vagues du Saguenay devenaient trop fortes. La nourriture de manquait pas, en toute saison, comme nous le verrons plus loin.
Le bassin hydrographique du Saguenay fait partie des 4 plus importants bassins hydrographiques du Québec avec ses 50 rivières et ses 35 000 lacs de plus de 2 Km carrés. Actuellement, les caps qui bordent le Saguenay s’élèvent en moyenne à 300 m au-dessus du niveau de l’eau, et plongent jusqu’à 276 m, sous le niveau de l’eau, de Saint-Fulgence et La Baie jusqu’au Cap Trinité. Les marées du Saguenay sont plus importantes que celles du fleuve à cause de l’encaissement de la rivière large de 2.5 Km en moyenne; les grandes marées peuvent atteindre 7 mètres! Une partie de la faune marine du Saguenay n’aurait pas subi les mêmes changements que celle de l’Atlantique depuis la dernière glaciation. Les océanographes ont trouvé des spécimens archéologiques encore vivants dans la fosse la plus profonde.
Il y a trois courants dans le Saguenay. Le premier se déverse à marée haute du fleuve Saint-Laurent vers le Saguenay parce que celui-ci est plus creux que le fleuve, et il va, d’une fosse à l’autre, frapper le bout du fjord à Saint-Fulgence et à La Baie, puis il revient vers le fleuve au milieu. Cette eau est très froide et salée comme dans le fleuve (3.4%). Et au-dessus, coule l’eau de surface des affluents du Saguenay et du lac Saint-Jean. Ce niveau est moins salé que les 2 niveaux plus bas, et il l’est encore moins à La Baie qu’à Petit-Saguenay. Par conséquent, on trouve des poissons différents dans le fond et à la surface du Saguenay : corégone, brochet, esturgeon noir, truite parcourent le dessus alors qu’on trouve de la morue, du sébaste, de la plie et du flétan dans les eaux plus profondes. Même chose pour les fruits de mer puisqu’il y a beaucoup de crevettes, de buccins et de crabes communs dans le Saguenay. Les nombreux pêcheurs qui pratiquent la pêche sur la glace, de janvier à mars vous confirmeront tout cela.
Son peuplement et ses ethnies fondatrices
Les archéologues ont repéré plusieurs preuves d’occupation préhistorique du territoire. Tadoussac, la baie Sainte-Marguerite, l’île Saint-Louis, l’anse à la Croix, Chicoutimi de même que tout le long de la rivière Chicoutimi jusqu’au lac Kénogami ont révélé la présence des Archaïques laurentiens, des Archaïques maritimes et des Archaïques du Bouclier. Tadoussac semble même avoir été le point de départ de la culture laurentienne et le point de rencontre de tous ces Archaïques comme nous l’avons expliqué dans le premier volume de la collection. Je ne veux donc pas insister sur cette époque. On sait, entre autres, que les Archaïques laurentiens vivaient à Tadoussac, il y a 4 500 ans, que des gens appartenant à la culture Adéna ont vécu entre Chicoutimi et le lac Kénogami, il y a 3 000 ans.— On se rappellera que cette culture venait des forêts de l’est des Etats-Unis et s’est caractérisée par la construction de monticules funéraires avec un rituel particulier pour enterrer ses morts, dans l’Ohio. De plus, ce sont ces gens qui auraient, par la suite, été en contact avec la civilisation de l’Amérique centrale qui nous a apporté la poterie puis l’agriculture. On pense que les Iroquoiens du Saint-Laurent seraient issus du métissage des Archaïques laurentiens et des descendants de ces premiers fabricants de poterie. Ces mêmes Iroquoiens venaient régulièrement passer l’été à Chicoutimi, du XIV e au XVI e siècle. En 1995, la région comptait au moins 300 sites iroquoiens et la liste continue d’augmenter grâce, entre autres, aux travaux d’Érik Langevin de l’UQAC. Ces derniers venaient se faire des provisions de loup-marin, de castor, de saumon et d’anguille, comme l’ont révélé les fouilles.
Quant aux Archaïques du Bouclier, on sait qu’ils sont présents dans la région depuis au moins 5 500 ans. Ce sont eux qui auraient donné naissance aux Algonquiens de la région que les Français ont baptisé les Montagnais à cause de l’environnement montagneux du Saguenay. La culture algonquienne se nourrissait surtout du gibier forestier alors que la culture iroquoienne ne s’éloignait jamais longtemps des cours d’eau qui lui donnaient l’essentiel de ses denrées : le poisson.
Les Montagnais du Saguenay se nourrissaient principalement d’orignal facilement attrapé dans la région des monts Valin où la neige est toujours abondante. Pendant une bonne période, cependant, ils le remplacèrent par le caribou des bois plus abondant que l’orignal sur les rives du Saguenay. Ce dernier vivait en montagne et descendait se baigner dans l’eau salée du Saguenay, en été. J’ai relevé plusieurs témoignages de cela auprès des aînés de la région. La viande chassée en hiver était consommée fraîche et les excédents étaient battus avec les pieds, des pierres et des bâtons pour enlever tout le sang et l’humidité, puis suspendus en lèches au-dessus du feu pour les sécher ou les fumer. On s’en nourrissait pendant l’été lors des fêtes et des rassemblements. Le quotidien était plutôt composé de poisson, en été, et de gibier plus petit dans les autres saisons. L’ours chassé le printemps avait une connotation spirituelle et était consommé au complet par la communauté; on ne conservait que sa graisse fondue, soit de 45 à 60 livres de graisse par animal. Le porc-épic, le castor, la marmotte, le rat musqué, le lynx, le lièvre pris au nœud coulant par les jeunes garçons, la martre, l’écureuil, mais aussi l’outarde, le canard noir, la sarcelle, la gélinotte huppée, le tétras du Canada, les tourterelles, les tourtes, les bécassines et les bécasses étaient rôtis ou bouillis.
Les Montagnaises s’occupaient davantage de la pêche des petits poissons comme la truite de mer, le capelan au printemps et l’éperlan l’automne, de même que le hareng et l’anguille, alors que les gros poissons comme le saumon, l’esturgeon ou le corégone étaient pêchés au filet par les hommes, en automne, pour faire les provisions de poisson séché ou fumé pour l’hiver. Les petites filles et les femmes ramassaient des coquillages dans la région de Tadoussac. Et elles cueillaient les petits fruits en été et en automne; on conservait toujours des bleuets séchés dans les provisions familiales. De plus, lorsque les Hurons montaient faire du commerce au Lac-Saint-Jean, on en profitait pour troquer des fourrures contre du maïs séché et du tabac, à Chicoutimi. Les Montagnais de Tadoussac trafiquaient plutôt avec les Iroquoiens de Québec campés à Baie-Saint-Catherine, en face. Au XVI e siècle, ils rencontrèrent Jacques Cartier, puis par la suite, de nombreux pêcheurs venus du pays basque, de Bretagne et de Normandie, avec lesquels ils firent des échanges de fourrure contre des outils, des casseroles et même des denrées. Après l’arrivée définitive des Français, on s’est mis à importer des biscuits, des galettes, du pain, des pruneaux, des figues, des pois à soupe et de l’alcool. Et l’arrivée des chaudrons de fer permit de se faire du sirop d’érable.
Au début du XVII e siècle, en 1601 précisément, Pierre Chauvin faisait construire la première maison en bois de Tadoussac. Champlain est le premier Européen à nous décrire la cuisine festive de cet endroit qui accueillait, depuis des millénaires, des peuples venus de tous azimuts. Il raconte que les Montagnais faisaient des bouillis incluant plein de choses comme de l’orignal, de l’ours, du castor et du loup-marin. Sagard ajoute à la liste des œufs de canard, du saumon, des pruneaux, des figues, du maïs séché, des pois à soupe et des biscuits secs. Le Père Joseph, récollet, raconte qu’il donnait des gourganes aux Montagnais de temps en temps. Ces derniers connaissaient bien le maïs et les pois qu’ils faisaient même gonfler dans un plat de céramique posé dans la braise, à la manière du pop-corn actuel; ils avaient sûrement appris cette façon de faire des Iroquoiens d’en face de chez eux, à Baie Sainte-Catherine. Tadoussac fut donc le premier Poste de traite associé au Saguenay jusqu’à la conquête du Québec par les frères Kirk en 1629. Par après, le point de rencontre régional se déplaça peu à peu vers Chicoutimi où l’on construisit un autre Poste de traite en 1676. Mais, c’est au fond de la Baie-des-Ha1 Ha! que se sont installés les premiers colons squatters du Saguenay, en 1838.
