La cuisine du Bas-Saint-Laurent
Cette région de l’Est québécois se situe entre la Gaspésie et la grande région de Québec, au sud du fleuve. En fait, elle couvre les rives de l’estuaire du fleuve, où l’eau est moyennement salée. Ses centres régionaux sont Rimouski, au nord-est, et Rivière-du-Loup, au sud-ouest.
SES GARDE-MANGER
L’ESTUAIRE DU SAINT-LAURENT:
On ne pratique plus vraiment la pêche commerciale dans la région sinon dans les alentours de l’Isle-Verte où quelques pêcheurs continuent de pêcher le hareng pour le fumer. Mais plusieurs pêches étaient encore bien présentes avant les années 1960 comme celles de l’anguille, du bar rayé, de la morue, du flétan du Groenland, du gaspareau, du maquereau, du saumon. Mais, le hareng était commercialement, pour le Bas-Saint-Laurent, ce que la morue était pour la Gaspésie. C’était le poisson porte-drapeau de la région. Aujourd’hui, on pratique plutôt la pêche au crabe et aux crevettes, dans la région, de même que la pêche à l’esturgeon noir, si recherché pour son caviar. La pêche à l’éperlan demeure une activité bien présente sur les quais de la région de même que la pêche à l’alose, en saison. Les moules et les palourdes sont présentes sur les côtes mais il faut suivre les indications de Pêche et Océan Canada pour vérifier si on peut les ramasser, à cause de la pollution dans le fleuve. Les grèves de la région reçoivent enfin des milliers d’oies blanches et de bernaches, chaque année. Elles font aussi partie du garde-manger maritime de la région. S’ajoutent les canards de mer comme le kakawi, l’eider, le garrot et la macreuse très présents dans les environs de Cacouna, pays malécite. Les herbes ramassées sur la grève comme l’armoise de Steller, l’arroche astée, la glauce maritime, le suédas appartiennent à la cuisine des riverains d’autrefois. Les pommes des prés (airelles vignes d’Ida) sur les crans du rivage font toujours partie des desserts régionaux. Les algues locales reviennent aussi à la mode, dans le menu riverain. On fait un potage avec de l’alarie succulente, des pommes de terre et du poireau et une salade avec la même algue, de l’oignon cru et des olives.
LA FERME TRADITIONNELLE:
Vers 1830, les fermes de la région faisaient assez de blé, de seigle, d’avoine et d’orge pour être autosuffisantes. On y faisait alors beaucoup de pains aux céréales mélangées, lorsque le blé n’était pas suffisant, certaines années. Malgré tout, en 1831, c’est la pomme de terre qui était la championne toute catégories : on en récoltait 31 552 hectolitres qu’on exporta principalement en Nouvelle-Angleterre, à partir de 1854. Puis on récoltait aussi presque 6 000 hectolitres de pois à soupe. On élevait aussi deux fois plus de moutons que de bœuf et de porc et la quantité augmenterait lorsque les Écossais s’installeraient dans la région. Vers 1900, il était plus économique d’acheter une poche de farine de 100 livres de l’Ouest canadien que de le semer, le récolter, le faire moudre dans un moulin. Peu à peu, on abandonna les céréales pour se consacrer à d’autres cultures et à la nouvelle industrie laitière. En 1891, la région comptait déjà 8 beurreries et 8 fromageries. Le beurre de l’Isle-Verte était réputé comme le meilleur beurre de la région sans doute à cause du fait que les vaches étaient mis à paître dans les prés salés, au bord du fleuve. En 1953, la région était connue comme un producteur important de haricots secs et de lentilles. On en vendait même comme semences de légumineuses pour les autres régions du Québec. Les légumes potagers étaient même vendus sur la Côte-Nord, dans les années 1950; on exportait des betteraves, du maïs, des carottes, du chou, du chou-fleur, des laitues, du rutabaga et de l’oignon. On envoyait beaucoup de navet et de cornichons à Québec et à Montréal. Le Bas-Saint-Laurent était connu dans les années 2000 pour son miel (883 ruches), ses 21 vergers, ses 376 érablières, ses fromageries de cheddar et de fromage de chèvre, ses 24 élevages de lapin et ses 129 producteurs d’agneau dont le cheptel dépassait les 40 000 bêtes, en 2 000.
LA FORÊT
Au XIXe siècle, les habitants de la région avaient accès facilement à l’orignal et au cerf à queue blanche. Même si les lois limitent considérablement l’approvisionnement en bêtes sauvages, aujourd’hui, pour en préserver le cheptel, on trouve beaucoup d’orignaux et de cerfs dans les réserves de chasse contrôlée comme la Réserve faunique de Rimouski et la Réserve Chénier, plus près de la mer. Les canards nicheurs, comme le pilet, le garrot et les sarcelles sont sur tous les lacs de la région. Le canard noir est très présent dans les marais salés du fleuve. La gélinotte huppée, le lièvre sont facilement accessibles, partout, dans la partie montagneuse de la région. Enfin les poissons d'eau douce comme la truite mouchetée, le touladi, le corégone, le brochet, la perchaude et la truite rouge sont les poissons les plus pêchés avec la lotte qu’on pêche dans certains lacs, en hiver, sous la glace.
