L'esturgeon jaune ou noir
Ces deux poissons font vraiment partie de notre histoire culinaire. Ils étaient les poissons les plus appréciés et les plus rentables des nations autochtones qui habitaient les rives du Saint-Laurent. L’esturgeon noir est un poisson anadrome qui vient frayer dans les rivières de l’Atlantique, le golfe Saint-Laurent et le golfe du Mexique. C’était aussi un poisson estimé par nos ancêtres français et britanniques. En 1651, Simon Denys le citait comme un poisson très abondant dans la région de Québec. Chaque année, les colons de la Côte de Beaupré, de l’ile d’Orléans et de la Côte-du-Sud s’en mettait dans le sel pour l’hiver. Certains s’en fumaient une partie comme on le faisait aussi avec le saumon et l’anguille. Les jours maigres, spécialement pendant l’Avent ou le Carême, on mangeait de ces poissons en priorité qu’on accompagnait de purée de pois ou de gourganes. L’esturgeon fumé était amené par les colons qui devaient travailler loin de leur maison, comme collation ou diner, avec du pain. Cette habitude d’origine amérindienne est l’une des nombreuses coutumes adoptées par les Français, lors de leur installation au pays. On l’apprêtait en brochettes, en ragout, en rôti, selon sa grosseur, à la manière autochtone. Les Abénaquis installés sur le bord de la Chaudière, en face de Québec, le préparaient avec du maïs. Il était si abondant à Québec que Champlain voulait en exporter 100 000 livres en France et en Allemagne, en 1618. On lira mon 2e volume sur la mer pour en connaître plus sur ce magnifique poisson de notre territoire de l’Est du Québec. Dans l’Ouest du Québec, dans le fleuve, ses affluents et certains de ses grands lacs, on parle plutôt de l’esturgeon jaune. C’est le plus gros poisson de nos eaux douces; il peut mesurer 2.5 mètres et peser 135 kg. Il ne fraie pas chaque année et devient mature sexuellement à l’âge de 15 ans. Dans le fleuve Saint-Laurent, on en rencontre à partir de l’ile d’Orléans jusque dans le Nord, par la rivière Outaouais, les lac Témiscamingue jusqu’à la Baie James. L’esturgeon jaune serait l’un des plus vieux poissons de la Terre, qui aurait plusieurs millions d’années et qui aurait vécu plusieurs glaciations en allant se réfugier, à chaque fois, dans l’hémisphère sud du continent. Jusqu’à tout récemment, il était le plus beau trophée de pêche des gens du lac Saint-Pierre, du lac Saint-François ou de la Baie James. Les Français ont adopté rapidement ce poisson, comme le confirme le père Le Jeune en 1635. À cette époque, un seul esturgeon pouvait rassasier une cinquantaine de personnes, comme le confirme Sagard dans ses écrits de 1623. Les Français se faisaient, comme les autochtones, des gelées d’esturgeon avec les restes d’esturgeon bouilli. Soeur Marie Morin de l’Hôpital de Montréal raconte qu’on en servait souvent aux malades de l’hôpital avec des pois ou des fèves (haricots). C’est vraiment un poisson important de notre patrimoine culinaire.