Ils venaient tous de La Malbaie et étaient des descendants lointains des premiers Français établis sur la côte de Beaupré et des soldats écossais installés à La Malbaie, après la Conquête. Mais tous étaient francophones. Après 5 ans, le gouvernement du Bas-Canada envoyait des arpenteurs pour quadriller le territoire occupé dans le Bas et le Haut-Saguenay et officialiser l’occupation du territoire. Les 21, comme on les appelle toujours, voulaient vivre de la coupe du bois, en particulier du pin blanc recherché par la marine anglaise pour la construction de ses bateaux. Mais une série de malchances mit en péril leur entreprise de telle sorte que rapidement, un anglophone de Québec, William Price, y vit une magnifique opportunité de se bâtir une industrie forestière à l’aide d’une main d’œuvre captive sur place. Il fit venir un certain nombre d’Anglais de Québec pour diriger les bûcherons et les scieurs du Saguenay. Ces Anglais s’établirent à Chicoutimi et à Grande-Baie. Pas longtemps après, arrivaient d’autres gens de Charlevoix, mais cette fois-ci de Baie-Saint-Paul. Ces premiers villages allaient peupler peu à peu le Saguenay actuel et une bonne partie du Lac-Saint-Jean. Quelques immigrants se joindraient à ces fondateurs pour fonder les premiers villages Saguenayens : je pense aux Finlandais dont un petit groupe s’est établi à Boilleau, je pense aux marins déserteurs danois et norvégiens dont les descendants sont toujours présents au Saguenay, je pense aussi à Cyriac Buckell qui s’établit en 1846 au Lac-Kénogami avec son épouse montagnaise, pour fonder le village de Saint-Cyriac; il était Allemand.
Quant au Haut-Saguenay, le métis Peter McLeod vint ouvrir un moulin à scie avec sa femme montagnaise en 1807, à Chicoutimi. Il fut suivi de travailleurs de La Baie et de gens venus directement de Charlevoix pour s’établir sur les plateaux fertiles du Haut-Saguenay. Les autres villages suivraient rapidement par après. Mais Chicoutimi deviendrait rapidement le chef-lieu du comté à cause de l’évêché, des maisons d’enseignement et de la première installation industrielle de la région. Un homme d’affaire de Chicoutimi, Dubuc, ouvrit la première pulperie de la région en 1898. Mais la pulpe n’était pas transformée localement; on devait la transporter ailleurs pour en faire du papier. C’est alors que William Price décida d’ouvrir un moulin à papier, à Jonquière et un autre plus moderne à Kénogami, ville jumelle de Jonquière, en 1911. Pour opérer cette usine, il fit appel à des ouvriers spécialisés qu’il est allé chercher dans les Provinces maritimes. C’est ainsi que Kénogami s’est enrichi d’Acadiens originaires des Îles-de-la-Madeleine, et d’Anglais du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve.
Mais, c’est la construction des barrages hydro-électriques sur le Saguenay (Chute-à-Caron en 1931 et Shipshaw en 1943) et la construction de la plus grande aluminerie du monde à Arvida, en 1925, qui amena le plus de gens de partout dans le monde et qui vida les campagnes du Lac-Saint-Jean de ses jeunes qui vinrent presque tous travailler aux usines naissantes du Haut-Saguenay. Les travaux commencèrent en 1925 et l’on coula le premier lingot d’aluminium en 1926. Arvida devint une ville cosmopolite où Anglais, Américains, Français, Polonais, Russes Blancs, Autrichiens, Italiens, Allemands, Syriens, Grecs, Tchécoslovaques, Finlandais, etc. se côtoyaient. La communauté polonaise était suffisamment importante pour que l’Évêché de Chicoutimi fasse venir des prêtres de la Pologne pour leur permettre de pratiquer leur religion; l’église Sainte-Thérèse offrait des messes en français, en polonais et en anglais pour les Irlandais. Dans les épiceries d’Arvida, on trouvait, et particulièrement dans les années 1950, une foule d’aliments préparés venant de partout dans le monde. On y trouvait des rollmops allemands, des feuilles de vigne farcies du Moyen-Orient comme des pirogui slaves. Les gens du Saguenay se mirent à la cuisine internationale avant l’heure, comme vous le constatez. Plusieurs immigrants aimaient pêcher dans le Saguenay pour préparer leurs recettes traditionnelles de leur pays d’origine. Un M. Lechansky me racontait que sa mère se plantait des carottes, du chou et des betteraves à Chute-à-Caron, et qu’elle se faisait de la ouananiche au chou, du lièvre aux betteraves, des pirogui aux carottes ou du Borscht (soupe de chou et betteraves au bœuf et charcuterie), comme en Pologne. Voilà pour moi ce qui représente le mieux l’enrichissement de la cuisine québécoise : une cuisine alliant des aliments issus de la nature d’ici avec la tradition culinaire amenée par les immigrants et les autres cultures déjà présentes sur le territoire. Regardons, maintenant, d’un peu plus près, les activités économiques qui attirèrent les gens au Saguenay.
Ses activités forestières et l’alimentation
Nous avons dit plus haut et dans le premier volume que la traite des fourrures avait commencé bien avant le XVII e siècle. Tadoussac a toujours été un haut lieu de rassemblement où les Amérindiens du Nord venaient échanger leurs fourrures et leurs écorces de bouleau contre des outils performants, des objets maritimes décoratifs et à partir du XIV e siècle, du tabac et du maïs. Ces échanges se sont poursuivis tout naturellement avec les premiers Européens qui ont posé leurs bateaux dans la baie de Tadoussac. Très tôt, les Français y ont vu un intérêt économique important, comme on l’a vu plus haut. Ainsi, de 1600 à 1629, la traite se pratiquait intensément à l’embouchure du Saguenay avec les Amérindiens de la Côte-Nord, du Bas-Saint-Laurent, du Nord-du-Québec et du Lac-Saint-Jean. Les fourrures échangées étaient celles de l’orignal, du lynx, du renard, de la loutre, de la martre, du blaireau, du rat musqué et du castor. Par la suite, on ajouta celle des différents phoques présents devant Tadoussac, selon la saison. En retour, les Européens leur fournissaient des haches, des fers de flèches, des alènes, des épées, des tranches à glace, des couteaux, des chaudières, des casseroles et des aliments séchés qui se conservent bien comme les pruneaux, les figues et les raisins secs ou les pois et les fèves (haricots secs et gourganes). Le vin, le cidre et surtout l’eau-de-vie appelée l’eau-de-feu par les Amérindiens, venaient toujours sceller le marché. La traite des fourrures intensive modifia considérablement l’alimentation amérindienne, comme on l’a vu dans le premier volume : elle a été à l’origine des deux premières révolutions culinaires de la cuisine familiale du Québec dont nous avons aussi parlé dans notre premier livre. La prise de Québec par Kirk en 1629 vint mettre un fin à ce commerce temporairement.
Les activités de traite de Tadoussac reprirent normalement vers 1650, comme en témoignent les Jésuites qui vinrent y faire, chaque été, une visite. Elles cessèrent avec la mort du Père Crespieul en 1702. Cette fermeture est due à plusieurs raisons : des épidémies ont considérablement affaibli la population locale, des feux de forêt ont ravagé le Saguenay, la mode des fourrures et des chapeaux de castor est disparue du marché vestimentaire européen et les prix ont chuté. L'orignal est aussi disparu de la région à cause du refroidissement du climat. En 1720, le Père Laure qui visite les quelques Montagnais qui restent raconte qu'ils ont remplacé l'orignal par le loup-marin dont ils tirent de l'huile pour la troquer avec les Français contre des denrées européennes, comme de la farine de blé et des biscuits, des pois à soupe et du lard salé. C'est François-Étienne Cugnet qui est chargé de réorganiser le commerce des fourrures à Tadoussac. Les choses redémarrent doucement en 1722. Mais la traite est à nouveau menacée par la guerre avec les Anglais. Le même Père Laure raconte, le 13 mars 1730, que 3 vaisseaux français sont entrés dans le Saguenay pour se cacher des vaisseaux anglais du Général Phipps; ces navires étaient chargés de nourriture pour la colonie. L'équipage du vaisseau Glorieux était basque et il avait caché dans le sable de l'anse à la Passe-Pierre, au moins 500 livres d'épices destinées aux marchands de Québec. Les Anglais ne les avaient pas poursuivis à cause d'une tempête de neige qui s'était levée sur le Saguenay.
C’est le Poste de Chicoutimi qui remplace le Poste de Tadoussac. Ce poste fut d’abord un entrepôt, en 1671, puis on y installa un vrai Poste de traite avec du personnel en 1676. Le poste y demeura jusqu'en 1846. En 1748, le Poste comprenait 7 bâtiments, des dépendances, 2 jardins et un cimetière. Les fouilles qu'on y a faites en 1962 révèlent qu'on y consommait de l'orignal, du phoque, du caribou, du huart à collier, de l'oie des neiges, du canard colvert, du grand brochet, du doré jaune, du porc, du bœuf, du poulet, de la dinde, de l'oie et du mouton.
