Les frites-sauces et poutines en lunch

Ces deux appellations québécoises ont à peine 50 ans mais leur réalité est plus ancienne. La poutine classique est en fait un frite-sauce avec du fromage en grains, c’est tout. Quelques villes du Centre-du-Québec prétendent être les inventeurs de la poutine : c’est le cas du restaurant Le Roy Jucep de Drummundville dont le propriétaire cuisinier s’appelait Jean-Paul Roy, en 1964. Il disait être le premier à avoir commercialisé la poutine même s’il n’en était pas l’inventeur. Le restaurant Le Lutin qui rit à Warwick et la Petite Vache à Princeville revendiquent aussi avoir servi un frite-sauce avec du fromage en grain à un client original qui demandait toujours ce mélange. Wikipedia propose l’hypothèse que c’est probablement un certain voyageur de commerce du nom de Lainesse qui aurait fait cette demande saugrenue, pour l’époque, dans ces 3 restaurants. L’hypothèse m’apparait tout à fait plausible. Mais je voudrais auparavant qu’on parle du frite-sauce, la base de ce repas. Les témoins du XIXe siècle, à Québec et à Montréal, confirment la présence de friteries ouvertes par des immigrants belges, dans ces villes. M. Petit de Chicoutimi raconte que lorsqu’il venait faire des achats dans la ville de Québec, il en profitait toujours pour venir manger des frites à la friterie en question. Il raconte aussi, que certains soirs, il soupait avec des frites maison arrosées de sauce brune de l’époque. Cette sauce en question était faite avec de la graisse de lard salé qu’on faisait fondre, dans laquelle on jetait de la farine pour faire un roux brun, puis de l’eau chaude pour faire la sauce brune. Certains, comme mes parents, ajoutaient de l’oignon et des herbes à cette sauce brune maison. Entre les Deux Guerres mondiales, certains Franco-américains eurent l’idée de vendre des sauces en conserve, comme on en faisait au Québec. Puis vinrent les marques de sauces créées par Aliments Ouimet-Cordon Bleu, en 1933, dont les sauces Esta pour les frites et les poutines. Ces sauces sont à base de bouillon de poulet et non plus de lard salé ou de boeuf, comme autrefois, sans doute pour s’adapter aux nouvelles clientèles d’immigrants qui ne peuvent manger de produits du porc ou de bœuf.