Les concentrés
Les concentrés de viande, de poisson, de fruits de mer et de légumes sont de plus en plus utilisés par les cuisiniers de nos familles, même si beaucoup d’écoles de cuisine ou de chefs ne les recommandent pas, y compris moi-même. Je préfère faire mes propres bouillons avec les restes de mes aliments cuits ou crus. Mais j’avoue qu’ils sont de bons dépanneurs lorsqu’on n’a plus de bouillon en réserve ou lorsque le concentré joue le même rôle qu’un sel parfumé. La compagnie Knorr offre, entre autres, des petits contenants de concentré de bœuf ou de poulet en gel qui jouent bien leur rôle de rehausseur de plat; ils lui donnent de la profondeur semblable à nos bouillons maison. Depuis que je sais que les concentrés ont été inventés par quelqu’un qui voulait donner accès aux pauvres gens ou aux soldats en campagne à des soupes ayant bon gout, je me sens moins coupable d’y avoir recours. Ce baron allemand s’appelait Justus Von Liebeg. Mais il faut cependant savoir que les chefs français se faisaient depuis le XVIIe siècle des concentrés de viande en gelée qu’ils utilisaient comme base de leurs sauces, de leurs ragouts ou de leurs potages. C’est exactement cela que fait la compagnie Knorr, aujourd’hui, avec la nouvelle technologie de conservation. En 1774, la cuisinière anglaise Hannah Glasse donnait une recette de concentré de bœuf dans son livre de recette The Art of Cookery. Les Américains appelaient ces concentrés des portable soup ou des meat biscuits. On ajoutait de la farine à ces concentrés débarrassés de leur graisse pour leur permettre de se tenir. Les voyageurs et les colons qui ont occupé l’Ouest des États-Unis à la fin du XIXe siècle, lors de la Ruée vers l’or, connaissaient ces pâtes concentrées de viande, comme j’ai pu le constater dans des livres de recettes locaux de l’époque. Mais l’une des choses les plus intéressantes de la démarche de notre baron allemand, a été de récupérer les excès de productions animales qui se faisaient en Argentine et en Uruguay. Il y construisait des usines de concentrés qu’il expédia ensuite en Europe. Plusieurs ont créé des produits similaires qui n’avaient pas la qualité des concentrés du baron Liebeg et qui brisèrent la réputation de ce nouveau produit. C’est dans la foulée de ce nouveau produit que sont nés les compagnies Oxo en 1899, Knorr en 1886, Maggi en 1887 et Bovril en 1889. Les concentrés sont devenus dans le monde, en particulier dans les déserts africains, les brousses du Brésil ou les communautés autochtones du Grand Nord canadien, des moyens économiques de donner du gout à leurs plats respectifs.