Après la Conquête, les affaires continuèrent, désormais organisées par des gérants anglophones. Le gérant du Poste de Chicoutimi, Neil McLaren, raconte dans son journal qu'il approvisionne aussi les postes de traite du Lac-Saint-Jean. Ce qu'il leur envoie révèle en même temps ce qu'il consomme lui-même à Chicoutimi : farine de blé, pois à soupe, maïs séché, whisky Beauport, etc. Son journal révèle aussi qu'il plante des pommes de terre, du navet, du chou, du maïs, des radis et des échalotes, et que l'automne, il fait fumer du saumon, de la ouitouche, de l'anguille, de la truite de mer et de la morue. En 1808, James Mc Kenzie, un employé de la Compagnie du Nord-Ouest raconte qu'il a vu un jardin de pommes de terre au Poste de Chicoutimi. Cela peut paraître étonnant quand on sait que la pomme de terre n'était pas encore consommée couramment par les Québécois francophones du Québec. Elle l'était par contre par les Britanniques et quelques francophones qui vivaient avec eux. La preuve nous est donnée par le témoignage de François Verrault qui a longtemps travaillé dans les postes de traite du Saguenay, dès 1775, à partir de l'âge de 15 ans. Alors qu'il était interrogé par des membres de la Chambre d'Assemblée du Bas-Canada, pour savoir ce qu'on ferait avec les demandes d'ouverture de terres agricoles dans le Saguenay, il racontait ceci :
«Quelle est la nature du sol dans la route que vous venez de décrire, et dans quel temps est-ce que le printemps et l'hiver commencent dans les différentes parties que vous avez parcourues?
-Aux alentours de Tadoussac, le sol n'est que du sable, et seulement propre à la culture des patates; en montant dans le Saguenay, toutes les anses et l'intérieur des deux côtés sont composées de bonne terre propres à la culture; il y a peu de différence avec le climat de Québec, toutes sortes de légumes, ainsi que des melons et des concombres, y viennent à leur maturité; vers Chicoutimy, les messieurs de ce Poste ont des jardins qui produisent des concombres, melons, oignons, en un mot, toutes les choses qui sont produites à Québec.»
Ce témoignage nous est très précieux puisqu'il parle d'une période de notre histoire que nous connaissons peu. Voici un autre témoignage donné par Pascal Taché lors d'une autre séance de demande d'information par la même Chambre.
«Depuis l'année 1780 jusqu'à l'année 1785, j'ai semé des patates et des choux au poste de Chicoutimi, qui sont venus à la plus haute perfection, et les choux qu'on exhibe présentement à Québec, comparés à ceux que j'ai récoltés à Chicoutimi, ne paraitraient que comme des choux nains. J'ai entendu dire à Monsieur Peter Stuart, qui avait hiverné au Poste de Chicoutimi, qu'il y avait semé de l'orge, des pois et du blé, et qu'ils étaient tous venus en pleine maturité; je ne doute aucunement de la vérité de ce fait.»
Tout cela démontre que la cuisine saguenayenne appartient bien aux régions agro-forestières du Québec parce qu’elle fait appel à la nature sauvage et à la nature cultivée pour se construire.
Les premiers colons vont continuer de faire appel à ces deux garde-manger pour vivre. Dès leur arrivée au Saguenay, les bûcherons de pins blancs ont fait de la pêche et de la chasse en plus de se faire un jardin. Comme les premiers colons défrichaient leurs terres, ils n’avaient pas besoin d’aller loin pour se nourrir. Mais l’arrivée des chantiers forestiers dans les montagnes, à l’intérieur des terres, créa une cuisine particulière qui eut des incidences sur la cuisine québécoise. Celui qui a décidé de la nourriture des chantiers était William Price lui-même : «Les provisions qui seront données pour les chantiers seront du pain, des biscuits, du lard, du poisson et des pois. J’espère que tout le monde sera content de cette nourriture. Je n’ai promis rien de plus.»
M. Sixte Bouchard de Bagotville (La Baie) raconte comment on répartissait ces denrées : «Le menu du chantier, c’était du ragoût le matin, du lard le midi, du poisson le soir. Le biscuit de matelot avait beaucoup de vogue.» Ce régime limité ne plaisait pas toujours aux gars comme en témoignent les souvenirs de M. Donat Lessard de Jonquière. «Dans les chantiers, on commençait la journée de bonne heure; fallait être rendu sur l’ouvrage avec le commencement du jour, et ça finissait tard le soir. C’était de même partout et on était mal nourri. On mangeait de la sauce à poche et du pain noir; et si on mangeait trop, on recevait des reproches. On n’engageait pas quelqu’un qui avait beaucoup d’appétit.»
La plupart de chantiers du Saguenay appartenaient à William Price et ses contremaîtres étaient des Anglophones : Blair, Hughy, Davad, Sandy, Robert Scott. Robert Blair dirigeait la ferme des Price à Grande Baie qui préparait toute la nourriture nécessaire aux camps de bûcherons. Le cuisinier et le contremaître ou jobbeur logeaient dans une pièce attenante à la cuisine appelée le pinereau. Souvent le cuisinier était assisté d’un show boy chargé de chauffer le poêle, d’aller chercher de l’eau, d’éplucher les pommes de terre, de mettre la table, de laver la vaisselle, etc. La cuisine de chantier du Saguenay avait quelques plats traditionnels comme le lard salé bouilli mangé froid, la soupe aux pois avec des biscuits matelots, le rôti de bœuf ou d’orignal, le ragoût de viande sauvage (lièvre, perdrix, lynx, rat musqué), mais surtout, il y avait la picoune. Voici ce qu’en dit M. Ulysse Duchesne des Terres-Rompues : «On n’était pas nourris comme aujourd’hui dans le bois; c’est bien amélioré. Ils faisaient venir le lard de Chicago en grosses pièces salées. On ôtait le maigre et on le faisait dessaler pour faire de la picoune pour le matin. La picoune, c’était une sorte de sauce faite avec de la farine et de l’eau où on avait trempé longtemps du maigre de viande salée. Avec la viande, on faisait de la soupe; le lard on le mangeait froid.»
Cette version de la picoune s’est améliorée avec le temps. On a ajouté à cette sauce, du foie de porc en fines tranches. La recette nous vient probablement des Etats-Unis puisque j’ai retrouvé la même chose en Nouvelle-Angleterre. On faisait d’abord pocher le foie avant de le couper en dés et de le mettre dans la sauce chaude. Le nom cependant appartient à la langue de Charlevoix. Il serait probablement une déformation du vieux montagnais skun qui désigne foie.
Plusieurs cuisiniers de chantiers étaient des Américains qui avaient déjà cuisiné dans les premiers chantiers de la Nouvelle-Angleterre après l’avoir fait sur les bateaux qui allaient dans les Antilles. M. Joseph Tremblay Boise raconte que c’est un nommé Lenard (Leonard) qui était venu montrer aux cooks du Saguenay à faire des beans, en 1862. «Avant, dit-il, on les faisait cuire à l’eau et c’était pas mangeable.» M. Ulysse Duchesne, quant à lui, prétend que c’est plutôt un certain M. Grant venu de Trois-Rivières qui aurait eu cette mission :
«Les premières fèves qu’on a eues, on les préparait avec de l’eau, dans laquelle on les faisait bouillir pour faire une sorte de sauce blanche, avec de la farine dedans. Les gens n’aimaient pas ça. On a fait venir un cook des États ou de Trois-Rivières du nom de William Grant qu’il ne faut pas confondre avec le William Grant qui était commis pour les Price et le gendre de Michel Caron. Il a montré comment faire et il est reparti aussitôt. La première fois que Grant a préparé des bines avec du lard, comme on les fait maintenant, il m’en a présenté quelques cuillérées. Je lui ai dit: Ça, c’est correct.»
M. Simon Boudreault de l’Anse-Saint-Jean vient confirmer l’époque de l’arrivée des fèves au lard sucrées au Saguenay. Il parle ici d’une technique de cuisson empruntée aux Métis montagnais qui habitaient l’Anse-Saint-Jean où il s’était fait, autrefois, un commerce de fourrure : ils s’appelaient Jacques Bacon, Denis Bacon, le père Germain et Flavien Moreau.
«La première année des bines, j’avais 23 ans. J’ai 86, ça nous met devers 1870, un peu après (1872). Joseph Tremblay, de Sainte-Anne, notre foreman, avait montré la manière de les faire. On emplissait le chaudron, un rang de bines, un rang de lard, puis on le plaçait dans le sable chauffé par un feu dessus. Les bines étaient jaunes et bonnes.»