SES FONDATEURS
LES AUTOCHTONES
La région est occupée au moins depuis 8000 à 9000 ans, selon les découvertes archéologiques faites au Bic et à Rimouski, en 1977. Ces gens appartenaient à la culture Plano et étaient originaires des Grands Lacs ontariens. La région a accueilli, il y a 4 000 ans, leurs descendants, les Archaïques maritimes et les Archaïques laurentiens. Vers l’an 280 de notre ère, les ancêtres iroquoiens du Saint-Laurent construisaient une maison rectangulaire et utilisaient déjà de la poterie pour cuisiner. Par conséquent, au temps de Jacques Cartier, la région était toujours occupée par les Iroquoiens du Saint-Laurent. Ce n’est qu’entre 1541 et 1600 que cette population fut éliminée du Québec par une autre population qui voulait obtenir le contrôle du commerce naissant avec l’Europe. -- Cette partie de notre histoire demeure encore obscure. Par conséquent, le territoire fut occupé, après cette date, par des nations d’origine algonquienne comme les Malécites, les Micmacs et les Innus qui venaient y faire la chasse et la pêche, principalement en hiver. Aujourd’hui, ce sont les Malécites qui habitent le territoire.
LES FRANÇAIS
Sous le Régime français, seuls quelques Français occupèrent la région pour y faire la trappe des fourrures et la pêche au saumon ou/et au hareng. À la fin du XVIIe siècle, on avait une ferme de survie avec quelques animaux domestiques. Les premiers villages français ouvrirent donc au début du XVIII e siècle avec une population originaire de l’ile d’Orléans : c’était Trois-Pistole, l’Isle-Verte, Rimouski et Rivière-du-Loup. Lors de la Conquête anglaise, en 1760, toutes leurs maisons sont brulées par les Anglais. Ils vont rebâtir leurs maisons peu à peu, après la guerre en attirant d’autres Français de la Côte-du-Sud et de la grande région de Québec.
LES ÉCOSSAIS
Le premier Écossais de la région s’appelait Alexandre Fraser; il était un membre de la célèbre famille Fraser établie à La Malbaie, après la conquête. Il s’installa à Rivière–du-Loup, en 1802, pour y partir l’industrie forestière. Lors de la Guerre de 1812, plusieurs jeunes soldats britanniques vont venir dans la région se battre contre les Américains. Quelques-uns de même que plusieurs familles écossaises vont venir fonder quelques villages anglophones, dans la région, en 1820.
LES ACADIENS
Beaucoup d’Acadiens sont venus s’installer dans la région, à partir de 1755. Ils avaient parcouru la distance de l’Acadie au fleuve, à pied, à travers des pistes amérindiennes tracées par les Micmacs et les Malécites, depuis plusieurs siècles. Ils se sont fondus à la population d’origine franco-québécoise, dès leur arrivée en région.
LES IRLANDAIS
Ils sont arrivés massivement entre 1815 et 1850, pour travailler en forêt et dans les moulins à scie qui s’ouvraient, dans la région, sous l’égide d’hommes d’affaires d’origine écossaise ou britannique. Comme on le sait, les Irlandais tombaient malades sur les bateaux qui les transportaient au pays, de sorte que plusieurs enfants se retrouvèrent orphelins. Plusieurs familles franco-québécoises accueillirent ces orphelins; juste à Rimouski, on adopta 61 enfants Irlandais à cette occasion.
CONCLUSION
La cuisine du Bas-Saint-Laurent est donc marquée principalement par la cuisine française de la Nouvelle-France, par celle des Écossais et des Irlandais et surtout par la cuisine américaine; car il faut absolument dire que beaucoup de gens de la région sont allé travailler aux États-Unis, du milieu du XIXe siècle au Crash boursier new-yorkais de 1929. On trouve plusieurs recettes locales issues de ce contact avec la Nouvelle-Angleterre. Le célèbre Sea-Pie devenu Cipâte, Six-Pailles, etc. , de même que plusieurs plats à base de semoule de maïs témoignent de ce contact avec les Yankees et les nouveaux arrivants de la Nouvelle-Angleterre, comme les Portugais et les Allemands, qui ont aussi partagé leurs recettes avec les Franco-Québécoises qui travaillaient dans les manufactures de coton. On trouvera toute l’information sur la cuisine de la région, dans mon 2 e volume consacré à La mer, ses produits et ses régions, dans la collection Histoire de la cuisine familiale du Québec, de la page 275 à 301.