Le chevreau
La majorité des Franco-Québécois ne connaissent pas le chevreau. Pourtant, nos ancêtres français et britanniques ont élevé des chèvres, au début de la Nouvelle-France et des régions périphériques du Québec. J’ai relevé plusieurs témoignages de présence de chèvre dans nos monographies de villages. On élevait des chèvres d’abord pour le lait parce que notre cuisine exigeait d’avoir du lait. Les colons qui ont fondé des villages de pêcheurs sur la Côte-Nord trouvaient plus facile de transporter des chèvres que des vaches dans une chaloupe. La chèvre prenait moins de place et avait besoin de moins de nourriture qu’une vache. On s’organisait pour garder un bouc en réserve dans la région et l’on consommait les chevreaux que l’on ne voulait pas garder. Le premier établissement français du Québec fait par Roberval, en 1541, à Cap Rouge, comprenait des chèvres. Les Français de Québec élevèrent aussi des chèvres de 1636 à 1760. On s’était rendu compte que certains bébés étaient allergiques au lait de vache ; on le remplaçait donc par du lait de chèvre. Mais ce lait n’était pas très apprécié des gens parce qu’on disait qu’il sentait et goûtait le bouc. Certains éleveurs de Québec donnaient leurs chevreaux et les excédents de lait de chèvre au village huron car les autochtones en question ne se formalisaient pas de cette soi-disant odeur. Les conditions d’élevage ont évidemment changé avec le temps. L’émigration importante d’Européens du Sud comme les Portugais, les Grecs et les Turcs remirent la chevreau au menu, dans les années 1960. Mais c’est surtout l’engouement pour les petits fromages de chèvre importés de France qui remit la chèvre à l’honneur dans les années 1970. Certaines communes de hippies et certains jeunes artisans se mirent à faire du fromage de chèvre, un peu partout au Québec, dans les années 1980. Le chevreau est donc réapparu sur quelques tables familiales et de restaurant à ce moment-là. Mais il reste encore très marginal dans notre culture culinaire.