Les cooks américains ont donc enseigné la cuisine des chantiers américains aux cuisiniers québécois. Parmi ces plats, il y avait la salt relish, les slides, les plugs, etc. La salt relish s’est transformé en sauce à la poche. Les Américains cuisinaient beaucoup avec le lard salé. Ainsi, tous les matins, ils faisaient cuire des lardons dans de grands poêlons, puis ils faisaient un roux brun en saupoudrant de la farine dans le gras fondu. Lorsque le roux était devenu brun, ils ajoutaient de l’eau bouillante pour faire la sauce, et ils remettaient les dés de lard salé cuit dans la sauce; c’était cela la salt relish. On la mangeait avec du pain ou des pommes de terre. Les cuisiniers québécois s’en inspirèrent pour faire la sauce à la poche mais ils la modifièrent. Plusieurs cuisiniers ajoutèrent de l’oignon au lard salé qu’ils coupaient plutôt en tranches qu’en dés. Et ils servaient les grillades obtenues avec la sauce et non pas dedans. C’est Raoul Lapointe qui raconte le mieux pourquoi on appelait cette sauce, la sauce à la poche :
«Mon père, grand mangeur, avalait tout et pouvait digérer des pierres avec son estomac de fer. Il ne mangeait pas de tout, cependant, et se permettait certaines préférences en gastronomie. Une bonne "sauce-à-la-poche” ne le laissait pas indifférent. C’était un mets de dépannage pour les hommes de chantiers qui avaient autre chose à faire que cuisiner. Elle était faite de farine, de pain et de lard salé. On la faisait geler.On la plaçait dans des sacs et elle était transportée dans les chantiers. En arrivant le soir, on coupait des quartiers de sauce à l’aide d’une hache et l’on plaçait les morceaux dans un plat. La "truie” bourrée de bois et chauffée à blanc, redonnait à la sauce son état naturel. Les bûcherons se chargeaient de vider le plat. Évidemment, quand les hommes étaient descendus du bois, ils n’avaient plus à suivre ce rituel, mais la sauce portait toujours son nom de "sauce-à-la-poche”. Mon père avait gardé un excellent souvenir de ce plat régional»
Les plugs étaient des boules de pâte à pain qu’on faisaient cuire dans l’eau bouillante et qu’on mangeait avec de la mélasse. Les slides étaient à l’origine de la pâte à tarte qu’on étendait sur des tôles à biscuit, qu’on badigeonnait de beurre et saupoudrait de cassonade puis qu’on recouvrait d’une autre pâte à tarte. Lorsque la lèchefrite était dorée, on la découpait en rectangles qui ressemblaient à des trottoirs, d’où le nom anglais de slides.
Entre les années 30 et 50, la cuisine des chantiers s’est améliorée. On faisait de la soupe avec des os de viande, de l’orge, du riz, des pâtes alimentaires et on incluait des légumes de conservation facile et des conserves de tomates. Les marinades de légumes étaient ajoutées sur la table avec les ketchup et moutarde. Et surtout, on faisait beaucoup de pâtisseries avec de la cassonade, de la mélasse, des raisins secs, des pommes séchées et des confitures : tartes, slides, galettes et parfois des poudings et des grands-pères dans le sirop. Le cook devait prévoir une tarte par bûcheron!
La drave qui suivait le temps de bûchage avait aussi sa cuisine particulière. M. Napoléon Saint-Gelais de Laterrière nous en parle : «Le printemps, on allait à la drave. On partait les premiers jours de mai et on revenait vers le 10 juin. Ça faisait des runs assez longues...On faisait 4 repas par jour. On déjeunait à 5 h le matin, puis on mangeait à 9 h, à 3 h et à 6 h, 7h le soir, pendant cinquante à soixante jours, les semaines et les dimanches. Des beans le matin,des beans à 9 h. De la soupe aux pois avec du lard anglais et des patates bouillies ou fricassées à 3 h ainsi que le soir au souper. Il n’y avait pas autre chose que de la soupe aux pois puis des patates fricassées. C’était dur, c’était dur, j’étais tanné de ça, moé»
Un bon nombre de bûcherons qui n’aimaient pas leur métier forestier se dépêchèrent de trouver du travail dans les premières usines de pâte et papier du Saguenay. La première fut construite à Jonquière par les frères Price. Leur neveu, William Price, acheta et réorganisa la première usine de fabrication de papier et de carton à Jonquière, en 1889. Chicoutimi avait sa première pulperie fondée par J.E.A. Dubuc en 1896. Au plus fort de son fonctionnement dans les années 20, elle employait 2 000 personnes. Des Suédois tentèrent d’ouvrir une usine de pulpe à l’Anse à Benjamin, à La Baie, en 1900. L’usine, appelée aujourd’hui le Site des Écorceurs, dut être rachetée par des Américains qui l’ont fait fonctionner de 1903 à 1914. Elle fut suivie d’une usine très moderne de pâte et papier fondée par William Price en 1911, à Kénogami. Nous avons expliqué plus haut l’impact important qu’ont eu ces usines sur l’accroissement de la population régionale.
L’arrivée de l’Alcan dans la région en 1925, et des barrages nécessaires à son fonctionnement, compléta l’urbanisation. Ville de Saguenay est l’illustration moderne de cette grande conurbation de près de 200 000 habitants. Le lien que l’Alcan a avec la nature régionale est essentiellement l’utilisation de son eau par ses barrages hydroélectriques. L’aluminium est produit par une matière première (la bauxite) importée de pays tropicaux. C’est le bas prix de l ‘énergie électrique qui garde Alcan dans la région. La cuisine ouvrière née des papeteries et des alumineries est un mélange de la cuisine québécoise traditionnelle et des produits apportés par l’industrie alimentaire.
L’amélioration des conditions de vie des ouvriers permit à beaucoup de familles de classe moyenne d’acquérir un chalet de villégiature au bord d’un lac ou d’une rivière. À partir des années 40, plein de familles purent retrouver la forêt qui leur manquait tant, au cours de la morte saison. Mes parents acquirent un grand chalet au bord de la Rivière Mistassini, dans leur pays d’origine. Mon père y avait construit un four à pain, — parce que ma mère a toujours cuit le pain familial, et l’on pouvait se baigner et courir sur les grandes plages de sable à notre goût. Un foyer extérieur nous permettait de pique-niquer, de se faire griller du pain ou des guimauves sur la braise, et l’événement demeurait les fèves au lard qu’on faisait cuire toute la nuit dans le sable réchauffé par le gros feu de camp du soir. Ma mère était équipée d’un bon vieux poêle à bois pour cuisiner à l’ancienne, jusque tard l’automne pendant que mon père allait poser des collets ou trapper le castor dans les alentours.
Je sais que ces souvenirs que je partage sont communs à plusieurs de mes lecteurs issus des régions forestières du Québec. Ce goût pour la nature était d’ailleurs présent dans la région depuis les tout débuts. J’ai rencontré beaucoup de témoignages anciens, datant de la fin du XIX e siècle, qui parlent de pique-niques qu’on faisait en pleine nature, à toutes sortes d’occasion, en particulier les dimanches midis. On apportait souvent le repas chaud pour ce pique-nique. Ma mère faisait un gros Bouilli de légumes ou une tourtière. Jean-Baptiste Petit de Chicoutimi se faisait aussi de beaux pique-niques en 1883, comme le rapporte Aurore-Russel Bouchard : «Nous avons fait un splendide dîner composé d’une énorme chaudière de bouilli de lard, boeuf, mouton, perdrix, poulet, patates, carottes, choux, navet et d’une salade aux concombres avec du chou et du homard, le tout arrosé de brandy.»
Mme Desgagnés de La Baie me disait que ses oncles se faisaient un macoucham dans le sable chaud de leur feu de camp, quand ils allaient à la pêche. C’était un autre plat de fête emprunté aux Amérindiens de la région. On tapissait le fond d’un chaudron noir de tranches de lard salé, puis on alternait des tranches de pommes de terre, d’oignon et de truite mouchetée ou de mer. On terminait par une autre rangée de lard. On fermait le plat hermétiquement et on l’enfouissait pendant 3 h dans le sable brûlant sous le feu de camp. Ce plat reste pour moi l’un des plus beaux classiques de la cuisine saguenayenne!
Finalement, je ne voudrais pas passer sous silence les fameuses croisières sur le Saguenay, qui amenaient des touristes des grands centres urbains de l’Amérique, à venir visiter le fjord, et en particulier le Cap Trinité avec sa statue de la Vierge. La compagnie Canada Steamship Line organisait des croisières sur le Saguenay dès le milieu du XIX e siècle. La cuisine servie sur les bateaux s’efforçait d’être locale en approvisionnements, tout en utilisant les modes de cuisson de la cuisine bourgeoise classique. Il y en avait pour les traditionnels et les aventuriers de la cuisine.
Ses garde-manger
Le garde-manger sauvage
La truite mouchetée et la truite rouge (même poisson que l’omble de l’Arctique) sont les poissons les plus recherchés par les nombreux pêcheurs du Saguenay. Mais ce dernier poisson est présent seulement dans quelques lacs à l’est du Saguenay. Le Lac Kénogami et le lac Monger dans le secteur de la rivière Shipshaw abritent aussi de la ouitouche, de l’éperlan arc-en-ciel et de la ouananiche depuis la dernière glaciation. Les lacs sur le dessus des montagnes du Saguenay recèlent, en plus, de la truite mouchetée, de la carpe noire (meunier noir) et dans quelques lacs, du touladi, de la perchaude et du brochet. On peut prendre du doré jaune dans le lac Huard et du grand corégone dans le lac Vermont et le Réservoir du lac Lamothe. Il y a aussi de la loche dans ce réservoir. Dans la partie non salée du Haut Saguenay, soit de Saint-Charles à Arvida, on pêche du doré jaune à l’embouchure de la rivière aux Sables, du grand brochet, de la carpe noire et du saumon à Kénogami et du doré jaune, du grand brochet, du grand corégone, du meunier noir et rouge à Villebois (envers Alma). En aval d’Arvida jusqu’à Saint-Fulgence, on commence à trouver des poissons anadromes et catadromes comme l’anguille, l’éperlan, le caplan, le poulamon (poisson des chenaux), le saumon et la truite de mer.
