Les pigeons
Les pigeons appartiennent incontestablement à notre patrimoine culinaire même s’ils n’y sont pratiquement plus présents. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, on en a mangé beaucoup, tout comme on a mangé beaucoup de tourtes et d’oiseaux sauvages. Le pigeon sauvage s’appelait la tourte, au Québec. Quand les voiliers de tourtes apparaissaient, ils engendraient une espèce d’euphorie collective où chacun sortait son fusil pour en abattre le plus possible. On mangeait les cuisses et l’on conservait les poitrines dans le sel pour les cuisiner dans le temps des Fêtes ou à Pâques, certaines années où la température douce les faisait arriver à la fin du mois de février ou au début mars. Ils étaient alors servis en ragout, le soir de Pâques. Quant au pigeon domestique, il faisait partie de toutes les basses-cours, sous le Régime français. Domestiqué par les Égyptiens, au temps des Pharaons, les pigeons ont nourri des générations de fermiers, partout dans le monde, y compris en France. Les Français en ont donc apportés au Québec. On en a consommé sous le Régime français, comme le révèlent Pierre boucher en 1664 et Nicolas-Gaspar Boucault, en 1754. Sous le Régime anglais, on a continué à en manger comme le signale John Neilson, premier imprimeur de la Gazette de Québec. J’ai aussi trouvé la preuve qu’on élevait toujours du pigeon, dans les villages qui s’ouvraient, à la fin du XIXe siècle, au Lac-Saint-Jean. Le pigeon est disparu de la carte avec l’arrivée des épiceries et des villes, après la 2 e Guerre mondiale. Ce sont les chefs français qui l’ont remis sur leur table, dans les années 1970. Mais le pigeon demeure encore une viande rare que les jeunes générations n’ont jamais goutée; les jeunes associent les pigeons aux goélands qu’on voit voler dans les villes et qui mangent des restes de tables des restaurants rapides. Dommage!