Les gibiers les plus populaires au Saguenay sont les 3 plus gros qu’on trouve encore dans nos forêts : l’orignal, le caribou des bois et le chevreuil (cerf rouge à queue blanche). Je croyais que le chevreuil était arrivé récemment avec le réchauffement du climat mais ce n’est pas le cas. Des témoignages de gens de Laterrière prouvent qu’on en chassait aussi au XIX e siècle.
Quand on n’avait plus de gibier ou de poisson, même plus de pain, les gens se mettaient à la soupe aux herbes qu’on faisait avec des herbes sauvages qu’on ramassait dans les fossés ou les jardins qui levaient, en les épaississant avec de la farine ou du gruau. La nature servait toujours de dépannage dans la cuisine saguenayenne. La forêt donnait son lot de feuilles, de sève et de petits fruits : salsepareilles, merises, cerises à grappes, bleuets, petites poires, noisettes, catherinettes, gadelles rouges ou noires aussi appelées cassis, mascobinas, pimbinas, quatre-temps, framboises, mûres (plus rares), petites fraises, atocas, graines aussi appelées sûrettes à certains endroits, thé des bois et chiogènes au goût de menthe. Avec ces fruits, on faisait des tartes, des galettes, des poudings, des sirops avec des grands-pères, des mousses aussi appelées crèmes quand on n’avait pas beaucoup de fruits (blancs d’œufs battus avec un peu de sucre et des petits fruits rares comme les catherinettes, par exemple.) Les fruits à noyau servaient plus à faire de la gelée et du vin apéritif. Les feuilles de menthe sauvage, de thé du Labrador et de quelques autres arbustes comme les feuilles de poires à cheval (baies d’amélanchier), donnaient aussi du thé de dépannage. On connaissait aussi les têtes de violon et les rhizomes des quenouilles que certains mettaient dans leur soupe aux herbes, le printemps.
Le garde-manger de la ferme
Disons, au point de départ, que l’agriculture de la région a toujours été plus prospère dans le Haut-Saguenay que dans le Bas-Saguenay. Mais encore là, tout cela est à nuancer. Le Bas-Saguenay est extrêmement montagneux et les surfaces pour y planter des céréales, par exemple, sont rares. Elles ont suffi à nourrir les premières familles qui se sont installées dans les anses ou près de lacs ou de rivières, à l’intérieur des terres, mais aujourd’hui, on ne considère pas le Bas-Saguenay comme une région agricole. Pourtant, plusieurs fermes biologiques et quelques horticulteurs y prospèrent à Petit-Saguenay, Anse-Saint-Jean et La Baie. Les fermes agricoles sont beaucoup plus vastes sur les hauts plateaux du Saguenay. On vit encore aujourd’hui de l’agriculture. Les terres de la plaine de Jonquière sont les plus riches. Au début, la région plantait du blé, du seigle, de l’orge, de l’avoine, du sarrasin et du foin. Ces céréales permettaient de faire du pain, des crêpes, des galettes, des catalognes, des fendues, etc. Les catalognes sont des espèces de galettes faites avec des lardons qu’on fait cuire dans le poêlon alors que les fendues sont des pâtes plus légères qu’on coupe en plein centre pour les faire frire dans l’huile de loup-marin, de béluga ou même de poisson. Je vous donne, pour terminer cet aperçu de l’approvisionnement de la ferme et du jardin du Saguenay, deux témoignages de fermiers de Laterrière :
M. Girard : «On mangeait de la viande, de la volaille, du boeuf, du porc. Et des patates et toutes sortes de légumes, des carottes, des bettes. On cultivait nos fèves et on faisait des beans avec les fèves qu’on cultivait. Puis des gourganes, des choux, tout ça. Ça faisait l’année, ça. Tout ce qu’on achetait, c’était le sucre, la farine, le sel, la poudre à pâte, ces choses qu’on ne récoltait pas.»
Mme Jean : «Au printemps, on encannait ce qui restait: les poulets, les oies, les dindes.»
M. Munger : «On fumait la viande pour la conserver. Quand on avait trop de viande, le printemps, par exemple, plutôt que la jeter ou de la faire cuire, on avait des crochets où on accrochait la viande. Puis on faisait boucaner la viande avec de la moulée de scie.»
Les terres défrichées permirent donc d’y semer les céréales nécessaires à l’industrie laitière. Celle-ci a commencé vers 1867 dans la région. En 1882, Siméon Fortin ouvrait les premières fromageries de la région à Bagotville et Chicoutimi. En 1883, Joseph Brassard ouvrait la première fromagerie à Jonquière; 1 mois après, on était prêt à expédier 200 meules de cheddar à l’extérieur de la région par goélette, et plus tard, par train.
Le garde-manger du fjord
On ne faisait pas fumer que la viande, mais aussi le poisson. M. Petit , épicier de Chicoutimi présenté par l’historien Aurore-Russel Bouchard, raconte qu’il faisait aussi fumer du poisson du Saguenay. Le 25 mai 1878, il faisait fumer 6 saumons, 60 anguilles et 10 douzaines de harengs. Encore aujourd’hui, beaucoup de pêcheurs fument leur truite avant de la mettre en conserve ou de la manger sur des canapés avec de la mayonnaise et de l’oignon en rondelles. Le salage du poisson était cependant le procédé de conservation le plus utilisé. Beaucoup de gens du Bas-Saguenay m’ont raconté que les excédents de leur pêche à fascine tendues tout le long du Saguenay, de Tadoussac à Saint-Fulgence ou La Baie, étaient mis dans le sel. Le monde avait grâce à cela, du saumon, de la morue, de l’anguille, du hareng et de la sardine salés, tout l’hiver.
En aval de Saint-Fulgence et dans la Baie, on trouve presque tous les poissons de l’Atlantique : la morue, l’ogac (autrefois appelée loche), la merluche blanche près de l’embouchure du Saguenay, le sébaste, le flétan du Groenland, la plie lisse, la limande à queue jaune, la loquette d’Amérique (sigouine), le poulamon, le hareng et la sardine, sont ceux que l’on pêche occasionnellement. Pendant la pêche d’hiver, c’est le sébaste qui est la prise la plus abondante, suivi de la morue et du flétan du Groenland (turbot). Il y a aussi plusieurs coquillages dans le Saguenay, mais à cause du mercure toujours présent, on ne peut plus les ramasser. Il y a la moule bleue, la modiole du Nord (grosse moule), la mye commune (palourde), la clovisse arctique, la coque d’Islande, la mactre de Stimpson (clam), le buccin et le bigorneau jaune. On trouve beaucoup de crevettes et de crabes communs, jadis pêchés sous la glace. Mais beaucoup d’autres poissons non pêchés viennent dans le Saguenay comme des esturgeons noirs, célèbres pour leur caviar, la raie, le brosme et le loup de mer (catfish) plus connu en Floride et en Louisiane qu’au Saguenay. Pourtant!
Les mammifères marins qui viennent dans le Saguenay sont le phoque gris et le phoque commun appelé plus souvent le loup-marin. Jadis chassés, ils l'étaient pour leur huile. Mais peu de gens consommaient leur viande au Saguenay, à part les Montagnais (Innus), au moment où ils habitaient encore le Saguenay, et certains habitants de Tadoussac et de Baie-Saint-Catherine. On le faisait rôtir avec d’autres viandes domestiques pour adoucir son goût de foie de bœuf.
Pour terminer, les plantes salées et aimant l’eau salée, poussant sur la grève, sont encore utilisées dans les sauces et les soupes aux herbes, comme sur la Côte-Nord, à côté. Ma liste en donne quelques exemples.
Ses recettes
J'ai intégré dans cet index des recettes du passé appartenant à nos ancêtres d'origine française et écossaise de même que celles influencée par la présence des Innus du Saguenay. De plus, les immigrants d'Europe de l'Est comme les Polonais ou ceux du Nord de l'Europe comme les Danois ont laissé leurs traces aussi. Enfin, je me suis permis d'inclure mes créations de chef puisque mes recettes traduisent bien mon intégration à la nature saguenayenne et à ses cultures fondatrices. Je continue d'ailleurs de faire cette cuisine dans ma propre famille et certains de mes clients les ont aussi adoptées chez eux. J'ai simplement identifié la recette par le mot «création».
Les spécialités du déjeuner
Catalogne (genre de crêpe avec lardons)
Confiture de petites poires
Crapeaux de Laterrière (pâte à pain coupée en morceaux et frite dans l’huile)
Crêpes au gruau de Petit-Saguenay avec sirop d’érable
Crêpes au pain de l’Anse-Saint-Jean avec sirop d’érable
Crêpes aux bleuets frais ou séchés de Saint-Honoré
Déjeuner à la truite froide sur des toasts
Dormeuses (variété de crêpes qui font un gros chapeau en cuisant)
Fendue ou galette à la branche aux bleuets de Saint-Félix d’Otis
Fèves au lard à la perdrix
Fèves au lard au canard noir
Fèves au lard au lièvre
Galettes à l’huile de caplan
Gelée de cassis
Gelée de cerises à grappes
Gelée de gadelles
Gelée de mascobina
Gelée de merises
Gelée de pimbina
Gelée de pommettes
Gelée de salsepareille
Gelée de cenelles
Orignal ou lièvre mis en conserve avec du porc et servi au déjeuner avec du pain de ménage
Pommettes dans le sucre pour déjeuner avec du pain grillé
Truites rôties avec des grillades pour déjeuner
Les entrées, collations et petits repas
Anguille fumée de Laterrière
Aspic de saumon aux oeufs durs et olives vertes
Ballotine de truite de mer farcie à la truite de mer fumée, servie avec une crème à l’ail et au sirop d’érable (création)
Beignets de cervelle de boeuf mariné dans le vinaigre puis enrobés de pâte à frire et frits en grande friture
Blanquette au lait (lait épaissi avec fécule ou pommes de terre en purée)
Bouillie (lait épaissi) à la cannelle
Bouillon de boeuf, porc et perdrix avec tranches de pain de ménage (mangé en collation durant la veillée) à Larouche
Brochet boucané du Lac Kénogami sur biscuits soda
Carrauté d’abats de porc des Lessard de La Baie (abats de porc coupés en dés et cuits avec cubes d’oignons, carottes et navet, préparés en sauce et servis sur du pain grillé)
Carré de pissenlit au fromage cheddar fort de La Baie et fromage de chèvre de Sainte-Rose-du-Nord (création)
Crêpes farcies à la sauce béchamel aux champignons sauvages séchés
Croûte aux bolets et au vieux cheddar Boivin (création)
Effilochade d’alose de la Baie-Saint-Marguerite servie froide en salade avec des rondelles de tomates et d’oeufs durs et un hachis d’herbes fraîches, dont du persil sauvage (livèche écossaise) (création)
Filets de truite mouchetée présentée sur un lit de feuilles de chêne et de laitue boston, entouré de lamelles d’avocat, le tout arrosé d’une vinaigrette au jus de citron (création)
Filets de truite mouchetée présentés sur une salade de maïs en grain parfumée à l’anis en grains (création)
Flocons de morue pochée du fjord, en salade sur des lamelles de fenouil frais (création)
Galette d’agneau hachée parfumée à l’oignon, ail et menthe sauvage haché, servi sur une salade de laitue et pissenlits à la crème sûre (création)
Hareng boucané de Petit-Saguenay mangé froid pendant la soirée
Lard salé cru râpé et oignons, en très petits dés, marinés plusieurs jours dans le vinaigre, mangé en entrée avec des biscuits soda comme à Boilleau
Lard salé cru raclé, mangé cru avec du pain, arrosé de vinaigre ou mangé avec des rondelles d’oignon rouge dans le vinaigre
Ma croûte aux bolets, oignons, crème et cheddar fort de La Baie (création)
Ouitouche fumée avec des oignons dans le vinaigre
Pain et lait avec petits fruits sauvages
Pâté de foie d’orignal au bacon, thym et porto
Pâtés d’orteils des Morin de La Baie (chaussons de porc et lièvre haché en demi-lune de pâte, fortement plissée pour fermer le chausson, d’où le nom)
Pâtés plissés de Chicoutimi (chaussons de porc haché, oignons et épices mis à cuire cru dans une pâte spéciale à l’eau bouillante)
Petits cochons de l’Anse-Saint-Jean (chaussons en demi-lunes de porc haché cru)
Petits pains fourrés à la truite mouchetée, oignon, céleri et mayonnaise
Petits pains fourrés à la salade de doré ou brochet avec mayonnaise, radis, échalote verte
Pirogui aux carottes (genre de petits chaussons à la purée de carottes)
Rosbif froid servi en pique-nique avec échalotes vertes entières, petits navets blancs crus et salade de jeunes pousses de pissenlits (Chicoutimi 1886)
Roulades de pâte brisée à l’orignal haché à la moutarde, servies nappées de sauce aux champignons sauvages (inspiré par les roulades de saumon)
Salade de concombre et chou au homard en conserve ( XIX e siècle Chicoutimi)
Salade de crevettes du fjord aux tomates et aux anchois
Salade de crevettes du Saguenay ramassées sous la glace dans les années 80 avec riz, mayonnaise, ail et persil
Salade de flétan du Groenland de l’Anse-à-Benjamin aux oranges et rondelles d’oignon rouge (création)
Salade de gourganes à la sauce Worcestershire
Salade de gourganes au fromage cottage et concombre en dés (création)
Salade de gourganes au saumon fumé de la rivière à Mars
Salade de macaroni aux petites tomates, concombres et cubes de fromage Boivin de La Baie
Salade de pissenlits à l’huile, vinaigre et crème
Salade de pommes de terre au hareng fumé de Bagotville
Salade de pommes de terre aux saucisses de caribou des bois et pissenlits liés à la vinaigrette au vinaigre de noisettes (création)
Salade de truite de mer fumée avec des rondelles d’oignon rouge et des câpres de capucines
Saumon fumé de Sacré-Coeur servi avec une petite crème parfumée aux topinambours marinés au vinaigre d’estragon (création)
Saumon fumé servi sur un lit de germinations de tournesol, saupoudré de jaunes d’oeuf écrasés à la fourchette, avec mayonnaise citronnée (création)
Saumon salé raclé et mangé cru avec du pain de ménage et des boules de beurre maison frais, comme à l’Anse-à-la-Croix
Terrine au saumon de Sainte-Rose-du-Nord
Terrine de faisan de Sagard au gin et baies de genièvre du bord du Saguenay (création)
Timbales de lièvre (béchamel mélangée à du lièvre cru haché et des jaunes d’oeuf, cuit au bain-marie au four dans des ramequins, servies avec biscottes et sauce tomate maison
Trempette aux armillaires couleur de miel avec crudités et biscottes (création)
Les soupes
Bouillon d’oie aux tomates, vermicelle et herbes salées
Bouillon de betteraves aux champignons sauvages (armillaires ou mousserons) et vermicelles
Chaudrée de morue aux patates, céleri, persil, thym et jus de tomate de La Baie
Consommé de tomates aux vermicelles, parfumé au cèdre (thuya canadien) et aux olives vertes (création)
Crème d’épinards et de feuilles de marguerites, décorée avec des pétales de marguerites (création)
Crème de gourganes parfumée à la sarriette
Crème de légumes et gourganes (création de mon fils Guillaume)
Crème de navet au sirop d’érable
Crème de perdrix
Fumet de crabe de l’Anse- Saint-Jean aux feuilles de trèfle blanc (création)
Ma crème de brocoli à l’ail et au bouillon de jambon, décorée aux fleurs de moutarde sauvage (création)
Ma crème de carottes aux pétales de roses sauvages (création)
Sabane (soupe élémentaire de dépannage faite avec un roux brun de graisse de lard salé et farine, et de l’eau)
Soupe à l’ivrogne de Ferland-Boilleau (oignons rôtis avec eau et jus de tomate, biscuits soda écrasés et lait)
Soupe à la passe-pierre (salicorne) de Tadoussac
Soupe à l’orge aux légumes salés (carotte, navet, chou-fleur, tomate, céleri, poireau, oignon, mis dans le gros sel à l’automne précédent)
Soupe à l’orge des Blackburn avec carotte, navet, pommes de terre et boeuf salé
Soupe à la passe-pierre de l’Anse-de-roches avec riz et bouillon de poule
Soupe à la perdrix à l’orge et herbes salées
Soupe au beurre et tomates au sel (tomates conservées dans le gros sel pendant l’hiver) avec des nouilles maison
Soupe au riz à la perdrix et herbes salées
Soupe au riz de pâte aux feuilles d’épinards ou de bettes à carde de Bégin, sarriette, ciboulette appelée "brûlotte”
Soupe aux feuilles de Larouche (pissenlit, bette à carde, épinard, laitue)
Soupe aux gourganes de l’Anse-Creuse avec légumes du bouilli en dés et os de bœuf
Soupe aux gourganes et aux pois de Petit-Saguenay
Soupe aux herbages de Boilleau (feuilles de carotte, navet, chou, laitue, gourganes et poulette grasse)
Soupe aux herbes de l’Anse avec feuilles de betteraves, carottes, navets, poulette grasse et petites cosses de gourganes
Soupe aux herbes de Sainte-Rose-du-Nord (bouillon de viande avec pain déchiqueté et pissenlit, poulette grasse, feuilles de chou, de navet, de betteraves, cerfeuil et persil)
Soupe aux légumes et perdrix de l’Anse-de-Roches
Soupe aux moules à l’ancienne avec lard salé, pommes de terre et lait de Tadoussac
Soupe aux os d’orignal, orge et herbes salées
Soupe aux palourdes et au lait avec queues d’oignon, céleri et persil sauvage de Tadoussac
Soupe d’hiver au barlay (orge) à la poulette grasse salée
Soupe de brochet aux légumes et au lait
Soupe de perdrix à la laitue et champignons de mon frère Florent
Soupe de perdrix au chou
Soupe de printemps aux quenouilles de Ferland (avec bouillon de perdrix et riz)
Soupe montagnaise de Tadoussac à la semoule de maïs parfumée à la graisse d’ours ou à l’huile de loup-marin, puis plus tard par la graisse de lard salé dans les camps de bûcherons
Velouté de chou-fleur aux fleurs de feu (épilobes) (création)
Les plats principaux
De la forêt
Les poissons
Bouilli au lard salé, mouton, boeuf, chou, maïs entiers, navet, carotte, et truites entières pochées sur le dessus
Bouillote à la truite de Sagard (fricassée de pommes de terre au lard salé, laurier et tomates sur laquelle on fait pocher des petites truites mouchetées)
Bouillotte de brochet aux légumes de Saint-Ambroise (carotte, céleri, haricots jaunes, maïs en conserve, lait, thym et sarriette)
Boulettes de brochet avec purée de pommes de terre, oignon, céleri, champignons, enrobées de chapelure et poêlées au beurre (création de mon frère Florent)
Brochet ou poisson blanc, enveloppé de papier d’aluminium, et cuit dans la cendre, servi avec citron et pommes de terre avec pelures cuites dans la papier aluminium dans la cendre
Filets de brochet cuit sur un lit de légumes râpés au four, de Larouche
Fondue de brochet (trempé en bouchées dans la pâte à frire et cuit dans un caquelon d’huile servi avec une sauce tartare, une sauce du diable ou une sauce barbecue
Gâteaux au crabe de l’Anse avec salade César et ketchup
Gibelote à la truite (pommes de terre, oignon et carottes cuites à l’eau auxquelles on ajoute de la truite mouchetée en tronçons et du lait)
Ouananiche au chou des Polonais de Chute-à-Caron
Ouitouches rôties
Pâté à la truite cuite (pommes de terre en dés cuites avec de l’oignon, arrosées de crème, mélangées à des restes de truite et recouvertes d’une abaisse de pâte brisée)
Pâté à la truite de Ferland (morceaux de truite cuite dans de la graisse d’oie, mis dans un plat en verre graissé à la graisse d’oie, saupoudrés de queues d’oignons, de maïs en conserve, de farine, sel et poivre, arrosé de crème, et recouvert d’une pâte à tarte)
Truites mouchetées marinées au gros sel et cassonade, fumées à chaud, farcies aux rondelles d’oignon et tranches de citron et entourées de bacon, servies avec pommes de terre au four comme à Laterrière
Les oiseaux
Bouilli de perdrix et lard salé au four
Brochettes de perdrix avec tomates, champignons et poivrons verts servies sur du riz arrosé de jus de citron
Cachettes de chou à la perdrix de Sagard (feuilles de chou farcies)
Canard sauvage bouilli pour le dégraisser puis entouré de pommes de terre, carottes, navet, quartiers de chou et cuit au four avec 1 tasse d’eau ajoutée de temps en temps
Civet de canard noir de Saint-Rose
Macaroni à la perdrix (macaroni en coudes cuit dans le bouillon de cuisson des perdrix, mélangé à la viande désossée, à de l’oignon attendri et des tomates, recouvert de cheddar râpé et gratiné au four)
Outarde braisée au vin rouge et aux herbes
Pâté à la perdrix hachée crue de La Baie
Perdrix à la crème
Perdrix au chou au vin blanc
Perdrix farcies au porc haché, céleri, oignons, lardons, entourées de bacon, flambées au cognac, rôties au four et servies avec une salade au vinaigre de framboises (recette de Roger Baulu)
Perdrix bardées de bacon rôties au four, servies avec une salade de chou rouge comme à la Chute-à-Caron
Petit noir farci aux pommes et au bacon de mon ami Mario
Pigeon au court bouillon, farci au pain, oignons, lait, oeufs, épices à volaille
Ragoût d’alouettes de Baie-Sainte-Catherine
Ragoût de pattes de porc et perdrix de Petit-Saguenay
Ragoût ou hachis de merle à l’ancienne de Sainte-Rose-du-Nord
Rôti de boeuf et de perdrix
Tourtière au boeuf, porc, perdrix et lapin
Tourtière d’oie blanche ou d’outarde de Saint-Fulgence
Le gibier
Boulettes d’orignal haché en sauce au vin rouge servies sur des nouilles aux oeufs (recette de ma mère)
Braisé d’orignal au vin rouge et au thym
Braisé de caribou aux légumes du lac Onatcheway
Civet de lièvre du chasseur à la farine grillée et au sang
Foie d’orignal saupoudré de cheddar doux râpé et échalotes vertes hachées en fin de cuisson (création)
Foie de caribou, servi avec une sauce spéciale au vin rouge, gelée de cerises à grappes et cacao rouge (création)
Hachis à l’orignal en conserve
Lièvre aux betteraves des Polonais de Kénogami
Lièvre cuit à l’étouffée, bardé de lard salé
Lièvre farci aux oignons et quartiers de pommes, enrobé de bacon, rôti au four, et servi avec une sauce au vin rouge et champignons
Lièvre fariné et sauté à l’huile, cuit sur un lit de chou haché avec des saucisses de Toulouse ou italiennes (recette de mon frère Florent)
Macaroni à l’orignal en conserve
Macoucham à l’ours (alternance de grillades de lard, pommes de terre en lamelles et tranches de fesse d’ours avec épices au goût, cuit dans un chaudron noir, sans eau, dans le sable chaud, ou toute la nuit à feu très doux dans le four
Marmotte dégraissée, bouillie une fois, puis égouttée et cuite une 2 e fois dans le bouillon à mi-hauteur, avec des oignons rôtis; à la fin de la cuisson, ajout de crème sûre et Cayenne
Pâté chinois à l’orignal en conserve
Ragoût d’écureuils roux aux grands-pères
Ragoût de coeur d’orignal avec des pommes de terre cuites dans le bouillon avant de l’épaissir à la fécule
Ragoût de lièvre aux gorlots (petites pommes de terre) et carottes, mis en pâté
Ragoût de pattes de porc avec un pot de lièvre ou d’orignal en conserve
Ragoût de rat musqué à la sauce à poche après l’avoir fait tremper 12 h dans l’eau salée
Rat musqué et rôti de porc au four
Rosbif d’orignal avec purée de pommes de terre et salade de concombre à la crème
Rosbif de caribou avec une sauce tomate au cèdre et olives vertes (création)
Rôti d’ours cuit au four avec patates jaunes et tranches de navet
Rôti de castor, bouilli 2 fois pour le dégraisser avant de le rôtir au four avec des légumes, servi avec de la confiture d’atocas à la mode de l’Anse-de-Roches
Rôti de viandes sauvages (lynx, rat musqué, marmotte) et de porc servi avec du maïs en crème comme sauce et des pommes de terre
Saucisses de lièvre et porc haché à la sauge et muscade de Grande-Baie
Saucisses de porc et orignal avec fricassée de citrouille aux oignons rôtis et sauge (recette ancienne)
Steak d’orignal avec une poêlonnée de champignons sauvages à l’ail, citron et soupçon de muscade (Création)
Steak d’orignal avec une purée de navet tournée dans le beurre et largement poivrée (Ma mère)
Steak d’orignal en lamelles avec oignons, champignons et poivrons verts servi avec un riz blanc (Mon frère Florent)
Steak de caribou des bois servi avec des crêpes de pommes de terre et de navet râpés et une sauce brune au poivre
Steaks de porc-épic de l’Anse-à-la-Croix aux oignons
Tournedos d’orignal avec une sauce marchand de vin (réduction de vin rouge et vinaigre de vin rouge avec échalotes et thym, puis ajout de carrés de beurre froid)
Tourtière à l’orignal en conserve
Tourtière au lièvre
Tourtière au siffleux
Tourtière tout ensemble de Sagard (mélange de ragoût de lièvre et boulettes de porc haché et de préparation à tourtière du Saguenay à l’orignal, perdrix et porc,
cuit ensemble dans un grand chaudron noir, couvert d’une abaisse de pâte épaisse)
Tranches d’orignal aux oignons et à l’ail, cuites avec un peu d’eau et de vin de cerises à grappes ou sherry canadien (Ma mère)
De la mer (Fjord Saguenay)
Anguille des Huit-Chutes, bouillies puis rôties avec de la ciboulette
Anguille pochée au lait, puis rôtie dans la graisse de lard salé avec de l’oignon et servi avec le lait de cuisson épaissie au roux blond
Anguille rôtie avec une sauce au pain faite dans le gras de cuisson avec de l’oignon
Bourlets au saumon de Rivière-Éternité (saumon cuit mélangé à du pain trempé dans le lait et des oeufs, façonné en boulettes et frites dans la grande friture) avec sauce tartare
Croustade de saumon poché de Sainte-Rose, aux biscuits soda écrasés ou dés de pain unis par de la crème et des œufs
Darnes de saumon couvertes de tomates et rondelles d’oignon, cuites au four
Filets de flétan du Groenland de La Baie enrobés de bacon et cuits au four
Filets de flétan du Groenland poêlés, servi avec une sauce-tomate partie à la graisse de petits lardons et parfumée au baume-mélisse haché (création)
Filets de plie poêlés avec une sauce aux tomates fraîches à l’estragon – (création)
Filets de sébaste du Saguenay nappés de sauce tomate et cuits en papillotes
Flétan du Groenland (turbot) poêlé au beurre et déposé sur des carottes râpées au persil et aux aramés (algues), sautées au beurre (création)
Hachis au saumon salé du Saguenay
Macoucham à la truite de mer ou au saumon de la rivière À Mars (casserole de pommes de terre en lamelles alternant avec du lard salé, des oignons et de la truite, cuite à l’étouffée, sans eau, dans un grand chaudron noir déposé dans le sable chaud d’un feu de camp ou lutté avec de la pâte à pain et cuit au four pendant 3 h)
Morue fraîche de l’Anse-aux-Billots pochée, avec une sauce blanche aux œufs cassés frais dans la sauce
Morue salée au court bouillon, échiffée et arrosée de graisse de panne fondue avec des patates bouillies
Patates à la morue salée au four (genre de fricassée à laquelle on ajoute de la morue salée bouillie et échiffée à travers, qu’on fait épaissir au four un bon 30 m) servies avec ketchup
Pâté à la morue fraîche d’automne de Petit-Saguenay
Pâté à la morue salée, style pâté au saumon
Pâté au saumon à la purée de pommes de terre assaisonnée à la sarriette ou au thym
Pâté au saumon de la Rivière Ha! Ha! en sauce blanche
Pâté au saumon en purée de pommes de terre servi avec une béchamel aux fèves jaunes
Pâté de truite de mer à la crème et aux herbes (persil cerfeuil et ciboulette) de l’Anse Saint-Jean
Pavé de saumon cuit à la vapeur de sel de mer, servi avec une crème fouettée parfumée au citron et au persil sauvage (livèche écossaise) (création)
Plorines à la morue (morue salée mélangée à de la purée, façonnée en boulettes enrobées de biscuits soda écrasés et revenues dans le beurre à la poêle)
Roulés de pâte au saumon et persil à la manière de Charlevoix, servis avec une sauce blanche aux œufs
Sardine salées dessalées à l’eau froide et mangées crues avec des pommes de terre bouillies
Sauce au lard salé et morue salée dessalée
Sauce aux patates avec hareng ou sardine salée, dessalée toute la nuit, de Petit-Saguenay
Sauce blanche au saumon et au persil
Sauce brune à la morue salée servie avec des patates sous le chaudron
Saumon de la rivière Saint-Jean au lait et persil
Saumon de Petit-Saguenay, poché dans un bouillon de lard salé, mangé avec des pommes de terre cuites dans le bouillon et tartines de lard écrasé à la fourchette
Saumon enveloppé de papier brun et cuit dans le sable chaud d’un feu de camp
Saumon farci aux légumes (oignon, céleri, poivron vert, champignons, carottes râpées), riz instant et pain trempé dans du lait), enveloppé de papier aluminium et cuit sur une plaque au four (recette de mon frère Florent)
Saumon poché au persil sauvage à la manière des anciens Montagnais de Tadoussac
Tourtière à la morue salée et au lait d’Albertine Bolduc
Tourtière au saumon salé du Chemin des Battures
Truites de mer de la Baie-Sainte-Marguerite, farcies aux oignons, arrosées de vin blanc et cuites en papillote au four
De la ferme et du jardin
Bajoues de porc fumées mangées avec des pommes de terre et une grosse omelette à la mode de Petit-Saguenay
Blanquette de mouton de Boilleau
Canard farci aux pommes de terre en dés, oignons et épices à volaille de la Baie-Sainte-Marguerite
Filets des Fillion de Jonquière (Cubes de porc, boeuf et veau en alternance avec sucre, sel, poivre et thym, dans une jarre en grès pour fèves au lard tapissée de tranches de lard salé, et couverts d’autres tranches de lard salé, cuit 3-4 h au four à l’étouffée)
Frites de pommes de terre et de navet cuites directement sur le poêle à bois après l’avoir graissé avec une couenne de lard (fait l’automne lors de la récolte du navet)
Pâté aux patates à la sauce blanche des Bolduc de Jonquière
Picoune salée des chantiers (lard salé bouilli 3 h avec pommes de terre, épaissie à la farine avec des tranches de foie de porc, de bœuf ou d’orignal poêlées)
Salade de feuilles de pissenlit et de pousses de rhubarbe de Larouche
Sauce à la poche aux oeufs (lard salé fondu dans lequel on rôtit de l’oignon, on ajoute de la farine pour faire un roux doré, puis de l’eau pour faire la sauce, puis on casse 12 oeufs dedans pour les pocher
Sauce aux fesses de Boilleau (filet de porc et coeur de porc, coupés en tranches et tournés dans le beurre avec des rognons de porc sans membranes, bouillies longuement avec de l’oignon et servi dans le bouillon épaissi au roux blond
Les desserts
Blanc-manger avec sirop d’érable ou sirop de bouleau
Cailles au sucre d’érable de l’Anse-Saint-Jean
Chaland de bleuets de Petit-Saguenay
Charlotte russe avec macédoine de petits fruits frais
Chaussons aux pommes sèches de Petit-Saguenay
Choux à la crème à l’érable de Laterrière
Cipâte aux bleuets
Cipâte de framboises
Corps sans âme (pâte feuilletée enroulée sur elle-même, cuite dans un linge à la vapeur ou dans l’eau bouillante et servi avec de la mélasse pendant le Carême
Crème de catherinettes ou de petites fraises
Croqueurs (pâte à pain coupé en gros dés et frite en pleine friture) mangés chauds avec soupe aux pois ou mélasse
Croustade aux bleuets
Croustade aux graines (vigne d'Ida)
Croustade aux pommes et aux bleuets
Croustade aux pommes ou aux fraises et sirop d’érable
Flan de Rivière-Éternité (Fait avec la 2 e traite de la vache qui vient de vêler; on ajoute des oeufs, un peu de sel et de farine et l’on fait cuire au four dans un bain-marie; se mange avec du sirop d’érable)
Galettes blanches à l’anis ou carvi sauvage
Galettes blanches aux petits fruits
Gâteau aux bleuets à la cannelle
Gâteau aux bleuets au lait sûr
Gâteau blanc aux atocas servi chaud avec un sucre à la crème chaud fondant
Gâteau blanc avec des petites fraises des champs dedans
Gâteau du temps des bleuets à l’essence d’amandes, servi avec une sauce à la muscade et cassonade
Grands-pères au sirop de framboises, bleuets et salsepareille
Grands-pères aux bleuets
Mille-pieds aux fraises (genre de slides à la confiture, fendues à tous les demi-pouces)
Neige aux pommes
Pain à l’âni (carvi sauvage)
Pain à l’orange et aux graines (airelles ville d’Ida) d’Arvida
Pâté aux bleuets
Pâté aux pommes et confiture de petites fraises
Petites pommettes cuites dans le sirop de sucre et mises en conserve
Pouding à la vapeur aux atocas servi avec une sauce au chocolat
Pouding à la vapeur aux bleuets du Lac-Ha! Ha!
Pouding au pain à la confiture de fraises des champs, recouverte d’une meringue
Pouding au sirop d’érable
Pouding aux bleuets
Slide (une abaisse de pâte à tarte, de la confiture de framboise, de la pâte à gâteau blanc, de la confiture puis une autre abaisse pour couvrir le tout)
Streusel aux bleuets
Sucre à la crème aux noisettes
Talmousses (pommes et sucre d’érable entouré de pâte à tarte)
Tarte aux bleuets à la cannelle
Tarte aux bleuets à la crème fouettée
Tarte aux bleuets séchés de Laterrière
Tarte aux framboises et bleuets
Tarte aux graines (airelles vigne d’Ida) du mont Édouard
Tarte aux groseilles sauvages du Lac-Kénogami
Tire Sainte-Catherine au sirop d’érable et mélasse